🌊Le Fils des Tempêtes

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Inspiré de Raiponce, conte compilé par les Frères Grimm dans le premier volume des Contes de l'Enfance et du Foyer, publié en 1812.

Il était une fois, une enchanteresse d'une formidable puissance, si puissante en vérité que les peuples de la mer et les peuples de la terre la priaient comme une déesse. On disait d'elle qu'elle était peut-être la fille du Vent et des Vagues, ou celle du Ciel et de l'Océan, et on implorait sa clémence et sa bénédiction avant de prendre le large. Cette enchanteresse n'avait aucune faiblesse, à ceci près qu'elle avait un cœur. Un beau jour, elle rencontra un courageux capitaine pirate, et elle en tomba éperdument amoureuse.

De cette union naquit un enfant et il se dit que jamais la mer ne fut plus douce ou plus clémente, bienveillante envers tous ceux qui s'y aventuraient, qu'au moment de la naissance. L'enchanteresse voulut doter son fils de quelques qualités nécessaire à faire de lui un grand homme, le capitaine résolut de lui enseigner toutes les valeurs de son royaume afin d'élever une belle personne. Prénommé Uracan, l'enfant était promis à un avenir radieux, entouré de l'amour de ses parents.

Hélas, c'était sans compter sur la jalousie dévorante qu'une sorcière portait à l'enchanteresse. Ayant appris que sa rivale venait de mettre au monde un fils, cette sorcière complota afin de s'emparer de l'enfant qu'elle comptait échanger contre les pouvoirs de l'enchanteresse. Par prudence, elle ourdit lentement ses plans, parfaitement conscience qu'elle ne pouvait échouer dans son entreprise. Il lui fallut pour cela près de dix ans, tant et si bien que lorsqu'elle fit voile vers son objectif, le petit Uracan était déjà un grand garçon.

Du haut de ses dix ans, l'enfant faisait la fierté et le bonheur de ses parents. Il écoutait sagement les enseignements de sa mère pour apprendre à maîtriser la magie des éléments, le chant du vent et la danse des vagues, dans le respect du monde de la mer autant que du monde de la terre. Il était tout aussi assidu auprès de son père, naviguant comme mousse à bord de son navire pour apprendre les secrets des cordages et des voiles, la position des étoiles dans le ciel et des îles sur l'océan.

C'était un garçon magnifique, à la peau d'un brun chaleureux plus clair que le teint de son père, aux cheveux aussi pâles que l'écume des vagues, et aux grands yeux dans lesquels dansaient toutes les nuances de l'océan. Tout le monde s'accordait à dire qu'il avait une très jolie voix, qu'il employait à chanter gaiement du soir au matin, mais son rire était plus beau encore, marqué de joie et d'insouciance. Son entourage l'aimait, il aimait son entourage, et ils étaient heureux.

Parce que la sorcière avait planifié son coup avec soin, l'entreprise fut couronnée de succès. Usant de ses quelques pouvoirs, de ruses et du couvert de la nuit, elle se glissa à bord du navire où vivait la petite famille, elle endormit l'enfant et l'emporta avec elle. Le temps que l'on découvre son forfait, elle était déjà loin.

Pour retenir l'enfant captif et le dissimuler aux recherches, la sorcière l'installa sur une île déserte qu'elle entoura d'un brouillard perpétuel. Enfin, elle fit tant et si bien qu'elle persuada Uracan que jamais personne ne le retrouverait. Les années passèrent et l'enfant rieur devint un adolescent mélancolique, puis un adulte taciturne. Il n'avait pour toute compagnie que la sorcière, dont les visites étaient irrégulières. De temps en temps, elle approchait de son île et Uracan entendait son appel par-delà le brouillard.

— Uracan, dénoue tes cheveux ! criait-elle.

Au fil des années, ils s'étaient rendus compte qu'une grande partie des pouvoirs du jeune homme reposait sur sa longue chevelure qu'il tressait la plupart du temps. Lorsqu'il lâchait ses cheveux, le vent se levait et répondait à son appel. C'était ainsi qu'il pouvait lever le brouillard entourant son île, et permettre à la sorcière d'accoster. Elle ne venait jamais lui rendre visite par courtoisie, mais toujours pour lui demander de mettre ses pouvoirs à sa disposition. Elle utilisait alors ses cheveux pour lever de puissants sortilèges et provoquer de terribles tempêtes autour de l'île. Cela lui permettait de faire naufrager les navires à proximité, dont elle pillait les cargaisons. Avec le temps, plus personne n'osait s'approcher de l'île et Uracan devait créer des ouragans de plus en plus puissants pour atteindre les cibles de sa geôlière. Mais quelque part au fond de son cœur, il gardait l'espoir que ses parents parviendraient à le retrouver.

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