Ici - Tome 2

Chapitre 40

New York.

Les Sept auraient pu choisir n'importe quel lieu pour nous rencontrer, mais ils avaient opté pour une mégalopole. Bruyante, polluée, pleine de monde. L'idéale pour augmenter mon stress, et pour laisser la possibilité à mon pouvoir tentaculaire de s'accrocher à chacun des passants. Lorsque la portière du minibus s'ouvrit, j'étais épuisée. Je devais sans cesse le canaliser, et ça commençait à me donner la migraine.

Robin sortit souplement, et me tendit la main avec un sourire rassurant. Son contact me fit du bien, et je me cramponnai au lien de Reconnaissance comme à une bouée de sauvetage.

J'avais déjà visité cette ville, seulement quelques jours après le décès de mes frères, après avoir tout quitté. Et j'en gardais donc de mauvais souvenirs. Elle était sans conteste l'une des villes les plus touristiques du pays, et les demandes de photographies par les professionnels du tourisme affluaient. J'aurais pu signer de gros contrats ici, mais je m'étais traîné d'un lieu à l'autre, ravagée par le chagrin. Je l'avais fuie après quelques jours seulement, et m'étaient enfoncée dans les terres moins peuplées aussi vite que je le pouvais. La grosse pomme n'avait pas réussi à combler ne serait-ce qu'un millimètre du trou béant dans ma poitrine. Mais personne ne l'aurait pu à ce moment-là.

Je levai les yeux sur le bâtiment qui nous surplombait : un immeuble privé avec vue sur Central Park, en plein cœur de Manhattan.

— Pourquoi les loups-garous ont-ils tous des goûts de luxe ? soufflai-je à l'alpha en m'écartant pour laisser sortir les autres.

— Les Sept sont une vieille institution, qui – comme toutes les institutions – a des frais de fonctionnement. Comme nous, ils ont créé une société pour les absorbés, qui s'est développée et étendue au cours des siècles. Ce bâtiment leur appartient depuis des lustres, et c'est un peu le « siège » des loups-garous. Là où sont prises les décisions, là où se tiennent les conseils. L'avantage de New York, c'est qu'elle est en terrain neutre.

— Personne ne serait assez fou pour s'installer ici, maugréa Ted. Ce n'est pas comme si on pouvait se dégourdir les pattes dans Central Park.

Je tapotai son épaule dans un geste encourageant, puis Robin entremêla mes doigts aux siens et prit la tête de notre groupe pour franchir le haut portail en fer gardé par deux colosses.

Le hall avait été aménagé pour en mettre plein la vue : sol de marbre étincelant, long comptoir brillant, vastes canapés blancs, et une superbe femme en tailleur pantalon, parfaitement apprêté et distingué. Je me sentais ridicule face à elle et ses escarpins de douze centimètres.

— Soyez les bienvenus, nous interpella-t-elle avec un sourire de circonstance. Vous êtes attendus au sixième étage, l'ascenseur se trouve juste devant vous.

Elle posa ses yeux sur moi un instant de trop, et son intérêt me mit mal à l'aise.

Robin acquiesça d'un signe de tête, et nous continuâmes notre route d'un pas décidé. Je frissonnai sous mon chemisier blanc, la clim était poussée au maximum, contrastant avec la chaleur étouffante de l'extérieur. Une fois que les portes du gigantesque ascenseur se furent rabattues sur nous, je relâchai les épaules et fermai les paupières. L'alpha passa un doigt sous mon menton pour me relever la tête et plongea son regard dans le mien.

— Ça va aller, me promit-il.

Je lui adressai un sourire contrit en baissant les yeux.

— Ne t'inquiète pas Alex, on va papoter cinq minutes, et dans dix on est parti ! ajouta Jared en hochant la tête avec un air rassurant.

— J'ai du mal à y croire, chuchota Hélène en resserrant sa prise sur la main de Richard.

Arkan me fit un signe de tête encourageant lorsque les portes s'ouvrirent, et je n'osai pas croiser le regard de Thomas, aussi mal à l'aise que moi. Son stress qui s'additionnait au mien me nouait la gorge. S'il avait pu s'enfuir en courant, je suis certaine qu'il l'aurait fait. Mais il n'avait malheureusement pas ce luxe à cause du danger que représentait Damian.