Chapitre 33 - Victoria

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Comme tous les jours depuis des mois, dès mon réveil, j'envoie un SMS à mon copain. Mais l'est-il encore ? Je n'en sais rien. Une semaine que mes messages restent sans réponse. Je pensais que le temps ferait son œuvre, sans succès.

Des heures à scruter mon écran dans l'espoir d'y voir afficher son prénom. Je me sens démunie sans sa présence. J'ai l'impression que ma vie n'a plus de sens, comme si seul lui lui en donnait un. Sept jours que je patiente, sept jours que son absence me peine, sept jours que je souffre en silence.

Damien est devenu en l'espace de peu de temps ma drogue. Et je suis en manque. Je dois le récupérer. Ce soir, je change d'angle d'attaque. J'enfile une petite robe noire, sobre, mais assez courte et décolletée. Sa coupe met en valeur mes atouts. Le mode reconquête est activé.

— Mady, tu es prête ?

— Ouais, ouais, j'arrive.

Je glisse mes pieds dans mes escarpins à talons hauts en sortant de l'appartement.

— Les filles nous attendent en bas de l'immeuble, m'informe ma meilleure amie.

Nous patientons le temps que Gaëlle arrive avant de déambuler dans les allées du campus universitaire, les bras chargés de bouteilles et de friandises. Notre passe-droit pour s'incruster à la soirée de l'équipe de basket. Romain a bien réussi à s'y incruster alors pourquoi pas nous ?

— Vous pensez qu'ils nous laisseront entrer ? s'inquiète Laurie.

— On vient avec de l'alcool. Ils diront jamais non à de l'alcool et des nanas, la rassure Mady.

Elle n'a pas tort. Quand elle m'a soumis son idée, j'ai de suite accepté. Puis je connais bien Tomas, je saurais jouer de mon charme pour le faire plier et j'ai plus d'un tour dans mon sac. Mais, pour être honnête, c'est voir Damien qui me motive. J'ai enfin l'occasion de discuter avec lui. C'est une méthode, certes intrusive, cependant, je ne vais pas seule au front. Il ne pourra pas m'en tenir rigueur, sachant que six nanas s'apprêtent à débarquer dans leur colocation. Il me suffira de dire que j'ai suivi le groupe.

Comme des hystériques, nous sommes agglutinées devant la porte, piétinant et attendant patiemment que cette dernière s'ouvre.

— Il manque qui ? entends-je gueuler depuis l'autre côté du battant.

— Qu'est-ce que vous faites là ? s'étonne Tomas.

— Surprise ! crions-nous en cœur.

— On s'était dit qu'une soirée sans filles n'était pas une vraie soirée, intervient Mady.

Postée à ses côtés, je fixe la réaction de mon ami. Un dilemme abrite ses traits, tiraillé entre la tentation d'accepter et celle de refuser.

— C'était pas prévu, ça devait être une soirée entre couilles pour...

La répartie reste en suspens, quand Rudy s'interpose entre nous et lui.

— Des gonzesses ! Hey, les mecs, y'a de la viande fraîche, crie ce dernier en retournant dans le salon.

Un air de dégoût traverse mon visage. Est-ce une façon de parler de la gent féminine ? Ce mec ne trouvera définitivement jamais personne, pas étonnant qu'il ne soit pas en couple.

Nous lui emboitons le pas, comme s'il nous avait donné son autorisation. Tomas pose sur moi un regard appuyé, entendu. Je regarde mes pieds en réponse. Le message est passé, je ne ne dois pas faire de vague. D'ici, j'entends le rire des garçons. Parmi eux, celui de Damien se distingue et résonne dans mes oreilles. En réaction, des images du sourire de mon copain s'imposent à moi. De ses lèvres qui se courbent, qui s'ouvrent légèrement pour échapper à ce son mélodieux. De la fossette qui se creuse avec délicatesse dans sa joue droite alors que la gauche reste intacte. Cette particularité m'a toujours séduit.

Toujours dans mes rêveries, j'arrive dans le salon avec un sourire absurde au visage, sourire qui s'évanouit lorsque l'expression de Damien se ferme en croisant mon regard. Mon cœur se pince. J'ai mal. Je m'en doutais, je le savais, mais voir de mes propres yeux qu'il me raye de sa vie vrille mes entrailles.

Je décide de ne pas m'imposer plus que le fait de débarquer ici. Je m'installe avec mes copines à plusieurs mètres de lui. Comme une distance de sécurité pour lui, comme un fossé entre-nous pour moi. La soirée avance au rythme des verres qui descendent. La musique se fait plus forte, les corps commencent leur valse désynchronisée. Je danse pour oublier, associant ma voix à celles de mes copines. Quelques garçons nous accompagnent sur la piste improvisée.

Pas Damien.

Bien sûr que non, il reste avachi sur le canapé, manette en main, l'attention focalisée sur son jeu. Je ne peux même pas lui en vouloir, on lui avait promis une soirée gaming, il s'y tient. Pourquoi changerait-il son programme ?

Il s'évertue à m'ignorer et la prise de conscience me brûle autant que l'alcool qui dégouline dans ma trachée. Nous ne sommes plus rien. Plus un couple, plus ensemble, même plus amis. Je me noie dans la boisson pour oublier l'évidence. Ma vue se voile au fil des grammes qui circule dans mon sang, tout comme je veux me voiler la face.

L'humeur est joviale. Tout autour de moi des rires s'esclaffent. Sur presque tous les visages. Presque tous, sauf Damien. Sauf quand Damien pose un microregard sur ma silhouette. Ses yeux m'évitent comme la peste et je sombre un peu plus à chacun d'eux. Un verre, pour un mépris. À ce rythme, je ne vais pas tarder à m'effondrer. La tête me tourne.

Un dernier shoot et violemment, l'envie de vomir me soulèvent le cœur. Je titube jusqu'à la salle de bain où je m'écroule dans la cuvette. J'expulse le trop-plein, évacue cette substance nocive donc j'ai abusé tout comme j'aimerais chassé mes sentiments.

— T'as été trop loin Vic, qu'est ce qui t'arrive ? me demande Mady en tenant mes cheveux.

Je remercie mon amie pour sa bienséance.

— J'ai mal...

Seule phrase que j'arrive à formuler. Elle résume tout. Un mal physique, un mal psychologique. Mon cœur saigne.

Je me redresse avec difficulté avant que je ne finisse par tourner de l'œil.

Leçons de confiance (anciennement Learn to trust)Kde žijí příběhy. Začni objevovat