Chapitre 34 - Damien

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Je me concentre sur ma partie contre Adrien. Si les boutons de la manette parlaient, ils me hurleraient d'arrêter de les maltraiter. Je serre tellement les anses que mes phalanges blanchissent. En réalité, ce n'est pas tant à cause du jeu que je me crispe comme un forcené, mais plutôt concernant la blonde qui se déhanche au milieu du salon. Mes yeux ont beau être fixés sur l'écran, je n'en devine pas moins le nombre indécent de verres qu'elle a ingurgités.

Ça me fait mal au cœur de la voir se détruire ainsi. Je me force à rester impassible, fixé sur le canapé. Parce que si je me lève, je sais que j'irais la voir. Je sais que mon corps sera appelé par le sien alors que mon cerveau me crie de rester à ma place. Que c'est trop tôt ! Beaucoup trop tôt. J'ai besoin de temps, j'ai besoin d'espace, j'ai besoin d'air.

Ma mâchoire se serre une nouvelle fois quand je la vois tituber jusqu'aux toilettes. Je me fais violence pour ne pas intervenir. Je crève d'envie de vérifier qu'elle va bien. Je déteste ces sentiments contradictoires, entre l'amour et la haine. L'envie de la prendre dans mes bras et celui de lui cracher ses quatre vérités au visage. Comment peut-elle être l'ange et le démon ? Pourquoi l'est-elle ? Pourquoi fallait-il que ça tombe sur moi ?

Un fracas résonne dans le couloir, en provenance de la salle de bain. Cette fois, je ne résiste pas. Je me lève d'un bond.

— Je vais chercher un truc dans ma chambre, annoncé-je à mon adversaire.

Il n'est pas dupe, mais ne dit rien.

— Je prends ta place, s'empresse d'ajouter Romain.

Il s'affale au côté d'Adrien en m'adressant un sourire entendu. J'ai néanmoins un doute sur sa signification.

J'enjambe la distance qui me sépare de la salle de crime et jette un coup d'œil innocent par l'entrebâillement de la porte.

— Vic, Vic, réveille-toi.

La voix paniquée de Mady m'interpelle. J'y pénètre complètement en écarquillant les yeux. Victoria semble endormie dans ses bras. Il ne faut pas être un génie pour comprendre qu'elle ne dort pas simplement.

— Elle est tombée d'un coup.

Nos brosses à dents sont éparpillées parmi les débris de verre cassés qui jonchent le sol. D'où le bruit qui m'a poussé à me lever.

Je m'abaisse au niveau de Victoria pour prendre la température de son front. Sa peau brûle sous mes doigts, livide. Beaucoup plus pâle qu'à l'accoutumée. Je devrais paniquer de la voir dans cet état, pourtant, le stress ne m'atteint pas. Peut-être parce que Mady le fait déjà pour moi ?

J'attrape une serviette à mains que j'humidifie et passe sur le visage démuni de mon ex-copine. Je tamponne son front, alors que Mady continue de la bercer. Je penche sa tête en arrière pour m'assurer qu'elle respire correctement. Lorsque j'approche ma joue, l'air chaud qu'elle expire emplit mes narines d'une odeur peu ragoutante. Un mélange d'alcool et d'autres choses.

— Elle a vomi ? m'empressé-je de demander.

— Oui, la majeure partie, je pense.

— Génial, me plaigné-je. Bon, si son estomac est vide, je pense qu'une douche ne lui ferait pas de mal. Après, on la mettra dans ma chambre et on surveillera.

Le regard interrogateur de Mady accroche le mien.

— Tu as une meilleure idée ? Tomas a foutu une chaussette sur sa poignée pas plus tard qu'hier, je ne veux même pas savoir s'il a changé ses draps.

— OK. Va pour ta chambre.

— Tu m'appelles si besoin, je reste derrière la porte.

J'entends Mady pester à travers le bois entrouvert.

Leçons de confiance (anciennement Learn to trust)Where stories live. Discover now