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Juliette et Roméo apprennent à se connaitre. Moi je couvre Roméo devant Mme. Montaigu et je subi en silence la pire des tragédies. Je les regarde s'éloigner de la vie pour un regard à travers une foule festive. On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Roméo arrive dans sa chambre sur la pointe des pieds. Il est minuit passé. Il se tourne vers moi et chuchote doucement "On s'est embrassés". Et je connais ma réplique, je sais qu'on attend de moi, je pourrais la dire à demi-mot, je devrais la dire à contrecœur mais les mots ensembles n'ont pas de sens. Il y a un silence. Il s'impatiente : "Bah t'en a rien à foutre de toute façon". Alors je suis les règles, je fais ce qu'on me demande. "Elle était consentante ?" Il me lance un regard noir et s'affale sur le lit. Roméo commence à réciter la tirade écrite dans le bouquin mais je l'écoute pas car je sais maintenant qu'il n'en pense pas un mot. Il débute "Ses yeux sont bleu comme l'océan..." et je corrige "Juliette, elle a des iris qui réinvente le bleu, c'est le bleu du soleil, le même bleu qui recouvre les roses, la neige, le sable, les crépuscules, les solstices d'été, les danses de salon, les classique de rap américain, les parapluies, les cassettes vidéo. Ses yeux, c'est un échantillon de l'univers tout entier ou c'est plutôt l'univers tout entier qui est un échantillon de ses yeux. Elle a des yeux bleus certes, mais les motifs qui s'y forment semblent crier son identité, sa personnalité, ses mensonges, ses vérités. Ses yeux, c'est l'œuvre d'art qui la présente, qui dit au monde, Je m'appelle Juliette Capulet. Et moi, j'appartiens à ces yeux. J'appartiens à Juliette."

Appartient à Juliette CapuletOù les histoires vivent. Découvrez maintenant