#7 Au-dessous de Madina

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Du sommet d'une pierre en forme de croc, Eddra et Chanzi se laissent retomber au sol.
D'une marche tranquille et assurée, les deux compères passent à côté de la carcasse encore remuante du dragon-pique.
Encore un puissant prédateur incontesté il y a une minute, il ne sert dorénavant que de buffet à volonté pour les charognards volants et les oiseaux qui s'en donnent à cœur joie.
En suivant la chaîne qui va de la tête détruite du monstre jusqu'à la main grande ouverte d'Awal, ils n'ont plus qu'à se pencher pour admirer leurs élèves.
La silhouette de l'homme balafré et de la jeune femme sont contournées par les rayons du soleil, offrant un peu d'ombre à ces six jeunes gens affalés par terre.
Respirant tous fort, ils dirigent leurs regards en direction de leur maître qui dit de but en blanc :
« Alors ? Qu'avez-vous pensé de cet entraînement ? »

Surpris par cette question, tous plient leurs visages d'un mélange de frustration et d'incrédulité.
Basim est le premier à dénouer sa langue.
« Je m'attendais au pire... Et tu as fait pire que le pire... C'est dingue d'autant dépasser mes attentes d'une façon aussi négative... »
Après ces quelques mots, le jeune homme s'arrête et laisse retomber lourdement sa tête par terre.
Ne voyant aucun autre commentaire de ses apprentis arriver, Eddra se permet de reprendre la parole.
« Pour moi, ce fut tout le contraire. »
Surplombant ses élèves désabusés, il se permet de sourire et d'élever la voix avec un ton insolemment joyeux.
« De la cohésion de groupe. Voilà ce à quoi je m'attendais ! Et vous avez dépassé mes espérances ! »

Il se tourne, regardant le corps lentement dévoré par les charognards du dragon-pique.
Tout autour de la carcasse, au centre ce ce champ infini de roches semblables à des griffes, le sable s'est imbibé de son sang et est devenu rouge.
Ce qui donne un aspect presque poétique à sa mort est que, maintenant, ce sont les bêtes les plus fragiles et basses dans la chaîne alimentaire qui se repaissent de sa chair entre ses croûtes de sable.
Eddra en sourit de plus belle.
« Un dragon-pique est une armurerie vivante à lui tout seul. Rapide, puissant, résistant, intelligent... Un peu irritable... Bref, c'est la machine de mort parfaite ! Pour en tuer un, il faut au moins un bataillon entier de soldats entraînés, et une bonne partie perdra la vie pendant l'affrontement. Voyez ce que le Plasma a pu vous faire faire ! Il ne vous a fallu n'être que six utilisateurs et une bonne stratégie d'équipe pour en venir à bout ! »

En faisant un pas mécanique, il se remet à faire face aux six jeunes étalés par terre qui doivent puiser dans leurs dernières forces pour lever la tête dans sa direction.
Et pourtant, leur supérieur qui parle en premier n'est autre que Chanzi qui est située devant le grand pâle.
« Rabano Marade. Franchement, ta flexibilité m'a impressionné. Tu es vraiment aux antithèses de ce que tu étais hier ! T'as utilisé les roches pour gagner de la hauteur, tu as utilisé le sable pour aveugler la créature. Tu as su utiliser le terrain à ton avantage et t'as même réussi à t'adapter aux reliefs de son dos ! Tu t'y es accroché et t'as également réussi à bloquer sa queue ! »
Sur un ton plutôt enjoué au début, elle change rapidement et sans transition pour un autre un peu plus bas et morne.
« Mais... Hélas... Tu as été un peu lent. Trop lent. Ce n'est que sur la fin que tu t'es vraiment montré utile et décisif. De plus, de tous tes camarades, c'est toi qui a été sauvé le plus souvent. À la limite, au début de votre combat, t'as plus été un boulet qu'autre chose. Il faut vraiment que tu travailles sur ce point. »
Rabano semble presque s'enfoncer dans le sable, se prenant ces remarques comme un poids sur son corps.

« Awal... »
Cette fois, c'est Eddra qui parle et qui pointe le blondinet affalé par terre et qui ne le regarde même pas.
« T'as fait ton travail. Tu as vite compris et constaté de tes limites contre un tel adversaire. Mais tu as quand même rien lâché et tu t'es montré être une bonne aide aux autres quand ils en avaient besoin. T'as joué ton rôle avec efficacité et... Peut-être que finalement, tu feras un bon garde un jour ? Si t'en as toujours l'ambition, bien sûr. »
S'arrêtant ainsi, le grand soldat s'accroupit et attrape la chaîne du fléau d'armes d'Awal.
Rembobinant l'arme articulée jusqu'au bout et essuyant le sang sur la tête à ailettes, il la replace dans la main du blondinet avec un soupçon de respect dans son geste.
« Ton ambition déterminera ta destinée. »
Étant maintenant le seul à former un sourire sur son visage maintenant plus serein, Awal échange un bon regard avec son maître qui lui rend le geste.

Les croisés du Plasma, livre 1 : Les quatre frères Où les histoires vivent. Découvrez maintenant