Chapitre 15 : souvenirs

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Il faisait nuit, il était retenu prisonnier par un clan de vampires dont le pouvoir de l'un d'eux bloquait les siens, cependant il n'avait pas peur. Il savait que sa famille allait venir le chercher, il savait que ce vampire ne pouvait pas rester éternellement à ses côtés pour le bloquer. Il devait être patient. Ils coururent, le portant poings et chevilles liés à une longue branche, pendant des heures, jusqu'à traverser une épaisse forêt et débouler dans une clairière. Il y avait d'autres hommes dans cette clairière, il pouvait les sentir, une dizaine. A peine émergèrent-ils des arbres qu'une forte chaleur entoura Jasper. Des gerbes de feu volaient autour de lui et frappaient les vampires qui l'avaient enlevé. Le feu, le seul moyen de détruire un vampire à jamais, la peur prit possession de lui, même s'il n'était jamais touché par les flammes. Il ne savait pas qui étaient les agresseurs, mais son instinct lui hurlait de fuir. Cependant, il avait beau tirer sur les cordes, elles ne cédaient pas, il ne comprenait pas, aucune corde ne pouvait résister à la force vampirique. Il se décida à lancer une vague de terreur autour de lui, espérant faire fuir les inconnus. Des bruits étranges retentirent, puis un rire, un rire qui emplit la clairière, puis sa tête. Le rire résonnant en lui le terrifia, mais pas autant que lorsqu'il se transforma en sifflements. Ce fut comme si une perceuse faisait des chemins dans sa tête, laissant derrière elle une douleur plus intense que celle de sa transformation et sa capacité de penser sens dessus dessous. Le vampire en ligne rugit de douleur et prit le contrôle de son corps qui était secoué de spasmes. Il se cambra à se casser plusieurs os, mais ne parvint ni à se détacher, ni à faire cesser la douleur. Après ce qui lui sembla être une éternité alors même qu'il savait que ça n'avait duré que douze minutes et trente-cinq secondes, les sifflements s'estompèrent et les cordes qui le maintenaient se relâchèrent. Il voulut se mettre debout, mais tout son corps tremblait, il ne parvint qu'à se mettre à genoux. Son regard balaya les cendres de ses congénères au sol, les formes encapuchonnées qui l'entourait, la silhouette de l'homme qui pointait un bout de bois en sa direction, celle d'un serpent géant derrière lui, avant de suivre le mouvement des flammes ravageant le château en face de lui, jusqu'au ciel. Celui-ci était noir, chargé de nuages, mais éclairé par une tête de mort de lumière verte à travers laquelle un serpent passait. Un frisson parcourut son corps, son intuition lui hurlait de ne pas rester à proximité de ces hommes. Il leur envoya une vague de désespoir, se leva et courut. Il crut avoir réussi à s'enfuir, mais un rire cadavérique résonna dans sa tête et les sifflements reprirent de plus belle.

La douleur fut si forte qu'il tomba.

Elle fut si forte qu'il pria pour mourir.

Elle fut si forte que son vampire envisagea de se jeter dans les flammes.

Elle fut si forte qu'il perdit toute notion de ce qui l'entourait et ne le réalisa que lorsqu'elle s'arrêta.

Il lui fallut une bonne minute pour reprendre contact avec son environnement et comprendre que le cauchemar ne faisait que commencer. Il était dans une cellule au sol dallé, sans fenêtre. Trois murs de pierres l'entouraient et une grille de vieux barreaux rouillés qui malgré leur allure rustique résistèrent à toutes ses tentatives pour les briser. Des semaines passèrent pendant lesquelles il crut devenir fou, il ne voyait personne, n'avait rien à manger, rien à faire, ne sentait aucune présence, jusqu'à ce que les serpents ne résonnent à nouveau dans sa tête, accompagnés de la douleur et suivi d'une intrusion dans sa cellule. A chaque fois qu'il retrouvait son contrôle, un corps vidé de son sang était étendu à ses pieds et lui-même était recouvert de rouge. Il sentait que l'homme qu'il était avait de plus en plus de mal à revenir à la surface et que son vampire prenait le pouvoir sur lui. Il savait aussi que c'était une réaction de survie.

Cette routine s'installa pendant plusieurs mois jusqu'à ce que les sifflements des serpents changent. Ni Jasper ni le Major, son vampire, ne cherchaient plus à résister à la douleur créée par leur intrusion, elle était plus tolérable s'il ne luttait pas contre, mais cette fois-là, il n'y eut pas de souffrance lorsqu'ils arrivèrent. Il les laissa entrer dans sa tête en espérant que ce serait court, mais rien ne vint à part la sensation qu'ils entraient plus loin encore dans son cerveau. Ce ne fut que lorsqu'il comprit que des idées qui n'étaient pas les siennes s'installaient, qu'il tenta de s'y opposer, sans y parvenir. Les serpents semblaient contrôler son esprit et son corps, ce fut comme s'ils se construisaient un nid dans sa tête, un nid entouré de murailles. Ils ne repartirent pas.

Jamais.

A partir de ce jour, des hommes encapuchonnés le sortirent de sa cellule et il avait beau vouloir les tuer, fuir, mais les sifflements s'élevèrent dans sa tête et il les suivait sans protester. Il fut horrifié quand il comprit que les serpents l'obligeaient à obéir aux ordres qui lui étaient donnés, mais ce fut pire lorsqu'ils l'emmenèrent sur ce qui lui sembla être un champ de bataille. Dès que ses yeux se posèrent sur le camp adverse, un désir irrépressible d'anéantir tous ceux qui n'étaient pas couverts de cape noire s'éleva en lui, alimenté par les sifflements. Ce fut comme un ouragan qui ravagea son cœur et sortit sous la forme d'une vague de désespoir qui noya le camp adverse donnant à ses geôliers un net avantage. La bataille se déroula dans un brouillard de haine pour Jasper qui ne parvenait pas à reprendre le contrôle sur son vampire ou ses actions, il en était spectateur et sa vue était brouillée.

Le mur, les serpents, la clé de ses réactions était cachée là. Le maître legilimens s'approcha, tourna autour, observa, jusqu'à repérer une petite faille dans ce mur. Il posa sa main sur la faille et fut repoussé par un nuage vert en forme de tête de mort. Les serpents sortirent du mur et suivirent la fumée qui brûlait l'intrus, ils le pourchassèrent encore et encore, le mordant dès qu'ils en avaient l'occasion. Une douleur intense entoura Kangae et se mélangea en lui, lui faisant goûter à la souffrance qu'il avait provoquée. Celle-ci ne fit que s'intensifier, bientôt accompagnée de cris inhumains d'une âme torturée et d'un profond désespoir. L'âme voulait à la fois mourir et vivre, plus que tout, elle voulait que la douleur s'arrête et que le maître parte. Il n'eut pas le choix et la connexion se coupa de manière abrupte. Il regarda autour de lui et découvrit une scène qui le fit frissonner de peur et de culpabilité.


Âme fataleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant