Chapitre III

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Cinq ans... Cela faisait cinq ans que je fuyais de ville en ville et de territoire en territoire sans rester plus de deux jours au même endroit. Le monde que j'avais découvert n'avait pas été tendre avec moi. Je me forçais à me tenir prête en tout temps pour reprendre ma cavale sous peine d'y perdre la vie. Je ne pouvais pas relâcher ma vigilance. Durant ces années d'errance, j'avais appris à me méfier de tout et de tout le monde. Les tentatives des vampires, des sorciers et des loups-garous pour me capturer avaient toutes échoué. Je les avais tous tués. Ma maîtrise de l'eau s'était tellement améliorée que j'avais façonné une nouvelle technique qui me permettait de dominer les créatures mortelles par leur sang. « Après tout, chaque corps est composé en majorité d'eaux ! » Ainsi, je prenais le contrôle de chaque être vivant qui s'attaquait à moi. Ils obéissaient à tous les mouvements que je leur imposais. Quand j'utilisais cette facette de mon pouvoir, les loups et les sorciers étaient si apeurés que j'en prenais un plaisir malsain. Je les contemplais mourir de ma main. J'avais vite compris que j'étais la créature la plus puissante de Diawora. Savoir qu'ils allaient perdre leur vie de mes mains me faisait toujours frémir de plaisir. J'étais devenue un monstre. Celle que tout le monde pensait que j'étais.

Je me trouvais désormais dans les Vallées de l'Éternel. Je marchais depuis plusieurs jours pour atteindre la frontière du Sanctuaire Blanc, un territoire glacial. J'avais découvert peu de temps auparavant en écoutant des paysans-sorciers discuter entre eux que des vampires avaient établi une forteresse dans les montagnes du nord de Diawora. Ils y faisaient régner la terreur. Elle était connue comme la prison de notre monde, le lieu où tous ceux qui étaient jugés pour un crime se retrouvaient enfermés et vidés de leur sang. J'espérais y trouver Alexeï, ce chasseur de prime qui avait assassiné Kodiak, mon père adoptif juste sous mes yeux. Je m'étais promis de lui rendre justice même si cette promesse avait pris quelques années à se mettre en place. Je savais au fond de moi que j'allais bientôt pouvoir le venger. « Il faut simplement que je découvre son emplacement exact. »

Pour la première fois depuis longtemps, je prenais mon temps, savourant la traversée de ces plaines immenses d'herbe, de fleurs et de champs. Personne ne savait où je me trouvais ni vers quelle destination j'allais. Ma plus grande satisfaction dans mon malheur était la possibilité de découvrir tout l'univers dans lequel je vivais. La faune et la flore étaient chaque fois uniques en son genre, caractéristiques d'une partie de cette planète. Je longeais le Lac Antiris, aussi connu sous le nom de Lac aux Merveilles du fait des nombreux poissons luminescents multicolores qui y nageaient paisiblement. Je m'arrêtais entre ses berges et le Marécage des Abysses qui fut autrefois ma maison. L'herbe émeraude des immenses plaines qui s'étendaient devant moi était fraîche au toucher. Quelques gouttes d'eau se formaient sur les brins, témoignant que le soleil se couchait et que l'humidité remontait du sol fertile. Les rayons déclinants de l'astre journalier se reflétaient sur le lac à l'eau verte comme des milliers de petites lueurs arc-en-ciel. Le spectacle était splendide et j'en savourais chaque moment. L'ombre des arbres devenait de plus en plus grande à mesure que l'obscurité prenait place. « Ce lieu est parfait. » Je m'assis face au lac et au soleil couchant, les jambes en tailleur et les mains sur mes cuisses. J'entendais le coassement des grenouilles vivant à proximité de l'eau. L'odeur de menthe aquatique qui poussait sur les berges du lac se mêlait à celle des fleurs de lotus. Un endroit paradisiaque encore exempt de tout passage des surnaturels.

La méditation était le seul moyen pour les élémentaires de reprendre des forces magiques et faire le plein d'énergie. Les pouvoirs que je possédais étaient liés à la nature brute d'un monde, mais ils n'étaient pas infinis. Ils avaient besoin d'être rechargés régulièrement en connectant mon esprit aux lignes telluriques. Ces conduits d'énergie magique traversaient toute création, reliant les lieux terrestres et cosmiques. C'était seulement lorsque j'y plongeais que je me sentais revigorée. Les méditations pouvaient être plus ou moins longues selon la grosseur de ces lignes. Plus elles étaient grandes, plus elles étaient puissantes et plus mes batteries se rechargeaient vite. Je revenais de cette méditation profonde alors que la lune avait déjà bien entamé son cycle. Je mangeais quelques baies au goût sucré et de la viande séchée avant de me coucher à même le sol humide, tout habillée. Des frissons parcouraient mon corps en réponse à la fraîcheur de la nuit. « Je ne peux pas prendre le risque d'allumer un feu, tu vas devoir faire avec ma vieille... » Je serrais mes dagues contre moi avant de sombrer dans un sommeil plus que léger.

VENGEANCE ÉLÉMENTAIRE - Tome 1 : Révélations Au Sanctuaire BlancOù les histoires vivent. Découvrez maintenant