Chapitre 1

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- Voici le logement que nous avons pu vous trouver, monsieur Hale.

Les yeux perçants du concerné balayèrent l'endroit, dans lequel son interlocuteur l'invita à entrer d'un geste simple de la main. Pour l'instant, c'était accueillant. Devant la maison, un petit jardin entouré de haies, ainsi qu'une terrasse toute mignonne. Le genre d'habitations que Derek Hale n'aurait jamais cru pouvoir habiter un jour, même de façon provisoire. Parce qu'il n'avait pas les moyens pour ce genre de choses... Enfin c'était vrai jusqu'à tout récemment.

- Il n'est pas des plus spacieux, mais cela devrait suffire. Vous avez toutes les commodités à disposition. Toutes les fenêtres sont verrouillables de l'intérieur et chacune des vitres est renforcée. Ce n'est pas du simple verre.

Derek Hale hocha la tête, l'air imperturbable. Mais à l'intérieur, tout en lui bouillonnait. Dire qu'il avait peur relevait de l'euphémisme : il essayait d'ailleurs de ne pas se l'avouer, histoire de ne pas céder aux multiples conséquences que cela pourrait avoir. Si l'homme qu'il était avait tendance à garder correctement son sang-froid, il restait humain.

Et un humain, ça pouvait se laisser submerger par ses émotions s'il n'y faisait pas attention.

- Le logement est également équipé d'une alarme directement reliée aux téléphones de l'équipe qui se gère de notre cas. Si l'on vous trouve, ce qui n'est pas près d'arriver, nous en serons aussitôt avertis.

Derek hocha la tête, sans cesser d'observer l'environnement dans lequel il devrait évoluer durant des semaines, peut-être des mois... Jusqu'au procès auquel il assisterait en tant que témoin. Son interlocuteur, l'agent qui lui faisait visiter sa nouvelle maison ? Il le gardait à l'œil. Dans son champ de vision – juste au cas-où. Il n'avait pas d'autre choix que celui de faire confiance à ces gens-là... Ceux qui s'assuraient de sa protection. Mais Derek était méfiant par nature, alors autant dire qu'il ne se sentirait pas parfaitement détendu tant que l'homme serait dans la maison. Puis en dehors de ça, il n'aimait pas la compagnie, les gens... La solitude lui apparaissait comme la meilleure des situations.

- Vous ne serez jamais complètement seul.

Ah. Derek contint l'agacement qui le prit. Bien sûr, il comprenait fort bien l'idée et sa raison d'exister... Sans pour autant l'apprécier. Il ne se sentait jamais aussi bien que lorsqu'il était complètement seul. Or, dans le cas présent, on se devait de le surveiller – de veiller à sa sécurité.

- Nos agents effectuent très régulièrement des rondes et l'un d'entre eux vous a été assigné pour une protection un peu plus... Rapprochée.

Cette fois-ci, Derek ne se contenta pas de jeter un regard à ce policier habillé en civil. C'était juste pour la forme, pour ne pas attirer l'attention : son gilet pare-balles et ses armes, il les cachait sous ses vêtements.

- Rassurez-moi, sa présence ne sera pas permanente ?

Il n'aimait pas parler et cela se ressentait jusqu'à sa voix tant celle-ci apparaissait grave, rauque, presque cassée. Néanmoins, que l'on ne saute pas aux conclusions : Derek savait que la plupart des mesures qui étaient prises pour sa sécurité étaient justifiées, mais... Y avait-il réellement besoin que l'on monopolise ce qu'il considérait comme son espace vital plus de temps que nécessaire. S'il devait vivre reclus, autant le faire seul. Il n'aimait pas se gérer en présence de quelqu'un d'autre, encore moins une personne qu'il ne connaissait ni d'Eve, ni d'Adam. Déjà qu'il n'acceptait pas de passer plus d'un certain nombre d'heures par jour avec ses quelques rares amis... Autant dire qu'avec un inconnu, la chose risquerait de s'avérer fort complexe. Les batteries sociales de Derek n'avaient jamais été très grandes ou tenaces... Elles avaient tendance à se vider à une vitesse effarante.

- Elle le sera dans la mesure du raisonnable, lui répondit le policier. Ne vous en faites pas, il ne violera pas votre intimité. Sa mission sera simplement d'être auprès de vous pour vous protéger en cas de problème, d'intrusion.

Derek lui jeta un regard quelque peu agacé : devait-il vraiment se coltiner la présence d'un inconnu de jour comme de nuit ? L'agent soupira d'un air quelque peu fatigué, comme s'il avait lu dans ses pensées.

- Cette mesure est la seule qui puisse garantir votre sécurité de façon optimale jusqu'au procès.

En d'autres termes, pendant une période à la durée aussi indéterminée que le reste du cours de son existence. Une demi-éternité que l'on ne nommait pas.

Deux autres agents firent irruptions dans la pièce, armés de sacs noirs. Derek savait fort bien ce qu'ils contenaient.

- Vos affaires, fit l'un des deux. Elles ont été scrupuleusement examinées.

Aucun poison n'en imprégnait aucune, et l'on avait bien vérifié qu'il n'y avait pas un seul semblant de mouchard glissé jusque dans la doublure d'une veste. Dans ce genre de cas, on ne laissait rien au hasard et le témoin bénéficiait de la meilleure protection qui soit.

- Merci, fit Derek lorsque l'homme déposa les sacs devant lui.

Le premier agent qui lui avait adressé la parole le reprit avec lui et lui indiqua l'emplacement de chacune des caméras que comprenait le logement. Il n'y en avait pas beaucoup, juste à deux ou trois endroits stratégiques, dont l'entrée. Ensuite, il lui fit part de l'existence de l'alarme, dont il lui fournit le code grossièrement griffonné sur un petit morceau de papier.

- Apprenez-le par cœur et brûlez-le, lui l'homme.

Derek avisa la cheminée qui trônait majestueusement au fond du salon. Il remarqua qu'était plus grande que celle de chez lui, plus belle aussi. Du grand art.

- C'est noté, répondit-il.

Ainsi, nul autre que lui et ces agents ne le connaîtraient : en cas d'intrusion, l'alarme continuerait de sonner et permettrait aux éventuels voisins de contacter les secours, même si le déclenchement de ce système de sécurité envoyait automatiquement une alerte à l'unité qui s'occupait de la protection de Derek.

- Si vous vous retrouvez à devoir sortir, n'oubliez jamais de vous couvrir. De toute façon, vous ne serez jamais seul.

Je l'avais bien compris, manqua de répondre Derek. Il se retint, sachant fort bien que toutes ces mesures n'étaient pas là pour l'embêter, bien au contraire – et qu'il serait quelque peu ingrat de cracher sur ces gens qui mettaient tout en œuvre pour garantir sa sécurité. Certains pourraient dire que, s'agissant de leur travail, ils n'avaient pas le choix. Et pourtant si. Derek partait du principe qu'on avait toujours le choix de faire ou non quelque chose, que les obligations professionnelles ne faisaient pas tout. Il suffisait parfois de simplement agir en apparence, ou ne rien faire – et ne pas s'en vanter.

Des gens comme ça, il en avait connu des tas.

- Je pense que je vous ai tout montré, fit l'agent à côté de lui. Des questions ?

Derek lui jeta un bref regard avant de se concentrer à nouveau sur l'observation de son nouvel environnement.

- Non, finit-il par répondre, les bras croisés sur son torse.

Il en avait bien cherché, mais aucune ne lui venait. Enfin, cela n'avait pas bien grande importance étant donné qu'on lui avait fourni au préalable un numéro sécurisé qu'il pouvait appeler à peu près n'importe quand. Il réfléchit tout de même encore un peu.

Derrière lui se fit alors entendre un bruit léger. Une porte que l'on ouvre et que l'on ferme. Derek n'y fit pas vraiment attention et s'avança davantage dans le salon, qu'il voulait observer dans son entier. Peut-être aussi qu'il commençait à supporter un peu difficilement la présence de tous ces gens, lesquels se préparaient d'ailleurs à partir. La sociabilité, qu'elle soit forcée ou non, il en avait assez. Venait toujours un moment où se retrouver entouré le mettait mal à l'aise – et il en était là.

- Bonsoir...

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