À leur propre jeu

11. Rebond

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« Gabriel, je refuse ! Cessez de me bassiner avec ça. » La voix du Président résonnait dans le bureau.

« Avec tout le respect que je vous dois, Monsieur, vous avez laissé les Français s'exprimer, et leur verdict est sans appel : nous avons terminé derniers au premier tour. Cela prouve clairement qu'ils ne veulent plus de notre politique ! » Gabriel, le visage crispé par la tension, n'hésitait pas à tenir tête à Emmanuel Macron. Les traits tirés par la fatigue, des cernes creusant son visage, trahissaient les heures de sommeil qui lui manquaient. Et son voyage à Marseille dont il venait tout juste de rentrer, aussi merveilleux avait-il été, n'avait rien arrangé.

Emmanuel reprit, sa voix se faisant plus dure : « Mais enfin ! C'est absurde, il reste le second tour. » Sa fermeté, habituelle, s'accompagnait de l'air implacable qu'il portait en permanence, sous le poids des immenses responsabilités qui lui incombaient.

« Bon sang ! Nous nous retirons déjà de la plupart des circonscriptions, et le RN domine largement tout le pays ! Et je refuse catégoriquement d'être un Premier ministre sous la coupe de l'extrême droite ! Si j'ai accepté ce poste, c'était avant tout pour mettre en œuvre les convictions que je partage avec votre parti, pas pour recevoir des ordres de Bardella ou Le Pen ! » Gabriel marqua une pause, tentant de modérer son ton, se rappelant qu'en dépit de leur relation privilégiée, il s'adressait toujours au Président. « Ça ne m'enchante pas de rejoindre la liste des Premiers ministres qui n'ont même pas tenu un an... Mais c'est la meilleure option. » Ces mots, lourds de sens, faisaient écho à la réalité qu'il avait déjà acceptée intérieurement, mais les prononcer à haute voix ajoutait une dimension supplémentaire.

Emmanuel sembla adoucir son expression, laissant transparaître une once de compassion, avant de soupirer : « Très bien... Je n'officialiserai rien avant les résultats du second tour. Quant aux Jeux Olympiques, je refuse catégoriquement une transition gouvernementale en pleine période. Le gouvernement restera en place, démissionnaire, le temps des Jeux, et vous continuerez à gérer les affaires courantes. Nous devons éviter tout scandale politique alors que le monde entier aura les yeux fixés sur nous. »

Gabriel acquiesça, le cœur lourd. La décision était presque prise. Alors qu'il s'apprêtait à quitter le bureau présidentiel, la voix de Macron le retint : « Il faut que nous parlions de la suite. De ta carrière. » Sous le regard interrogateur de Gabriel, il poursuivit : « Tu es un atout précieux pour notre parti. » Sa voix s'était adoucie, empreinte de sincérité. « Tant sur le plan politique qu'humain, tu as de grandes qualités. Tu t'es rapidement imposé et ton expérience en tant que Premier ministre t'a conféré des compétences essentielles. Les Français t'apprécient clairement. Je pense que tu pourrais viser une position intéressante. »

Surpris et touché par cette reconnaissance, Gabriel se détendit légèrement, tout en sentant sa curiosité grandir. « De quelle place parle-t-on exactement ? »

« Tu pourrais prétendre au poste de Président du parti, » suggéra Emmanuel. « Tu as les qualités nécessaires, tu connais bien les membres, et ils reconnaissent tes compétences. De plus, tu es l'un des rares capables de rivaliser avec d'autres figures de proue... » Il marqua une pause avant de reprendre : « Je pense notamment à Jordan Bardella. Son influence grandit chaque jour, c'est impressionnant. Nous devons nous préparer pour 2027, et il nous faut quelqu'un de fort pour contrer la montée du RN. Tu es l'un des seuls à pouvoir endiguer cette hémorragie. Même si Le Pen se présente à la présidentielle, ils miseront sur Bardella pour leur image d'ici là. Nous avons besoin d'un Président de parti tout aussi fort, et ton image est déjà bien établie. Depuis les européennes, vous êtes les nouveaux visages de ce combat, et ce serait une bonne chose que ça reste ainsi. Jordan Bardella Président du RN contre toi, Président du groupe Renaissance. »