Chapitre 8

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J'arrivais donc au parc un peu avant dix-huit heures, attendant Constance pour aller courir. Je scrutais le paysage en attendant.

Le parc était constitué d'une multitude de petits chemins où se croisaient coureurs, cyclistes ou simples promeneurs. Le chemin principal contournait un grand lac face à moi. L'eau était d'un bleu éclatant, mais paraissait extrêmement froide malgré les belles journées ensoleillées que nous avions. Des oies et des canards y barbotaient, tandis que sur les chemins, des écureuils peu farouches venaient à la rencontre des visiteurs pour parfois leur voler un morceau de pique-nique.

Constance pointa enfin le bout de son nez aux alentours de dix-huit heures quinze, en retard, comme d'habitude.

-Putain ça fait un quart d'heure que je t'attend ! Lui dis-je.

-Bonjour à toi aussi, Arthur.

-Allez maintenant que t'es là, hop, on court !

-Ouais, enfin pas trop quand même... Maugréa-t-elle.

-Tu veux courir combien de temps ?

-Je sais pas. Je ne cours jamais mais j'ai décidé de m'y mettre.

-Ah ok, répondis-je simplement. Me moquer d'elle une fois de plus ne ferait qu'accroître sa réticence envers le sport. On va aller à ton rythme alors, dès que tu sentiras que tu es fatiguée ou que ça n'ira pas, tu arrêteras. Moi je vais faire mes huit kilomètres.

-Huit kilomètres ?! Mais t'es un grand malade, s'indigna-t-elle.

-Allez assez parlé on y va, dis-je en commençant à courir.

En effet, elle n'était pas du tout entraînée. Constance montra les premiers signes de fatigue à la fin du premier kilomètre. Et pourtant, je peux vous dire qu'on avançait vraiment pas vite...

Deux cent mètres plus loin, elle se plaignit :

-Arthur... J'en... peux... plus... dit-elle toute essoufflée.

-Allez allez je veux que tu tiennes au moins deux kilomètres ! On a fait plus de la moitié ça va aller. On ne ralentit pas on garde le rythme.

Malgré ses jérémiades de plus en plus fréquentes, je parvins à la mener au bout des deux kilomètres. Je la félicitai et lui conseillai de marcher et de faire des étirements puis de m'attendre à cet endroit, avant de continuer ma course.

J'adorais courir. Avant, j'y allais entre deux et trois fois par semaine. Mais depuis un peu plus d'un mois, depuis que ma mère était partie, j'y allais tous les jours. C'était devenu pour moi un besoin vital.

Courir, courir, courir. Toujours plus vite, toujours plus longtemps. J'adorais le sentiment de liberté que cela me procurait. Comme si, pendant ces courts instants, j'étais totalement libre. Comme si tout le poids qui pesait incessamment sur mes épaules m'était enlevé pour ces minutes à transpirer, à savourer. C'était devenu comme une drogue pour moi. Je ne courais pas seulement pour le plaisir, j'en avais besoin. Sans cette échappée quotidienne, je ne savais pas comment je me porterais, psychologiquement parlant.

Après mes huit kilomètres, je rejoignis Constance, assise au bord du lac. Elle ne m'avait pas entendu arriver. Alors, à quelques pas d'elle, j'admirais ses longs cheveux bruns relevés en queue de cheval, tombant sur ses épaules, brillant au soleil. Elle avait le regard au loin, pensive.

Et elle était belle, ainsi. Son regard dans le vague, tous les traits relâchés. Si elle avait été une autre, si elle n'était pas aussi méchante envers certaines personnes, je pense que j'aurais pu l'aimer, réellement. Mais mon attirance pour elle était purement physique.

Il était vrai qu'elle était plutôt sympa, drôle et intelligente, mais seulement à l'intérieur du groupe, avec nous, ses amis. Mais dès qu'elle s'adressait à une personne qu'elle ne connaissait pas, c'était comme si elle devenait une autre personne. Agressive. Intolérante.

Elle devait certainement cacher quelque chose en elle, profondément. Quelque chose qui l'avait rendue comme cela, si dure avec les autres. Mais ce n'était pas à moi de le découvrir. Elle devait trouver la bonne personne pour ça, et je savais que ce n'était pas moi. J'espérais de tout coeur qu'elle trouve le bon, celui a qui elle racontera tout et qu'elle s'adoucira un peu avec les personnes extérieures. En attendant, j'allais me contenter de rester son ami, son meilleur ami, et de supporter au mieux ses sautes d'humeur.

Je ne voulais plus de ces "petits jeux" auxquels nous jouions en soirée. Ca n'apportait rien, strictement rien.

Je décidais d'arrêter de penser, et de revenir à la réalité.

Je m'approchais et m'assis à côté d'elle, sans un mot. Nous n'en échangeâmes aucun durant une bonne dizaine de minutes, et la tension montait de plus en plus. J'avais l'impression que l'air était électrifié, que faire le moindre mouvement me donnerait un coup de jus.

Enfin, Constance rompit le silence :

-C'est beau, ici, dit-elle.

-Oui, dis-je simplement.

-J'aimerais venir courir plus souvent, deux ou trois fois par semaine.

-OK. Le lundi, mercredi et samedi ?

-Pourquoi pas, acquiesça-t-elle.

Nous décidâmes donc d'un  commun accord de se retrouver ces trois jours de la semaine à dix-huit heures au parc pour courir.

Nous marchions vers la sortie, longeant les arbres biens verts à cette époque de l'année et évitant les petits écureuils, lorsque Constance me parla d'une fête qui devait avoir lieu bientôt :

-Je sais que t'as pas le droit de sortir, mais y'a un feu de joie sur la plage dans deux semaines, tu devrais vraiment venir, me proposa-t-elle.

-Ouais, faut voir...

-Je suis sûre que ton père te laissera y aller si tu lui demandes gentiment, insista-t-elle.

-Je sais pas, Stan. Je verrais ça le moment venu. Au pire des cas, je me barrerais en douce hein.

-Huh, enfin fais gaffe quand même.

Sur ces mots, nous arrivâmes à la sortie du parc. Nous nous saluâmes et partîmes chacun de notre côté.

Une fois rentré chez moi, ma douche prise et mon dîner avalé, je m'effondrai sur mon lit et tombai dans les bras de Morphée en un instant, pour dormir toute la nuit d'un sommeil de plomb.

Les deux semaines suivantes passèrent rapidement. La journée, j'alternais entre sorties, bons bouquins et jeux vidéos.

J'adorais lire, et ce depuis tout petit. Je ne lisais pas vraiment des classiques, plutôt de la science-fiction, et parfois même des histoires d'amour, lorsqu'elles étaient bien écrites. Lire était pour moi un autre moyen de m'évader que la course à pied. Dès que je mettais le nez dans un livre, j'étais comme plongé dans un autre monde.

Je ressentais les mêmes émotions que les personnages, je vivais leur vie l'espace de quelques heures, échappant ainsi à la mienne. C'était, en toutes circonstances, mon échappatoire.

J'allais également courir avec Constance trois fois par semaines comme prévu. En l'espace de ses sept séances, elle avait progressé. Elle faisait toujours deux kilomètres, mais y arrivait désormais assez facilement à un bon rythme. Nous prévoyions d'augmenter la distance la prochaine fois.

Mon père, quand à lui, n'avait toujours pas levé mon interdiction de sortie. Mais ce soir était celui du feu de joie. J'allais donc attendre qu'il s'endorme, et comme il le faisait généralement assez tôt, sortir par la fenêtre et prendre mon vélo pour aller au feu de joie au bord de la plage. Oui, j'avais cette chance d'avoir ma chambre au rez-de-chaussée. Plus facile pour se sauver en douce...

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Hey !

Tout d'abord, je voudrais vous remercier, parce qu'on a dépassé les 150 vues :)

Ensuite, je m'excuse pour ce chapitre ou il ne se passe quand même pas grand chose, mais préparez vous psychologiquement pour le suivant, va y avoir du mouvement x)

Tomber le Masque [Terminé]Where stories live. Discover now