Chapitre 9 : Métamorphose & Mise Au Point

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Clepios dégagea son bras. Je le laissai s'écarter. Les chevaux n'avaient pas beaucoup réagi à l'odeur de fumée. La mort d'un presque congénère à leurs pieds - sabots ? - les émut davantage. Ils partirent au galop, vers la vallée.

Mes mains... Je levai mes bras et étudiai les horreurs sanguinolentes qui les prolongeaient. Clepios balbutia : « Vous n'êtes pas... Vous êtes comme eux ! Vous êtes une Titanide ! »

« Non ! » Toujours à genoux, je lui hurlai « NON ! »

Les flammes dépassèrent les murs d'enceinte du sanctuaire des Aigles, comme en écho à ma colère. Je les voyais à peine. J'enregistrai, comme dans un rêve, les ronflements du brasier et les cris de ceux qui faisaient la chaîne depuis le puits pour l'éteindre.

Adrianos m'aida à me relever. Il tenait le glaive de bronze. Mes nouvelles griffes n'avaient pas l'air de le déranger.

« Dias, il faut y aller maintenant. »

Je suivis mon frère. Clepios aussi, mais en s'écartant de moi. Nous rejoignîmes les autres.

Estonia avait gardé tout le monde en place. Elle m'examina en silence. Ira, Dimitrios et Sidonias se mirent à parler en même temps. Je les coupai immédiatement.

« Non, ça ne m'est jamais arrivé avant. Je ne sais pas comment je me suis retrouvée avec ces griffes. Vous comptez faire des expériences ici ? Quand les centaures viendront nous chercher, ça nous fera plein d'explications à leur donner sur la mort de leur copain. »

Sans leur laisser le temps de répondre, je m'engageai sur le chemin de la vallée. Je ne regardai pas s'ils me suivaient. J'étais une Titanide maintenant. Ce qui était impossible. J'avais échoué à mon initiation aux Mystères il y a cinq ans. J'avais avalé la potion infâme de mon père, sans pour autant grandir subitement, jusqu'à doubler de taille en quelques heures. Mon corps n'était pas devenu malléable ni indestructible. Mes entraînements me l'avaient prouvé. Mes cicatrices aussi. Et pourtant...

Pourtant me voilà avec des mains métamorphosées. C'était le problème d'être le fruit d'un croisement entre Titan et humain. On ne m'avait pas fourni les explications. Est-ce que j'allais me mettre à grandir ? Est-ce que mon corps allait s'adapter à chacun de mes besoins, quitte à ressembler à un monstre ? Est-ce que j'allais redevenir normale ? Je n'avais même pas pensé à la possibilité de rester comme ça ! Ce serait trop horrible. Je fixai mes mains en marchant. Redevenez normales ! Allez, je vous l'ordonne !

Aucun changement.

« Dias, attends-nous ! Attends ! »

Dimitrios criait. Il descendait le chemin en courant, derrière moi. Les autres le suivaient tant bien que mal. Estonia aidait Clepios. Adrianos fermait la marche, en brandissant son épée de bronze comme s'il prévoyait de se battre. Si un centaure se pointait, j'espérais qu'il se souviendrait n'avoir que dix ans. Cette pensée m'aida à me ressaisir. J'étais là pour les sauver, pas pour m'apitoyer sur mon sort. J'arrêtai le groupe.

Rester sur le chemin était le meilleur moyen de prendre rapidement nos distances mais aussi d'être rapidement rattrapés par les centaures. Quitter le chemin était le meilleur moyen de ne pas être suivis au risque de nous perdre ou de tomber à court de nourriture. Choisir, toujours choisir. Et dire qu'il y en a qui feraient tout pour être chef !

Je coupai la poire en deux. Je plaçai Clepios et Estonia en tête, suivis par Adrianos et son épée. Ira et Sidonias ensuite, puis Dimitrios. Je fermai la marche. Si un centaure arrivait, je le retiendrais, le temps qu'ils s'échappent ensemble hors du chemin.

Avant de repartir, je pris Estonia, Adrianos et Dimitrios à part et je leur indiquai notre destination. La Mouette Rieuse nous attendait à quai, dans le port de Iolcos. Ira vint nous interrompre, furieuse.

« On peut savoir de quoi vous parlez ? »

« Bien sûr, Ira. J'expliquais où nous allions aux trois plus responsables. »

« Responsables selon qui, Dias ? »

« Selon celle qui risque sa peau pour vous sortir de là, Ira, quelles qu'en soient les conséquences ! »

Je levai mes mains - pattes ? - et les lui collai sous le nez.

« Sidonias et toi avez tenté de me blesser et Clepios n'est pas l'un des nôtres. Je ne fais confiance qu'à Estonia, Adrianos et Dimitrios pour prendre de bonnes décisions s'il m'arrivait quelque chose. Si ça te pose un problème, tu peux toujours remonter voir les Titans au sanctuaire. Sinon, tu la fermes et tu m'obéis ! »

« Adrianos a mis tout le monde en danger, et tu fais comme si de rien n'était, Dias. Je crois surtout que tu as tes chouchous ! »

« Quoi ? N'importe quoi ! Avance, maintenant ! »

Je fis signe à Estonia d'avancer. Elle partit en petites foulées sur le chemin rocailleux, Clepios sur ses talons, puis Adrianos, l'air penaud. Sidonias suivit. Ira ne put s'empêcher de lâcher une dernière flèche, à voix basse.

« J'aurais préféré que ce soit toi qui restes morte dans ton sarcophage. »

Je me retins de la frapper derrière la tête. Difficilement.

Très difficilement.

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