Chapitre 11 (1ère partie) : Visite

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Ils se virent. Angel continua ses visites nocturnes. Marie laissait chaque nuit sa fenêtre entrouverte, bien qu'elle sut que même fermée, elle n'aurait pas empêché l'apparition d'Angel. Mais elle goûtait le plaisir de voir les voilages frémir et onduler juste avant son arrivée.

Lorsqu'enfin il apparaissait, elle se levait et venait se blottir contre lui. Elle humait son odeur, se délectait de la chaleur et de la douceur de son cou dans lequel elle logeait sa tête. Du regard parfois, elle tentait de quémander un baiser, mais Angel se montrait inflexible. Ses yeux signifiaient clairement à Marie que la limite qu'il avait fixée ne devait pas être franchie.

Elle employa bien quelques ruses. Par exemple, au lieu de l'attendre dans son vieux T-shirt élimé, elle s'acheta une jolie nuisette de satin noir à fines bretelles. Quand elle l'arbora la première fois, elle crut bien voir dans les yeux d'Angel une brève étincelle qui trahit le trouble de celui-ci, mais il se ressaisit aussitôt et fit comme si de rien n'était. Ce qui la fit bien enrager. Cependant elle ne put rien en dire afin de ne pas avoir à avouer son stratagème.

Une autre fois, elle fit semblant d'être déjà endormie à l'arrivée d'Angel. Elle espérait qu'il déposerait de tendres baisers pour la réveiller. Il l'embrassa effectivement avec douceur sur la joue en murmurant son prénom, mais peu dupe de la manœuvre, il se redressa aussitôt et chuchota :

- Bon, je vais la laisser dormir et partir.

Sans le voir, Marie eut la certitude, rien qu'au ton de sa voix, qu'il disait cela avec un sourire amusé. Prise à son propre manège, elle en fut quitte à avoir l'air de se réveiller. Quand elle ouvrit les yeux, elle vit Angel qui la regardait avec une petite moue malicieuse. Perdu !

Une autre fois encore, elle tenta de l'amadouer par de discrètes caresses. Elle commença par laisser courir le bout de ses doigts sur son avant-bras. Ce qu'Angel laissa faire. Ensuite, comme si de rien n'était, elle poursuivit par-dessus le T-shirt sur l'épaule, le torse, le ventre. Puis subrepticement, elle essaya de glisser sa main sous son T-shirt. Angel interrompit aussitôt sa manigance d'un « Marie... » réprobateur. Echec et mat !

Bref, quoiqu'elle fît, Angel restait le maître du jeu dont il avait instauré les nouvelles règles et toutes ses tentatives restaient vaines.

L'insatisfaction de Marie emprunta alors d'autres chemins. Elle réclama de le voir plus fréquemment, notamment en journée.

- Marie, lui répondit Angel, les journées sont consacrées à mes missions, tu l'oublies ?

- Non, je ne l'oublie pas malheureusement, même si je préfère ne pas y penser. Mais n'as-tu pas quelques moments libres où tu pourrais venir me voir ?

- Si, bien sûr, mais ..., hésitait-il. Mais je ne suis pas sûr de pouvoir mener mes missions avec la même efficacité après t'avoir vue.

- Pourquoi ? demanda Marie, qui savait ce qu'elle souhaitait entendre comme réponse.

- Parce qu'exécuter ailleurs certains actes que je rêve de commettre avec toi pourrait devenir une torture, avoua-t-il.

- Quels actes ? interrogea-t-elle, espiègle.

- Ceux que nous n'avons pas le droit de faire, rétorqua-t-il fermement.

- Mais tu en as envie ? dit-elle pour pousser son avantage.

- Oui, lâcha-t-il.

- Très envie ?

- Marie, je ne suis pas censé avoir ce type d'envies. Je ne suis pas programmé pour cela. Je suis un ange Tentateur, c'est moi qui tente les âmes noires, je ne suis pas supposé être à mon tour tenté, même par une âme pure. Mais l'amour que j'éprouve pour toi bouleverse toutes les données. Pourtant je dois accomplir mes missions et je veux aussi te protéger.

Vivement, Marie déposa un chaste baiser sur ses lèvres pour le remercier de ces mots d'amour. Angel fut surpris. Il la regarda pour apprécier ses intentions et, voyant que manifestement celles-ci n'allaient pas au-delà de ce simple baiser, il lui adressa un de ses sourires angéliques capables d'attendrir même une statue. Marie en fut toute chavirée : que se révèle fugacement, en deçà de son extrême virilité apparente, le cœur de chérubin d'Angel la ravissait.

Cependant, comme elle gardait son idée en tête, elle revint à la charge :

- Peut-être que sans venir tous les jours, tu pourrais de temps en temps m'accompagner... ?

- Où ça ?

- Nulle part en particulier. Simplement dans des activités ordinaires : en ballade, ou en soirée. Peu importe. Ce que j'aimerais, c'est partager des moments de ma vie quotidienne avec toi. Depuis que je t'ai rencontré, quand tu n'es pas là, tout me semble terne, inanimé. Je voudrais que tu enchantes mes jours comme tu enchantes mes nuits.

- D'accord, Marie, je vais essayer de venir. Ce ne sera pas régulier. Seulement quand mes missions le permettront.

Sachant qu'Angel ne mentait jamais, Marie se satisfit de ces paroles. Pourtant, elle attendit plusieurs semaines avant qu'il ne trouvât le temps de lui rendre visite en journée. Et ce fut d'une façon pour le moins inattendue.

Marie avait repris les cours depuis un mois déjà. Son bac en poche, elle avait entrepris des études d'infirmière. La récente maladie de son père n'était sans doute pas pour rien dans sa vocation nouvelle. Ses journées avaient recouvré leur routine ordinaire : réveil à sept heures, petit déjeuner, douche, bus, cours, bus, rencontre au café ou échanges de SMS avec Sophie, devoirs, dîner et enfin, attente de la venue d'Angel. Sophie, qu'elle avait retrouvée quelques jours avant la rentrée, l'avait assaillie de questions : « Tu as revu Beau Brun ? Tous les soirs ?! Tu as couché avec lui ? Tes parents sont au courant ? etc. » Marie était restée plutôt évasive, au grand dam de Sophie dont la curiosité s'en était trouvée aiguisée. Elle lui avait seulement confié qu'il lui rendait visite tous les soirs et que, non, leur relation restait chaste pour l'instant. Sophie, qu'Angel ne laissait décidément pas indifférente et neutre, déclara :

- Tu veux me faire croire que ce mec super sexy vient tous les soirs te voir, qu'il s'allonge près de toi et que vous vous contentez de parler puis dormir ? tu te moques de moi ?!

- Non, je t'assure, lui répondit calmement Marie.

- Ecoute, je sais bien que tu n'as pas eu jusqu'à présent une libido débridée, mais si ce mec ne te la libère pas, je crois bien que t'es bonne pour les Ordres, tu vas finir bonne sœur ! quant à lui, décidément il est bizarre. Ça doit être son côté psychopathe : ce qui le fait jouir, c'est seulement de zigouiller ses petites amies.

Marie n'apprécia pas du tout les remarques perfides de son amie. Cependant, elle ne pouvait évidemment pas lui révéler qu'Angel était un ange Tentateur et donc qu'ils n'avaient d'autres choix pour continuer à s'aimer que la chasteté. Malgré cela, elle ne voulait pas non plus laisser Sophie continuer à verser son venin dès qu'il s'agissait d'Angel. Non seulement elle ne supportait pas que du mal soit dit à propos de son ange, mais également elle n'avait pas envie de laisser son amie glisser sur elle-ne-savait-quelle-pente jalouse et acerbe. Aussi lui dit-elle posément :

- Sophie, ce que je viens de te confier sur ma relation avec Angel, je te l'ai dit parce que tu es ma meilleure amie, avec laquelle j'ai envie de partager les choses importantes de mon existence. Mais je ne souhaite pas qu'Angel devienne un sujet de discorde entre nous, comme cela a eu tendance à l'être déjà à plusieurs reprises. Et cette relation fait partie de mon jardin secret, le plus secret. C'est pourquoi je ne veux plus que nous en parlions désormais.

Sophie regarda son amie, bouche bée. Jamais celle-ci ne s'était exprimée avec un tel mélange de calme et d'assurance. Du coup, elle ne put qu'ajouter, un peu piteuse :

- Bon, d'accord, comme tu voudras.

Sophie garda le cap fixé par Marie pendant quelques semaines. Elle demandait seulement de temps à autre : « Il est venu cette nuit ? ». Mais au bout d'un mois, elle ne put s'empêcher de demander :

- Mais pourquoi il vient jamais te voir en journée, comme il le faisait avec Elodie ou Sandra ? T'es sûre qu'il a pas quelqu'un d'autre ?

Marie foudroya son amie du regard et lui cloua le bec d'un « Sophie, stop ! ».


Angel et Marie - T. 1 - Prix du meilleur roman indé 2017, catégorie romanceWo Geschichten leben. Entdecke jetzt