I

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Louis est penché au dessus des toilettes depuis un quart d'heure. Il crache. Il a mal au cœur. L'odeur du détergent lui retourne l'estomac. Il n'aurait pas du boire autant. Maintenant il va vomir, et il déteste ça, il va sûrement s'évanouir. Il pleure silencieusement. Ses doigts serrent la cuvette et il continue de tousser. Il voudrait mettre un doigt dans sa bouche pour aller plus vite, abréger son supplice et les gargouillis de son estomac mais il n'ose même plus bouger. Il a l'impression que cela le fendillerait en deux, que ses genoux ne tiendraient pas. Et pourquoi sa tête est elle si douloureuse ? Il ferme les paupières. Crache encore. Il attend le haut de cœur. Il attend que le liquide ambré qui coule dans ses veines remonte enfin, se déverse. Il veut se sentir vide et propre.

Il n'aurait pas du venir à cette soirée. Bien sur, il dit toujours ça après, vers trois heures du matin, quand il ne peut plus faire un pas sans s'écrouler par terre. Hier soir cela lui paraissait être une très bonne idée. Il oublie toujours qu'il ne sait pas passer une soirée sans se bourrer la gueule. Tout paraît si simple à la lumière du jour. Il s'était dit que, peut être, cette fois là serait la bonne. Conneries.

Un hoquet le secoue. Sans le vouloir vraiment, il lâche la cuvette et se recroqueville sur lui même. Il pleure contre son pantalon. Juste à l'endroit où son jean est troué. Il peut sentir sa peau moite et collante et il se trouve dégoûtant. Tellement repoussant.

Derrière lui, la porte de la salle de bain s'ouvre. Il ne l'entend même pas. Ce sont les pas qui l'avertissent. Et la lumière qui s'éteint subitement. Plongé dans le noir, Louis se fige. Il attend. Le souffle en suspension. Il y a une présence derrière lui. Une respiration.

« Tout va bien ?

C'est une voix grave et lente. Profonde. Une voix de garçon. Louis se passe la langue sur les lèvres. Il n'arrive pas à répondre, ni à avoir peur. Il veut juste que la personne parte, et le laisse dans le noir. Il veut s'endormir sur le tapis et ne se réveiller que dans une dizaine d'années, lorsqu'il sera enfin prêt à affronter le monde.

- Tu as envie de vomir ?

Cette fois il y a une main sur son épaule. Une grande main chaude. Louis secoue lentement la tête. La boule dans sa gorge est en train de redescendre, mais il sent contre sa tempe une goutte de sueur.

- Il faut te relever. Tu veux que je t'aide à prendre une douche ?

Prendre une douche ? Louis cligne des paupières. La personne s'est agenouillée près de lui. Il le sent très clairement car son souffle balaye ses joues. Il n'a pas une odeur d'alcool. Et sans trop savoir pourquoi, Louis se sent rassuré. Comme en terrain connu. Dans un espace délimité, où il se sait protégé.

- Non...

- Tu veux boire un peu ?

Il hoche la tête. Le jeune homme se relève et Louis l'entend marcher jusqu'au robinet. L'eau coule quelques secondes, puis s'arrête. Puis il se retrouve avec un verre entre les mains. C'est un peu comme un magicien de l'ombre.

- Merci.

- Eh, de rien. Il faut pas rester comme ça.

Louis ne répond pas. Il boit doucement l'eau. Pourquoi n'y a t'il pas pensé lui même ? Le liquide frais lui fait un bien fou pourtant. Il se sent mieux. C'est peut être aussi parce que le jeune homme est en train de caresser ses cheveux.

- Tu as toujours envie de vomir ?

- C'est mieux...

- D'accord.

Louis repose le verre. Il ferme les yeux. Le jeune homme est assis près de lui, mais il ne cesse pas de frôler son visage du bout des doigts. C'est agréable. Lent. Louis ne comprend pas vraiment pourquoi il fait ça mais c'est comme un massage, un tout petit massage en ailes de papillons, et pour rien au monde il ne voudrait que ça s'arrête. Alors il se laisse aller. Les minutes passent, et les doigts de l'inconnu serpentent le long des joues de Louis, retracent les lignes de sa mâchoire, effleurent ses paupières. Puis il murmure, comme pour ne pas briser la douceur du moment :

Du bout des lèvres - Larry StylinsonWhere stories live. Discover now