Chapitre 19

46 10 0
                                    

Je me mêle à la foule des élèves et je monte en classe.
Apparemment on a 2h de maths.
Ça me dérange pas, j'adore ça, je comprends toujours tout quasiment instantanément. C'est pas une passion, mais limite quand même. J'adore la logique qu'il y a dans cette matière, la réflexion aussi. Je suis presque sûre d'aller en première S l'année prochaine.
Je crois que ça agace quand même un peu le prof que je sache répondre à toutes ses questions. Je sais à quoi vous pensez, mais non, je ne triche pas en regardant dans ses pensées. Même si j'avoue que ça me tente, ce n'est pas mon but, je veux progresser, apprendre par moi-même. Alors je me force à ne pas lire dedans.
La 1ère heure on bosse beaucoup donc je suis hyper concentrée, j'enregistre tout ce qu'il raconte.
Par contre la 2ème heure c'est révisions donc j'écoute pas trop...
Sans que je m'en rende compte, mon regard passe d'élève en élève. Pour s'arrêter sur Théo.
J'aime pas dire ça, ça m'énerve, mais j'avoue qu'il me manque. Énormément.
Vous savez, on efface pas 12 ans d'amitié comme ça... C'est dur.
Quand je le vois je repense à tous les moment heureux passés ensemble, aux délires, aux joies, aux peines, aux bêtises. Oui, parce qu'on a fait les 400 coups tous les deux. Oh qu'est-ce qu'on se faisait engueuler !! Mais aussitôt que les parents s'en allaient, on se mettait à rire. Jusqu'à s'en étouffer. D'un rire insouciant, comme les enfants le font si bien. Un rire clair, sans aucune arrière-pensée. Rien que d'y songer ça me fait sourire. Il me manque. Même quand on n'est pas séparés il me manque. J'aimerais tellement retourner quelques jours en arrière, effacer ce qu'il s'est passé, tout recommencer. Changer le cours des choses. On serait toujours amis et je n'aurais pas à penser à ça... Il m'aurait pris dans ses bras, m'aurait dit que jamais personne ne pourrait nous séparer. Comme il le faisait avant tout ça. Il me manque. Je ferais n'importe quoi pour que tout redevienne comme avant. Je verse quelques larmes. Théo me manque. Nos souvenirs me font mal.
- Mlle Lewis ? Vous n'allez pas en récréation ?J'avais même pas entendu la sonnerie. Ni vu tous les élèves sortir... Le prof doit me prendre pour une dingue. Mais est-ce que je ne le suis pas un peu quand même ? Si, je pense. C'est pas normal d'être comme ça.
M- Ah... euh... si bien sûr...
Il me fait un sourire. Ce genre de sourire que je déteste. Plein de pitié et de compassion. Il a l'air de se dire "Pauvre petite, elle est totalement désorientée" Parce qu'il est au courant.
Tous les profs sont au courant. La police les a prévenus, bien évidemment.
Quand j'arrive dehors, je suis encore un peu perdue dans mes pensées. Je vais m'asseoir sur un banc, au soleil.
Je ferme les yeux et j'essaie de profiter, malgré tout.
?- Alors comme ça on dort chez Esteban Roye ?
J'ouvre les yeux. Lou. J'aurais du m'en douter.
L- Mais tu t'es pris pour qui ?
M- Lâche-moi. C'est pas le moment.
?- Non. Tu vas lui répondre.
Mon cœur manque un battement. C'est pas possible, c'est un cauchemar. Cette voix, c'est... Théo.
Je me retourne et le regarde dans les yeux. Je saurais pas décrire ce que je ressens autrement que par une profonde déception, une immense tristesse.
Alors comme ça il m'a remplacée...
M- T'as fait vite pour m'oublier...
T- N'inverse pas les rôles, Mia. Et réponds à Lou.
J'ai cru voir un peu de tristesse dans son regard, un peu de mélancolie dans sa voix. Mais ça n'a duré que quelques secondes.
Je suis en colère. J'en ai marre.
Alors je lui hurle à la figure.
M- Esteban c'est le seul qui est là pour moi ! J'ai failli me faire violer. Vous en aviez tous rien à foutre. Sauf lui. Il a eu peur pour moi et il a voulu que je dorme chez lui. Rien de plus. Ça te va ?!!!
L- Petite garce ! Tu mens en plus !!Elle empoigne une grosse touffe de mes cheveux et tire violemment. Je ne crains pas les cheveux, normalement.
Seulement un être humain, quoique musclé, qui a encore une certaine maîtrise de lui-même tire raisonnablement. Sa conscience l'empêche d'aller plus loin.
Sauf que Lou est hors d'elle, elle ne se contrôle plus. Absolument plus. Et ça me fait peur. Je ne sais pas ce que ça va donner, quelle force son cerveau va lui permettre d'utiliser.
J'ai bien pensé à essayer de contrôler sa pensée ainsi que ses actes.
Mais comment voulez-vous contrôler quelqu'un qui ne se contrôle plus lui même ? C'est tout bonnement impossible.
Il ne me reste plus qu'à riposter par mes propres moyens. Ça va être dur, je suis vraiment nulle en combat à main nue.
Théo le sait, ça. Et il ne dit rien, ne fait rien.
Il regarde. Je crois que c'est ça le pire. Il était mon meilleur ami, il était tout pour moi. Il m'a abandonnée comme une merde -oui, c'est le mot-. Et maintenant il m'a remplacée. Par ma pire ennemie qui plus est. C'est vraiment atroce. Rien que pour ça, j'ai envie qu'elle me tue. Devant tout le monde. Que Théo voit ce qu'il a fait. Qu'il comprenne que tout est de sa faute.
Quand j'y pense, c'est drôle. Lou veut Esteban, je veux Théo. On n'aurait qu'à faire un échange. Ouais... Mais c'est pas si simple que ça, j'en ai bien peur.
Actuellement je suis en train de me faire massacrer.
Puis tout s'arrête, d'un coup. Plus un son, plus un mouvement, plus rien. J'ouvre les yeux; je suis allongée au sol. J'arrive pas à croire à la scène à laquelle j'assiste. Lou s'est relevée. Esteban lui fout une droite monumentale. Théo se précipite sur lui. Il la défend. Esteban riposte, pour moi.
Ils sont littéralement en train de s'entretuer. Devant mes yeux.
Je me précipite pour les séparer.
E- Tu dégages Mia. Je suis assez grand pour me démerder tout seul.
T- Assume tes choix idiote.
Que...quoi ?
C'est pas possible. Ils me rejettent tous les deux.
M- Très bien. Puisque c'est comme ça j'me casse.
Tant pis pour les 2h de cours qu'il reste.
J'vais chez les Smith. La mère ne travaille pas et j'ai besoin de voir Eliott. La maison (média) qui correspond à l'adresse que l'on m'a donnée est assez grande, avec un beau jardin et une piscine.  Au moins Eliott y sera bien. C'est le principal.

D'ailleurs il doit m'attendre. Enfin j'espère. Ça fait 3 jours qu'il ne m'a pas vue. Il me manque. Peut-être même plus que moi je ne lui manque. Certainement même. Je sais qu'en ce moment il est à l'école mais tant pis, j'attendrai. Même des années s'il le fallait. Tant que je peux le voir...

Je sonne.

Léane -Mme Smith- m'ouvre. Elle est ravie, du moins elle en donne l'impression.

L- Mia ! Comment tu vas ? Entre donc !
Je franchis le pas de la porte et je me dirige vers le salon.
M- Très bien, merci. Et vous ?
L- Ma foi, plutôt bien. Eliott est adorable, il ne parle que de toi.
Ça me fait chaud au cœur. Mon petit bout de chou... Pourquoi tu n'es pas venue plus tôt ?
M- J'avais pas le temps, désolée.
L- Pas grave. Mais ton frère s'impatientait. On s'occupera toujours de lui, ne t'inquiète pas.
M- Merci beaucoup...
L- Y'a pas de quoi ! Tu veux boire quelque chose ?
M- Euh... Oui je veux bien.
L- Quoi ma grande ?
M- Oh, la même chose que vous.
L- Ce sera du thé alors !
Et elle s'en va dans la cuisine. Elle ramène aussi des petits gâteaux.
On parle un petit moment puis elle part chercher Eliott. Je ne veux pas y aller, je veux lui faire la surprise.
Je suis toute seule et je me retrouve en train de penser à mes problèmes.
Et c'est à ce moment que quelqu'un rentre dans la maison...e m'approche discrètement de l'entrée. Enfin pas assez discrètement. Le mec m'a vue.
M- Tu fous quoi ici ?
Je le regarde d'un air interrogateur et ironique à la fois. Comme on regarde un cambrioleur.
?- C'est plutôt à moi de te poser la question, tu crois pas ?
Nan mais quel culot ! Plutôt que de se justifier, il opte pour l'attaque. Dommage pour lui, j'ai le droit d'être là.
M- J'vois pas pourquoi.
?- T'es chez moi en fait...
M- Oh merde désolée, je t'ai pris pour un voleur... Je savais pas qu'ils avaient un fils...
?- Adoptif. Mais toi t'es qui ?
M- Mia, Mia Lewis. La sœur d'Eliott.
?- Content de te rencontrer. Moi c'est Clément.
Je lui fais un grand sourire. C'est cool, Eliott aura un grand-frère.
C- Il nous parle beaucoup de toi tu sais, tu lui manques énormément.
M- Oui ta mère m'en a parlé. J'espère que ça ne vous embête pas trop...
C- Non t'inquiète ! Comme ça on a appris beaucoup de choses sur toi...
Je deviens toute rouge. Qu'est-ce qu'il a bien pu dire ?!
Clément rigole.
C- Nan j'déconne ! Il a dit que t'étais "la meilleure des grandes-sœurs de l'univers" !
M- Il est mignon... Mais jsuis nulle à chier comme grande-sœur...
C- J'ai pas vraiment l'impression non... Maman m'a raconté tout ce qui t'es arrivé. T'es courageuse.
M- Absolument pas. C'est juste que j'ai pas eu le choix...
C- Tais-toi et arrête de dire des conneries. Je te connais pas mais je t'admire beaucoup.
M- C'est gentil... Sinon, tu t'entends bien avec Eliott ?
C- Ouais ça va. Mais je vois bien que je ne t'arrive pas à la cheville, et il me le fait sentir.
M- Ça va passer t'inquiète pas.
Je lui souris. Ça me fait un peu de peine pour lui, mais d'un autre côté ça me fait plaisir qu'il me préfère toujours.
La porte claque de nouveau.
Et puis une voix d'enfant.
Pas n'importe lequel.
Mon Eliott.



Une télépatheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant