Prologue

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Troye n'ose plus bouger.
Cela va bientôt faire une heure qu'il est recroquevillé dans un coin de sa chambre, écoutant les cris venant du rez-de-chaussée.
Il sait très bien ce qu'il se passe: exactement la même chose que tout les soirs depuis que Jason s'est installé à la maison.
Chaque soir, les cris stridents des disputes montent jusqu'à sa chambre.
Alors il met ses écouteurs dans ses oreilles et monte le volume au maximum.
Mais ce soir, Troye à oublié ses écouteurs dans le salon et, du haut de ses 17 ans, il a peur de descendre pour les récupérer.
Malgré son angoisse, il se lève et sort de sa chambre, ferme précautionneusement la porte derrière lui et traverse le couloir sombre du premier étage.
Le planché sous la moquette bleue grince plus fort que d'habitude.
Il descend ensuite les marches de l'escalier en essayant de faire le moins de bruit possible.
Il passe devant la porte de la cuisine puis s'arrête devant celle du salon.
La peur le fait trembler.
Il tend doucement sa main droite vers la poignée de la porte et découvre qu'il s'était trompé: sa mère et Jason ne sont pas dans la cuisine comme il le pensait, mais bien dans le salon.
Jay frappait Elsa il y a encore quelques secondes.
Jason fonce sur Troye tel une fusée, le poussant en dehors de la pièce, lui hurlant des insultes.
Elsa tente de calmer son amant, mais cela ne fait que le faire enrager plus encore.

-«Cette fois, tu n'y échappera pas! Tu l'as mérité!»
-«Non Jay! Calme toi! Il n'as rien fait...»

Elsa se retrouve propulsée de l'autre côté du couloir.
Jason prend son beau-fils par le col de son tee-shirt et le jette par dessus la rampe de l'escalier menant à la cave.

-«Jay...Arrête...Tu sais qu'il a peur du noir...»

Troye se relève péniblement, la lèvre ouverte et saignant vivement, se demandant ce qu'il a bien pu faire pour mériter cela.
Jason descend l'escalier pour rejoindre son beau fils et le forcer à descendre les marches.
Une fois devant la porte de la cave, il sort un petit trousseau de clés de sa poche gauche tandis que, de sa main droite, il tient fermement le bras de Troye.
La porte ouverte, il jette l'adolescent dans la pénombre de la pièce froide et humide.

-«Ça te servira de leçon !»

Alors que Troye se relève pour la seconde fois, Jason lui jette une boîte d'allumettes et referme violemment la porte de bois.
Troye commence a trembler.
S'il reste trop longtemps dans le noir, il pourrait avoir une crise d'angoisse, qui deviendrait plus tard une crise d'épilepsie.
Il ouvre maladroitement la boite en carton et fouille à l'intérieur.
Tout son corps se fige lorsque ses doigts n'heurte qu'une seule et unique allumette.
Non... Ca ne pouvait vraiment pas être aussi horrible.
Troye tombe à genoux et cherche un mur contre lequel s'asseoir.
Sa main heurte une surface lisse et humide: un mur.
Il colle aussitôt son dos contre les fondations, ce qui lui procure un frisson dans toute la colonne vertébrale.
Troye se met ensuite à réfléchir tout en faisant tourner le petit bout de bois entre ses doigts.
C'était de pire en pire.
Au début, quand Jason l'enfermait dans la cave, c'était pour le punir de ses bêtises, maintenant c'est devenu un moyen de se défouler.
Avant, il lui donnait une lampe torche, puis celle-ci s'est transformé en lampe à huile, pour ensuite devenir une boîte d'allumettes, et finalement... Une unique allumette.
S'en est trop pour Troye. Il ne veut plus, ne peut plus supporter les crises de son beau-père.
Il sait maintenant ce qu'il lui reste à faire.
Troye craque l'allumette et regarde autour de lui, cherchant une boîte jaune et noire.
Elle est juste là, sur l'étagère à sa droite.
Il l'a prend et la dépose sur ses genoux avant d'en ôter le couvercle.
Le contenu dégage une odeur épouvantable.
Troye plonge sa main à l'intérieur de la boite de métal et en sort une petite pastille blanche. L'allumette s'éteint, lui brûlant légèrement l'index et l'extrémité du pouce.
Cette pastille de mort-aux-rats est son ticket de sortie vers un monde nouveau.
Qu'il aille en enfer ou au paradis, Troye s'en moque du temps qu'il est loin d'ici.
Il dépose la boite sur le sol à sa droite et met la pastille entre ses dents.
Ses dernières pensées vont à sa mère: il espère qu'elle ne pleurera pas trop.
Troye croque la pastille et se laisse mourir doucement.

Environ une heure plus tard, Troye se regarde.

-«Non mais tu t'es vu, mon pauvre vieux, avec ton filet de bave et t'es yeux de merlan frit? Imbécile...»

Il remonte les marches de l'escalier de la cave.
Autour de lui, les bruits sont comme flous, si lointain qu'on en perçoit à peine la présence.
Il se retourne et vois sa mère et Jason s'engueuler, encore, mais au ralenti cette fois.
Il a un petit rire en les regardant: à la longue, ça prend un ton plutôt ironique et une tournure assez hilarante.
Troye jette un dernier regard à cette maison qui était la sienne et qu'il s'apprête à quitter.
Pour aller où?
Quelque part.
Il ne sait pas encore vraiment où mais il a toujours rêvé d'aller à Chicago.
Il referme la porte d'entrée derrière lui, sans plus se soucier du bruit qu'il laisse : il sait qu'il n'en fait plus.
Le voilà donc sur le trottoir, devant chez lui, prêt à partir loin.
Soudain, une lumière venant du ciel l'appel.
Il lève la tête et sourit à cette étoile qui brille tellement qu'elle l'éblouit presque.
Troye sent alors ses pieds se décollés du sol et son corps se rapprocher du ciel.
Il ferme les yeux et se laisse porter.
Lorsqu'il les ouvre, ce qu'il voit défie tous ses rêves les plus fous.
Maintenant, il sait que c'est là qu'il veut rester, pour toujours.

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