La place des étoiles dans l'univers

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Les choses importantes n'ont pas de sens. L'amitié n'a pas de sens. L'amour n'a pas de sens. La vie n'a pas de sens.

Et c'est dans ce splendide désordre que se forme les choses les plus merveilleuses.


Quand Maya arriva au lycée, le lendemain, elle aperçut Donovan plongé dans une conversation avec Thomas. Elle bailla. D'énormes cernes creusaient ses yeux fatigués par la nuit dernière. Ils étaient rentrés tard à la maison, et voilà le résultat. Thomas hocha la tête et parut convaincu, alors Donovan sourit, ils parlèrent encore un peu jusqu'à tourner la tête vers elle qui les observait. Elle avança timidement.

- Salut. Déclara-t-elle.

C'était neutre, il n'y avait aucun engagement dans un « salut ». Elle ne savait pas encore comment était Thomas vis-à-vis d'elle, alors elle s'arrêta à là, guettant une réaction de sa part. Les deux amis se regardèrent en silence, jusqu'à ce que Thomas ouvre grand ses bras et lui dise :

- Allez, viens-là.

Elle n'hésita pas une seconde et le serra dans ses bras. Elle se retira et lui sourit. Tout était dit, ils n'avaient pas besoin de plus.



Ils étaient assis sur un banc, au milieu de la cours, exposés à tous les regards. Les gens passaient devant eux et leur distribuaient à chacun un regard interrogateur ou désapprobateur. Que pouvait donc faire Donovan accompagné de ces deux-là ? Ils venaient d'univers différents. Des univers qui ne pouvaient pas se mélanger. Alors que faisaient-ils ? Et bien ils changeaient le monde à leur façon. Parce que le bad boy pouvait être ami avec l'intello et le garçon manqué. Et même si ça défiait toutes les lois hiérarchiques du lycée, ils s'en moquaient. Alors ils affrontaient les regards désobligeant qu'on portait sur eux. D'ailleurs, d'ici peu, des rumeurs se répandront à propos d'eux maintenant. Puis petit à petit, l'affaire se tassera et on oubliera leur amitié insolite.

Mais peut-être bien qu'ils montreront l'exemple. Peut-être bien qu'on arrêtera juste de classer Donovan dans la catégorie bad boy. On ne peut pas savoir ce que l'avenir leur réservait.

En attendant, ils étaient-là, à trois, assis sur ce banc, soudés. Leurs univers ne s'étaient pas mélangés mais s'étaient assemblés.

Maya était la pluie, Donovan était le feu, Thomas était le vent, et bien qu'opposés, ils s'accordaient parfaitement.



Donovan était assis dans les gradins, un cahier sur ses genoux, en train de gribouiller un semblant de poésie. Thomas n'avait pas pu venir à l'entrainement de Maya ce soir-là à cause d'un rendez-vous chez le dentiste, alors il avait décidé de le remplacer. Il tira sur sa cigarette et barra ce qu'il venait d'écrire. La journée s'était montrée assez étrange. Le regard que les gens portaient sur lui avait changé. A vrai dire, on ne savait plus trop quelle étiquette lui coller, mais Donovan savait qu'ils en trouveraient une nouvelle sans tarder. Si la vie lui avait appris une chose, c'est que les gens qui n'entrent dans aucunes cases mettent mal à l'aise. Ça dérange, voyez-vous. Il observa Maya courir sur le terrain. Il savait pourquoi les gens ne l'appréciaient pas trop. Où pouvait-on la ranger ? Elle était du genre timide mais dévoilait toujours le fond de sa pensée. Elle avait un peu l'air d'un garçon avec ses cheveux courts, mais il y avait quelque chose de féminin dans ses manières, ses formes et ses lèvres charnues. On ne pouvait pas non plus la classer dans les intellos car elle avait un niveau scolaire plutôt normal. On pouvait la mettre dans le groupe des sportifs, à la rigueur. Il sourit, toujours en la fixant. Un petit bout de femme perdue dans un monde trop grand pour elle, voilà ce qu'elle était. Elle était si adorable, et elle ne s'en rendait même pas compte. D'ailleurs, elle n'était pas la seule. Mais maintenant qu'elle était entrée dans le cœur de Donovan, il trouvait que ça crevait les yeux. Les seules cases dans lesquelles on devrait ranger les gens sont dans les cœurs, dans le fond.

Elle n'était ni une intello, ni un garçon manqué, ni une timide, c'était sa petite Maya. Sa petite Maya, un point c'est tout.

Après s'être changée, elle rejoignit Donovan.

- Merci de m'avoir attendue. Lui dit-elle, un ravissant sourire aux lèvres.

- Je n'allais pas te laisser toute seule quand même.

Elle haussa les épaules, salua de la main une fille de l'équipe puis bailla.

- Je suis vannée. J'ai hâte de retrouver mon bon petit lit.

Ils se mirent aussitôt en route. Ils parlèrent de tout et de rien, comme d'habitude. Rien d'important, dans le fond, juste des petites choses qui rendent le quotidien plus doux.

Seulement, quelque chose en Donovan avait changé. Ils arrivèrent au niveau de sa maison. Quand Maya s'arrêta et lui sourit, il réalisa à quel point il avait envie d'être aimé et accepté. Alors, sans réfléchir, il se pencha et déposa un baiser sur ses lèvres.

Maya ferma les yeux et lui rendit son baiser. Dans sa tête, c'était la pagaille. Son cœur battait à tout rompre contre sa poitrine, et elle avait du mal à se dire que c'était vrai. Donovan l'embrassait-il réellement ? Oui, ce n'était pas un rêve. Il l'embrassait, elle, la petite Maya, la fille invisible. Elle sentait des ailes lui pousser dans le dos. Il y avait des gens qui dansaient et ouvraient une bouteille de champagne dans son esprit. La pagaille, quoi. Aucun moyen d'avoir des idées claires dans ce délicieux cahot. Malheureusement, Donovan finit par détacher ses lèvres des siennes. Au lieu d'afficher un sourire béat comme elle, il avait l'air très sérieux.

- Je ne peux pas. Dit-il.

Et il partit en courant. Elle cria plusieurs fois son nom mais il ne se retourna pas. Elle n'aurait pas d'explications ce soir. Les ailes qui venaient de pousser dans son dos se faisaient désormais lourdes. Elle n'avait plus envie de voler car elle venait de s'écraser durement au sol. Il s'était moqué d'elle. Ce n'était pas sérieux. C'était juste comme ça, parce qu'il était Donovan, et qu'il avait le droit de prendre ses sentiments, d'en faire une boule de papier et de les jeter à la poubelle. Parce qu'il était Donovan, le grand, le majestueux et pathétique Donovan. Alors, ses ailes de plombs pesant dans son dos, elle fit marche-arrière et rentra dans sa maison. Une partie d'elle avait envie de pleurer mais elle savait qu'elle ne le ferait pas. Pas cette fois. C'était comme si elle savait que c'était perdu d'avance. Avant de refermer la porte, elle laissa Déception s'inviter. Elles allaient passer la soirée ensemble ce soir.


Les yeux fermésWhere stories live. Discover now