Chapitre 6

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  J'entends des bruits de pas qui viennent dans ma direction. Mon premier réflexe fut de me recroqueviller. J'ai terriblement peur que ce soit mon père qui vienne me battre. La clé tourna dans la serrure maladroitement. La porte s'ouvrit incertaine. Je plisse les yeux, mais je ne vois rien dans cette pénombre. Je vis une ombre s'approcher de moi avec une bougie dans la main. Je ferme les yeux, la lumière qui vacille me brûle les yeux. Combien de temps suis-je restée ici pour ne plus pouvoir voir de lumière ? Je rouvre les yeux doucement, et bas plusieurs fois des paupières. Je ne distingue qu'une silhouette. C'est celle d'une femme. Pas d'un homme. Est-ce enfin quelqu'un qui vient me libérer de l'emprise de mes parents ?
« Any ?
Je reconnaîtrai cette voix parmi mille.
- Agathe ? Demandai-je la voix rauque.
Je vis son sourire flou. Elle s'assit à côté de moi, et posa la bougie à ses pieds.
- Any, commença-t-elle, il faut vraiment que tu quittes la maison.
- Ce n'est pas si simple. Je ne peux pas partir comme ça. C'est impossible. Répondis-je.
- Rien n'est impossible. Tu décides simplement que ça l'est. Car c'est plus facile.
Des fois, elle m'épate... Tellement mature.
- Comment je peux faire pour quitter cette maison ? Ils me retrouveront toujours.
- Pourquoi n'irais-tu pas chez Diane ? C'est ta meilleure-amie, non ?
- Oui, mais sa vie n'est malheureusement pas aussi simple pour m'accueillir. Elle ne comprendrait pas. Je ne pourrai jamais lui expliquer...
Elle afficha des yeux ronds :
- Tu ne lui as toujours pas dis ? Tu attends quoi ?!
-C'est dur, tu sais... Dire que ses parents sont complètement fous.
-Les siens aussi le sont, pourtant elle ne te l'a pas caché. Dit-elle tout naturellement.
-Que... ? Comment es-tu au courant pour ses parents ?
-Je ne suis pas idiote, Any. Elle rentrait toujours ici défoncée, parfois des sous-vêtements en moins, elle pleurait dans tes bras, ce qui, la voir pleurer est assez rare en jour normal.
-Tu me surprendras toujours, petite chouette...
Elle regarda la flamme de la bougie vaciller, puis me regarda :
-Il faut que tu essayes. Vraiment. Qui ne tente rien...
-N'a rien, je sais, soufflai-je.
Elle me donna un petit coup de coude et sourit bizarrement :
-Il te faut du courage... Tu me manqueras, mais ce sera mieux pour toi.
-Quoi ? Il n'en est pas question ! Si je pars, tu viens avec moi !
-Je ne peux pas. Toi, tu es bientôt majeure, et les parents ne veulent plus te voir... Mais moi, je n'ai que quatorze ans, et si je pars, ils nous poursuivront.
-Mais moi aussi ils me chercheront.
-Oui, mais ça ne durera pas longtemps. Ils voudront juste te trouver pendant – on va dire une semaine – et ensuite ils en auront marre. Ils se diront – désolée – que ce n'est pas la peine. Mais moi, ils auront besoin de moi, pour faire les papiers et tout ce qui suis. Si je disparais, ils appelleront la police, parce que je suis mineure. Mais toi, ce sera moins grave...
-Je ne sais pas quoi faire. Imagine s'ils se retournent contre toi, puisqu'ils n'auront plus personne à battre !
-Tant pis, je suis prête à subir ce que tu subis pour te sauver. Tu mérites d'avoir une vraie vie, et d'arrêter de penser au passé. Si ça continue, combien de temps resteras-tu ici ? Jusqu'à ta mort ? Et si ta mort n'était pas si loin ? Si tu t'effondrais de douleur ?
Ses mots s'entrechoquaient dans sa gorge, et ses larmes coulaient le long de ses joues rouges. Je l'a pris dans mes bras, et je chantai calmement, en même temps que de lui caresser les cheveux.
-Tu n'auras pas à affronter tout ceci. Tu sais pourquoi ?
Elle secoua tristement la tête.
-On va s'enfuir. Ensemble, très bientôt.  

Indésirée.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant