Chapitre 8.

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On peut différencier le rêve de la réalité de différentes manières. Par exemple, en plein rêve, il nous manque des doigts, ou alors on en a en plus. Il nous est impossible de lire, aussi. Les sons, les couleurs, les textures semblent fondues, confondues, diluées dans une substance étrange faite d'illusions et de mirages. Comme pour distinguer une ombre d'une ruelle sombre, il suffit souvent de plisser les yeux, de prêter attention aux détails pour définir cette fine limite entre le vrai du faux. Le fabriqué du matériel. De l'illusion du réel.

Mais parfois, malgré ces quelques facteurs, cette tâche s'avère être plus compliquée.
Surtout lorsque notre vie se résume à un cauchemar.

Tout cela, je l'ai appris à mes dépens. Et j'ai également fait l'expérience d'un étrange phénomène : la paralysie du sommeil. Au moment du réveil, alors que votre esprit est bien vif et éveillé, votre corps ne répond plus, refuse de bouger, et vous êtes même dans l'incapacité d'ouvrir les yeux.
S'en suivent ensuite des hallucinations auditives, parfois visuelles, et un sentiment intense de panique mêlé à celui de peur.
Ce phénomène étrange peut durer quelques secondes, ou bien quelques minutes, puis disparaît spontanément.

L'avantage, c'est que cela m'empêche de hurler de bon matin. L'ennui, c'est que l'idée même que ces paralysies me plaisent me terrifie.

Aussi loin que je me souvienne, le dimanche a toujours été le jour que je détestais le plus dans la semaine. Avec la reprise des cours le lendemain, les devoirs à faire, et les repas de famille, je préférais encore mourir d'ennui que de me coltiner toutes ces corvées.
Normalement, en plein milieu du repas, j'envoie des messages à mes amis.
Dommage qu'aujourd'hui, je n'en ai plus aucun.

C'est mon petit frère qui se présente en premier à ma porte, ce matin. Encore dans son pyjama Iron Man, et la marque de l'oreiller lui traversant la joue, il m'offre un petit sourire, le visage encore bouffi de sommeil, et s'avance doucement vers mon lit. En attendant, je me redresse, cale un oreiller derrière mon dos et m'appuie contre le mur.

Je m'efforce de lui sourire, et de lui lancer un petit ''bonjour'' pour lui faire croire que ce matin, je vais bien.

« J'ai pas envie que la famille arrive, murmure-t-il une fois monté sur mon lit.
- Pourquoi ?, je lui demande. »

Il souffle, prend un air ennuyé, et pose sa tête sur mes genoux. Instinctivement, mes doigts se perdent dans ses cheveux, et j'en défais doucement les nœuds.

« Parce que Tim' et Noah vont encore hurler, courir partout, et me piquer mes jouets. »

Timothée et Noah, les infernaux. Ce sont nos cousins, du côté de mon père, et sont tous deux âgés de huit ans. Parfaitement identiques, je n'arrive pratiquement jamais à les différencier, d'autant plus que ma Tante Susan s'amuse à les habiller exactement de la même manière.
Je hais ces parasites.
Mon frère aussi.

« Tu veux pas qu'on sorte, plutôt ?, me demande Jiminy, tournant la tête vers moi. »

Je fronce légèrement les sourcils et retire mes doigts de ses cheveux, croisant les bras sur ma poitrine.

« Comment ça ?
- Sécher le repas de famille, ça te dirait ? »

Je penche doucement la tête sur le côté et me mordille légèrement la lèvre inférieure, avant d'hausser les épaules avec nonchalance. J'aurais ri, normalement, à cette drôle d'idée et façon d'utiliser l'expression ''sécher''.

« Et pour faire quoi ?
- J'sais pas, sortir, acheter une glace, puis revenir quand tout le monde sera parti ! J'ai vraiment pas envie de voir ces jumeaux d'malheur... »

BANGWhere stories live. Discover now