Le fauteuil de la victoire (partie 1)

141 18 23
                                    

Août 2014

- Elia, chérie, viens on va être en retard !

- Oui, j'arrive ! Encore cinq petites minutes s'il te plaît.

Je rigole en l'entendant me dire ça. S'il y a bien une chose qui caractérise Elia c'est son manque de ponctualité. Le temps qu'elle passe dans la salle de bain est proche de l'infini, voire même de l'au-delà. Ma petite réflexion me fait sourire, j'ai dû passer trop de temps avec Aaron, le petit neveu d' Elia, qui est fan de Buzz l'éclair.

Si elle pouvait dormir dans la baignoire je suis sûr qu'elle le ferait. Elle m'a demandé un jour d'essayer d'inventer un système pour garder l'eau de son bain toujours à bonne température, et de faire en sorte que la mousse ne s'évapore pas trop vite. Je dois avouer que je n'ai toujours pas trouvé la solution et pour être totalement franc, je n'ai même jamais essayé, mais ça lui fait plaisir d'y croire, alors je la laisse faire.

Je ne compte plus le nombre de fois où elle m'a fichu une peur bleu, apparaissant avec une espèce de truc vert chewing-gum sur le visage. J'aime la faire râler quand je lui pique ses rondelles de concombre et que je les croque devant elle, la faisant finalement rire.

Elle aime essayer toutes les nouvelles crèmes ventant les mérites d'une peau douce et soyeuse, réduisant les cernes ou même les rides. Apparemment à vingt-huit ans c'est déjà trop tard.

Tout ce petit manège a le don de m'exaspérer car Elia est magnifique. Elle n'a pas besoin de tous ces stratagèmes pour s'embellir. Sa beauté naturelle rendrait jalouse n'importe quelle femme.

Mon cœur se souvient encore du battement qu'il a loupé le jour où, sur le banc de l'école d'infirmière, elle s'est retournée pour me demander si je n'avais pas un stylo en stock car le sien venait de lâcher l'âme.

Depuis j'ai voulu lui offrir tous les crayons du monde, mais je dois aussi subir les foudres de nos amis et de notre famille pour nos retards à répétition.

Même le jour de notre mariage, il y a un an, elle a trouvé le moyen d'arriver en retard, mais quand je l'ai vue descendre de la voiture dans sa magnifique robe Pronovias, tout autour de moi a cessé d'exister et le temps s'est suspendu.

Cette femme me fera perdre la tête, mais pour elle je suis prêt à tous les sacrifices.

Je m'installe confortablement dans mon vieux fauteuil d'étudiant. Cette relique a survécu à toutes les misères que mes potes et moi on a pu lui faire subir. Je suis bien content d'avoir gagné cette bataille, bien que rude, avec ma femme pour le garder dans notre nouvelle maison.

On peut encore y voir des auréoles, dues à la bière et autre alcools ingérés durant nos soirées d'étudiants. Je me surprends encore, de temps en temps, à passer le doigt dans un trou sur l'accoudoir, causé par la brûlure d'une cigarette. Addiction qu' Elia m'a demandé d'arrêter quand nous avons commencé à sortir ensemble.

Cela fait maintenant quatre ans que j'ai arrêté de fumer et ce trou dans mon fauteuil me rappelle à quel point j'ai bien fait. Je n'aurai pas voulu que mes poumons y ressemblent.

Ce fauteuil pourrait témoigner de choses pas très catholiques de ma folle vie étudiante. Avant qu' Elia ne fasse de moi un homme rangé la deuxième année d'étude, Jay et moi ne vivions que de fêtes et de filles.

L'appartement que nous partagions en collocation est vite devenu le lieu des plus grosses beuveries. Je n'en suis pas très fier aujourd'hui, mais je prenais un peu les femmes pour des jouets. Mon lit a vu défiler plus de filles en une année que le défilé du quatorze juillet n'a vu de militaires.

Elia connaissait ma réputation et j'ai vraiment ramé pour l'attirer dans mes filets. Ses refus consécutifs ont fait d'elle un défi à part entière. Plus elle se refusait à moi, plus je la désirais. Jay se moquait de moi à longueur de temps car je ne voyais plus les autres filles qui me couraient après. Il en profitait alors à ma place.

Elia a fait ressortir en moi un côté romantique que je ne soupçonnais pas. J'ai sorti le grand jeu pour elle. Cela aurait même pu tourner au harcèlement si elle n'avait pas fini par céder le soir de notre quatrième rendez-vous. Il faut dire que j'y avais mis le paquet. Je lui ai bandé les yeux et l'ai conduite aux Calanques de Marseille.

Là bas, sur une petite plage, j'avais tout préparé. Un chemin de pétales de roses entouré de bougies menait jusqu'à une petite couverture, où un pique nique nous attendait.

Jay avait été missionné de surveiller l'endroit jusqu'à ce que nous arrivions et il s'était ensuite éclipsé, avant que je n'enlève le bandeau des yeux d'Elia, sans oublier de me charrier en mimant une scène sexuelle plus qu'explicite.

C'est l'une des meilleures soirées de ma vie. Je me rappellerai toujours du goût sucré de ses lèvres sur les miennes, de sa langue dansant avec la mienne, de son corps chaud contre le mien, de ses mains tremblantes découvrant mon corps et de sa voix criant mon prénom.

Depuis ce soir là, cette femme remplit ma vie de bonheur, d'amour, de rires et de folles nuits de sexe. Nous ne sommes jamais assez rassasiés l'un de l'autre.

Je commence à étendre mes jambes sur la petite table basse en bois du salon et entreprends d'allumer la télévision, quand j'entends des bruits de talons raisonner sur le plancher. Je tourne la tête en direction d' Elia et j'en ai le souffle coupé. Je pourrais même parier que ma bouche vient de s'ouvrir et que si je continue de la fixer ainsi un filet de bave va couler et finir la panoplie de tâche de mon fidèle fauteuil.

Aucun son de sort de ma bouche, je me contente de l'admirer et de lui offrir mon sourire charmeur. Celui-là même qui m'a aidé à la conquérir, et qui a fait de moi le plus heureux des hommes quand elle a accepté de m'épouser.

Elle me sourit en retour et m'offre un petit clin d'œil en s'approchant de moi. Sa démarche aussi sensuelle que sexy réveille toutes mes terminaisons nerveuses et mes yeux parcourent avidement son corps.

Ses Louboutins, petit, enfin gros caprice de Madame pour me faire payer le fait d'avoir gardé mon fauteuil, viennent allonger ses jambes fines. Si j'ai pu râler en lui payant ses chaussures affreusement cher pour notre budget, aujourd'hui je ne regrette pas. Encore moins quand elles sont de chaque coté de ma tête.

Elle porte une robe bordeaux, moulante à la perfection, qui s'arrête juste au dessus des genoux. Quand mes yeux arrivent finalement au niveau de sa poitrine je suis ravi de voir ce magnifique décolleté, rehaussé d'un bustier.

Elle est magnifique mais je ne suis pas d'accord pour que d'autres hommes reluquent ma femme. Elle est à moi, et le premier qui pose un regard sur elle, a le droit à mon point dans la figure. Oui, c'est un peu radical mais, croyez-moi, c'est efficace.

J'en ai fait l'expérience, un soir où nous sortions en boîte avec nos amis et qu'un mec était venu se frôler un peu trop près d'elle sur la piste de danse. Elia m'avait cherché du regard et lorsque celui-ci m'avait accroché j'avais tout de suite compris que quelque chose n'allait pas. Elle se débattait alors contre des grosses paluches qui s'étaient posées sur sa taille. Il ne m'avait fallu que quelques secondes pour endiguer cette vision d'horreur. Mon poing était venu se nicher sur la mâchoire du lascar qui enserrait ma copine. Il s'était alors confondu en excuses avant de quitter les lieux la queue entre les jambes.


Pour ellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant