Epilogue

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Marco regardait son frère aîné à travers l'épaisse vitre en se disant que celui-ci devait bien peser deux fois son propre poids.

A le voir ainsi assis à cette table avec son air de gros nounours inoffensif, vu d'ici, on aurait pu le croire en bonne santé.

Le médecin arriva et lui serra la main.


- Bonjour, Monsieur Simonetti. Une nouvelle visite à votre grand frère Léo, alors ?

- Oui. Comment va-t-il ? demanda Marco.

- Disons que son état est stable, dit le médecin. Il alterne les phases calmes, telles qu'en ce moment, avec des crises très violentes et aussi des périodes de stupeur pendant lesquelles il se plonge dans une sorte de catatonie. Tout dialogue devient alors totalement impossible. Il peut rester plusieurs jours prostré sans dire un mot, imperméable à tout ce qui arrive autour de lui. On doit le nourrir par perfusion lorsque cela se produit.

- Mais, quand je lui parle, il semble clairement comprendre...

- Parfois oui, parfois c'est plus douteux, dit le médecin. Il arrive qu'il me parle de votre région, la Corse, comme le ferait quelqu'un de tout à fait normal. Quoi qu'il en soit, vous savez qu'il peut devenir dangereux à tout moment, même pour vous, son petit frère. Donc, comme d'habitude, respectez bien le protocole. N'abordez pas de sujets qui pourraient l'énerver, ne le contredisez pas, essayez de paraître calme et rassurant.

- Bien sûr docteur. Mais ne vous inquiétez pas, il n'y aura aucun problème, je le sais.

- Hum. De toute façon, deux infirmiers assistent de loin à votre visite. S'il y avait quoi que ce soit, bien entendu ils accoureraient. Compte tenu de la différence de constitution physique entre vous et lui, sans vouloir vous offenser, je préfère...

- Oui, bien sûr, dit Marco.


On l'introduisit dans la pièce et il fit la bise à son grand frère qui le dépassait d'une tête. Celui-ci semblait dans un bon jour, comme l'avait dit le médecin.


- Alors, comment te sens-tu aujourd'hui, frérot ? demanda Marco en pinçant affectueusement la joue au colosse Léo du haut de ses dix-neuf ans et de ses cinquante kilos, tout mouillé.

Léo eut un sourire et leva le pouce, faisant signe qu'il allait bien, selon lui.

Marco s'assit en face et se pencha aussitôt par dessus la table.

Les deux imposants infirmiers discutaient à l'autre bout de la pièce sans les quitter des yeux.


- Léo, tu m'écoutes ? murmura Marco à l'oreille de son frère.

Léo leva à nouveau le pouce.

- Ca y est, je les ai flingués, dit doucement Marco. Tous les mecs. Les sept.

Léo sourit et ses yeux s'illuminèrent à la manière d'un enfant à qui on raconte une histoire merveilleuse.


Puis son regard se perdit soudain dans le vague, comme si un nuage de brume passait.

- Les nanas sont sur leurs gardes, reprit Marco. Je vais laisser passer un peu de temps avant de m'occuper d'elles, les cinq. J'ai grandi neuf ans avec notre rancoeur, ça peut bien attendre encore un petit peu.

De nouveau la lueur s'alluma.

- Pas longtemps, Léo, ne t'inquiète pas. Lola pourra ensuite reposer en paix.


Léo planta cette fois ses yeux noirs dans les siens.

- Lola, dit-il avec une infinie douceur.



FIN

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Noirs souvenirsWhere stories live. Discover now