Jour 11

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Je me laisse porter. La musique me fait un bien fou. Je danse quelques minutes, bien concentrée. Or, ma concentration ne dure pas longtemps, tout en dansant, mes pensées reviennent à la charge. Mes pensées négatives se succédent sans fin.

Quelques jours se sont passés. Je suis retournée au lycée, il le fallait bien. Je n'ai toujours pas d'explication sur les événements. Je ne sais pas pourquoi de plus en plus de monde me traite comme si j'avais la peste. Cela fait bien longtemps qu'on ne m'avait pas traité de cette façon... je me demande comment j'ai pu oublier les sentiments que cela nous produit. Cette violence qu'on s'inflige, cette rage qu'on ressent. Ce sentiment d'abandon, cette peur de ne plus jamais retrouver la paix, la peur de ne jamais s'en sortir. La peur de finir comme ce petit garçon...

Lorsque j'avais 7 ans il y avait un garçon dans ma classe qui avait plus d'ennemis que d'amis. Un jour il fit une gaffe, une petite gaffe sans importance. Une petite bêtise d'enfant. Cependant beaucoup n'ont pas apprécié son geste. Ses amis les premiers ont raconté l'histoire à qui voulait l'entendre. Toute l'école a finit par lui tourner le dos, il alors commencé à se faire du mal, à maigrir, à dormir en classe car il ne dormait plus la nuit.... Cette mascarade a cessé au bout de quatre mois. Il a finit par se jeter d'un pont.

Je ne veux pas que cela m'arrive. Pourtant les mêmes choses se reproduisent, sans cesse. On finit tous par se faire rejeter, harceler ou abandonner. Cela dure plus longtemps chez certaines personnes, et plus intensément. La sensibilité d'une personne joue également. Personne ne peut se permettre d'harceler quelqu'un en se disant "C'est pas grave, ça ne durera qu'une semaine." Comment peut on en être aussi sûr ? Il se peut que la victime se soit déjà fait persécuter auparavant. Et pour l'agresseur, cela ne dure qu'une semaine, mais la victime rejoue toutes le scènes dans son esprit, encore et encore..... Cela ne s'arrête jamais.... Il y des choses qu'on ne peut jamais oublier....

C'est exactement ce qui est en train de se passer pour moi. Les critiques ne sont pas anciennes mais tous les soirs je rejoue toutes les scènes dans mon esprit. Tous les soirs je pleure en me disant que rien ne changera jamais. J'ai beau changer d'école, je suis sûre que cela recommencera. Parce que si une personne s'acharne sur moi, le problème vient forcément d'elle, cependant, si c'est une trentaine de personnes qui se retournent sur mon passage en riant et me montrant du doigt le problème vient forcément de moi. Alors, si je suis le problème, les mêmes choses arriveront encore et encore, quel que soit l'établissement.

Ils me détestent tous. Et je crois que je les comprends. Désormais lorsque je m regarde dans la glace je ne vois plus qu'un corps vide, flasque et trop imposant. Je ne vois plus l'ancienne June. La June d'avant a été effacée. Je ne veux pas mieux qu'eux. Je m'apprête à abandonner mon meilleur ami pour partir dans le prochain Enfer qui m'attend. C'est ça se comporter en amie ? Tout laisser derrière soit en sachant qu'on ne devrait pas partir ? Je sais que je ferai mieux de rester ici mais.... Je n'ose pas lutter..... Je ne suis pas une véritable amie. Je ne suis pas une amie. Je mérite ce qui m'arrive. Alors maintenant, que dois je faire ? Me laisser mourir ? Tenter de me battre sachant que rien de tout ça ne servirait à rien ? Ou mourir tout de suite, brutalement, en finir au plus vite...? Que ferait ma famille sans moi ? Et Ben ? Et....Mathéo ? ..... Je pense que pour Mathéo cela ne changerait pas grand chose, on ne s'est parlé que quelques fois pour s'échanger des banalités. Au fond... Je ne manquerait qu'à quelques personnes


Cette révélation me fait l'effet d'un coup de poing dans le ventre. Je cesse brusquement de tournoyer et m'effondre sur le sol dans une violence à couper le souffle. Une douleur à la cheville me donne envie de me frapper. Je me relève accroché à la barre de la salle de danse et me mets debout, la douleur est mille fois plus violente. Je lâche mes mains priant pour rester debout et tombe au bout de quelques secondes. Soudain je pleure. Une fois de plus. Sans pouvoir m'arrêter. J'ai besoin d'aide, il faut que je prévienne quelqu'un. Ni mes parents, ni ma prof de danse, je n'ai aucune envie d'appeler les filles de mon cours à l'aide, et j'ai assez déçu Ben.... Il a déjà bien à faire....Je rampe dans la salle, attrape mon portable et me connecte sur Facebook. Je pousse un soupir de soulagement lorsque je vois que Mathéo est connecté. Sans tarder, je lui envoie un message.

"Hey, j'ai un énorme problème, je ne peux pas me déplacer. Tu peux m'aider s'il te plaît ? Je te donne l'adresse."

Les cinq minutes d'attente ma paraissent être une éternité. Je pousse un petit cri de surprise en entendant la sonnerie de mon téléphone."

"Heu..... Oui je peux.... Mon père a accepté de m'emmener j'arrive dans dix minutes."

"Ce n'est pas vraiment comme ça que j'imaginais rencontrer un membre de ta famille" dis je pour moi-même.


Dix minutes plus tard, je reçois un message de Mathéo. Je lui indique le chemin à prendre avant d'arriver jusqu'à moi. Il ne tarde pas à ouvrir la porte.

"June, qu'est ce qui s'est passé ?

_Je m'entraînais pour un spectacle et j'ai tenté de reproduire un pas que je rate toujours. C'était stupide de ma part. J'aurais dû attendre l'arrivée de ma prof avant d'essayer.....

_Ce n'est rien je suis là maintenant."

Il se dirige vers mes affaires, les attrape et me les donne.

"Tiens. Je vais te porter."

Il me porte comme une princesse, mais un peu trop brusquement. Il me serre trop, peut être de peur de me faire tomber. Et ses gestes sont maladroits mais je ne peux m'empêcher de le trouver mignon. Je peux sentir son parfum rassurant. Je ne tâcherai de ne jamais oublier cette odeur. Surtout pendant les moments où j'ai besoin d'aide, avec un peu de chance ça m'aiderait.

Il me pose le plus délicatement possible sur la banquette arrière de la voiture. Son père, un homme aux cheveux bruns et yeux bleus me souris. Il a l'air aussi gentil que son fils.

"Alors mademoiselle, on a fait une chute ? Je t'emmène à l'hôpital.

_Non non ! Heu... je veux dire, merci c'est gentil mais.... Mes parents s'en chargeront, vous avez déjà fait beaucoup de choses.

_Bien."

Le trajet est silencieux. Plus personne ne s'adresse la parole.


En face de chez moi, je sors du mieux que je peux de la voiture.

"Attend, je vais t'aider."

Mathéo sort de la voiture et je m'appuie sur lui. Je n'avais jamais vu que le chemin qui sépare le portail de le porte d'entrée est si long..... Arrivés à la porte je remercie Mathéo.

"Je me débrouille. J'expliquerai tout à mes parents. C'est absolument adorable ce que tu as fait pour moi aujourd'hui. Je connais peu de personnes qui l'aurait fait.....

_C'est normal. Et tu as rencontré mon père."

Je hoche la tête. Au moment où j'allais le quitter il se penche doucement vers moi et pose ses lèvres contre les miennes. J'ai lu beaucoup de livres et entendu beaucoup de témoignages de Mélody sur les premiers baisers. Contrairement à ce que je pensais, les lèvres de Mathéo ne sont pas sucrées. Je ne saurait dire quel goût eplles ont. Mais.... Cette sensation..... J'ai l'impression que plus rien ne peut m'atteindre. Du moins jusqu'à ce qu'ils les enlèvent.

Il s'éloigne et se retourne.

"A bientôt. Au fait tu es bien maigre, tu as l'air toute fragile. Dans deux semaines mon père organise un énorme repas, tu voudras venir ?"

Je ne peux pas parler. Je hoche la tête. Il sourit et s'en vas. Je reste plantée là durant quelques secondes.

Je ne peux m'empêcher de penser qu'il mérite mieux que moi.


AnaWhere stories live. Discover now