Chapitre 1

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Théo réussit à dissimuler sa joie tout le long du repas, mais ce ne fut pas évident, tant son humeur contrastait avec l'ambiance autour de la table. Son père était une personne austère et sévère, qui détestait que l'on parle pendant que l'on se restaurait, aussi personne n'osait prendre la parole, se contentant de manger dans un silence religieux.

Le père, plongé dans ses habituelles pensées qu'il ne partageait jamais avec ses enfants, ne vit pas les nombreux échanges de regards entre ceux-ci. Pourtant Théo, Violette, Stéphanie et Ariane communiquaient avec leurs expressions et de discrets gestes, comme à chaque fois. La fratrie avait développé ce type de communication il y a des années. Violette et Théo, les aînés, l'avaient imaginé quand ils étaient petits et l'avaient transmis aux cadettes. Ainsi, ils ne s'ennuyaient jamais quand ils mangeaient.

Ils étaient en pleine discussion quand le père posa ses couverts, signe qu'il avait terminé. Aussitôt, les autres firent pareil, même la petite Ariane qui n'avait pas fini son dessert. Mais personne n'osa contester : il fallait respecter les règles imposées par le patriarche, sinon celui-ci sévissait. Les serviteurs s'empressèrent de débarrasser la table. Tout le monde se leva.

- Je vais au travail, annonça le père. Je ne pense pas être de retour avant ce soir. Profitez de votre journée pour travailler dur. Surtout toi, Théo. Tu es mon seul fils...

...tu dois donc montrer à l'école que tu es le meilleur, pour ne pas faire honte à la famille. Je le sais Père, vous me récitez la même phrase chaque jour qui passe. Et comme à chaque fois, vous oubliez que vous avez trois autres enfants.

Théo, prudent, garda ses réflexions pour lui et hocha la tête. Une fois le géniteur parti, la fratrie put souffler. Il était à peine midi vingt, aussi l'adolescent se précipita-t-il dans sa chambre pour faire son sac.

- Tu n'as pas peur des conséquences ? demanda Violette en entrant dans la pièce.

- C'est un évènement trop important pour que je le loupe ! Et je serai rentré bien avant le retour de Père, alors il n'y a aucun risque !

- Je m'inquiète pour toi.

- Tout va bien se passer, grande sœur !

Théo sourit pour rassurée la plus âgée, en vain. Comprenant ses inquiétudes, il la prit dans ses bras. Violette lui ressemblait, avec ses yeux de la même couleur noisette que les siens et leurs traits fins similaires. Mais l'aînée était châtaine et lui brun. Ce détail permettait de les distinguer, car il arrivait qu'ils prennent les mêmes expressions et que les différencier soit compliquer, à ceci près qu'ils s'habillaient différemment. Violette jouait toujours les grandes sœurs protectrices et s'occupait des plus jeunes avec douceur et patience. Elle venait d'avoir dix-huit ans et allait bientôt entamer ses études supérieures avant d'en ressortir diplômée pour épouser un homme choisi par son père pour fonder une famille. Et comme elle sera logée en internat et aura peu de contacts avec ses frère et sœurs, elle essayait de passer le plus de temps possible avec eux, quitte à les couver.

Théo était différent. De deux années plus jeune qu'elle, il fuyait le plus souvent de chez lui en cachette pour décompresser face aux attentes de son père, qui misait tous ses espoirs sur lui. Sa maison lui donnait constamment l'impression d'étouffer, aussi profitait-il de chaque occasion pour s'en aller – si son père n'était pas là, comme en ce moment-même.

Une fois son sac prêt, il sortit de sa chambre pour mettre ses chaussures et son manteau. Ses petites sœurs l'observaient, admiratives de sa témérité. Stéphanie, âgée de onze ans, avait de grands yeux gris argent, de belles boucles brunes qui lui arrivaient jusqu'à la taille et affichait généralement triste. D'un naturel timide, elle était généralement peu sûre d'elle et se réfugiait dans la musique, pratiquant différents instruments. Ariane, sept ans, était son exact opposé. Ressemblant beaucoup à son frère aussi bien physiquement et mentalement, elle bouillonnait d'énergie et d'imagination au quotidien. Elle adorait parler avec les autres et était très sociale, même avec les adultes. Et étant très douée à l'école – la meilleure des quatre en comparaison des âges et les notes – son père avait déclaré un jour qu'il était dommage qu'elle ne fût pas un garçon.

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