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Mon compagnon m'a quitté il y a deux semaines. Je suis venu acheter un pot de chocolat et assez de provisions pour tenir un mois de plus.

— Vous aviez un compagnon ?

Votre doute n'est pas flatteur du tout.

— Oh, non mais j... Ce que je voulais dire, c'est que, finalement, vous n'êtes pas si seul...

Je reste un homme, au regret de vous décevoir.

— Vous êtes très beau. Rassurez-vous.

Des sirènes se firent entendre. La lumière s'éteignit. Il passa sa main à plat sur le mur d'à côté et lui s'empressa de l'attraper, cette main libre, pour la serrer dans la sienne.

Calmez-vous.

Il respira très fort, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien. Puis des hommes crièrent au-dessus de leurs têtes.

N'y faites pas attention. Je ne vous intéresse plus ?

Il rit.

— Vous êtes génial. Je suis heureux de passer les derniers moments de ma vie à vos côtés.

Apprenez aussi que j'adore les compliments.

— Modeste, je prends note. Depuis quand êtes-vous aveugle ?

Ma cécité m'est tombée dessus quand j'avais treize ans. C'est depuis cette rude année que je prends la vie différemment : que je ne me cramponne pas aux murs comme vous le faites, que je ne pleure plus en écoutant les informations qui passent à la télé le soir. J'ai acquis une maturité mystérieuse. Depuis, je vis. En n'écoutant que d'une oreille l'actualité, sans m'attarder, très brièvement, je pense au soleil, à la lumière que je reverrai peut-être un jour. C'est simple, finalement.

— C'est vous qui le dites.

C'est vous qui voyez.

— Très joli jeu de mots.

Merci.

— J'aimerais remonter, maintenant. J'ai honte de me ridiculiser face à votre passivité, hélas j'ai toujours été de nature anxieuse. Personne ne me changera.

Moi aussi, je vous aime bien. Mais si vous pouviez être un peu moins défaitiste, ce serait vraiment bien.

— Rien ni personne ne me changera, rumina-t-il en fermant les yeux, réalisant que cette remarque sur son pessimisme, il l'avait déjà entendue dans son entourage — avant de le quitter définitivement, son entourage.

J'en conclus qu'il me faudra bien plus qu'une cave en dessous d'un supermarché et d'un discours prononcé dans le noir pour vous convaincre. Mais j'ai espoir.

— C'est bon à savoir. Vous savez, j'ai l'impression que c'est vous qui allez nous sauver. Vous semblez si sûr de vous, si confiant.

Depuis que nous parlons, vous n'avez rien remarqué ?

— Non.

Ils évacuent. Nous allons bientôt pouvoir sortir.

L'homme invisibleDonde viven las historias. Descúbrelo ahora