Le moraliste et l'Amour

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Lorsqu'un moraliste avisé rencontra le dieu Amour,

Le plus grand des débats éclata en plein jour,

Donnant au ciel une teinte ténébreuse

Car chaque âme de la solution était peureuse.

Chaque sentiment alla se ranger dans son camp,

Et l'Attirance s'attisa, à la même cadence

Que la Passion, à l'Amour.

Ils le trouvaient tous deux si intense

Que leur cœur s'éprenait d'Amour.

La Douleur, elle, était si fataliste

Qu'avec la Raison pour compagne

Elle se dévoua au moraliste

Car l'Amour était trop haute montagne.

Et puis le débat éclata

Car le dieu d'un coup s'enflamma :

« Je suis le puissant, l'essentiel,

Je souffle la joie, je donne des ailes,

Je brûle, je ravive les cœurs,

Mon nom est synonyme de Bonheur. »

Alors le moraliste s'écœura

Et la Douleur le transporta:

« Tu brûles tellement que tu consumes

De ces anges chacune de leurs plumes

Et dans ta défaite si belle

Tu leur donnes regrets éternels.

Tu t'envoles seul vers le ciel

Et eux, restés au sol, chancellent. »

Mais le dieu avait du répondant,

Il avança cet argument:

« Je mérite bien d'être si grand !

J'attise de si grands sentiments...

Et peu importe le temps, l'espace,

J'ouvre la porte des merveilles

Et même pour un instant fugace

Les yeux et l'âme s'émerveillent. »

Le moraliste n'approuvait pas,

C'est pour cela qu'il rétorqua:

« Tu ouvres le cœur, tu fermes les yeux.

Tes merveilles ne sont qu'illusoires

Et tu laisses croire à des espoirs

Qui seront brûlés par le feu. 

L'Amour est un jeu dangereux... »

Le dieu lui répondit

Dans un cri:

« Homme, as-tu déjà connu l'Amour ?

Tu es si sourd à mon discours ! »

Le moraliste d'un coup s'affaissa

Et dans un souffle il déclara:

« J'ai vu l'Amour au fond de ma cour

Et comment croyais-tu qu'était l'Amour ?

Si fort, si puissant, que métaphoriquement

Il m'a donné tant de tourments

Que j'étais comme un chien au fond de son chenil

L'échine courbée par sa souffrance malhabile. »

Le dieu reprit du courage

Et puis il expliqua au sage:

« Le risque, la peur et le danger

Valent mieux qu'une vie à s'ennuyer !

Et l'Amour est comme la Vie,

Des hauts, mais les bas sont le prix.

La peur empêche ton cœur de battre,

Et puisque j'en ai à débattre,

Il vaut mieux souffrir de l'Amour

Que regretter d'y être sourd... »

Alors le moraliste se tut

Car sa morale était perdue.

Il regrettait l'impulsion

Qui le poussait aux bonnes leçons.

Ce qu'il avait perdu sur son chemin,

C'était de croire au lendemain.

Et puis le dieu avait raison,

Même si le cœur n'avait pas de raison,

Même la raison avait du cœur...

L'écrit du coeurWhere stories live. Discover now