Chapitre 1

504 66 34
                                    

Minuit passé et me voilà totalement perdue dans les rues de Rabat. Décidément, je veillerais à apprendre le chemin la prochaine fois. J'errais dans les rues de Rabat tout en appréciant ce doux vent qu'offrait cette magnifique nuit étoilée caresser mon visage. C'était tout nouveau et la nouveauté me laisse rarement indifférente. Je me promenais là où on m'a toujours interdit de respirer ne serait-ce qu'une légère bouffée d'air. Ne pas suivre à la lettre le protocole royal, ce soir, me rendait folle de joie. J'étais toute excitée à l'idée de savoir que je passais inaperçue vêtue de la abbaya noire appartenant à Dalila que j'avais d'ailleurs secrètement empruntée. Rebelle ? On me l'a souvent reproché, mais je m'en fou. C'est ma plus belle qualité et j'en suis fière. Ah ! Et ça aussi on me l'a souvent reproché. Je suis beaucoup trop fière, mais jamais assez à mon goût.

Tant d'années, ou plus précisément 18 ans, qu'on me cache cet univers et le voici face à moi. Je découvrais mon pays sous une autre facette. Disons qu'un samedi soir, seule à Rabat, était loin de ressembler à ce dont j'avais l'habitude accompagnée de mes gardes et servantes. Je sortais rarement. À vrai dire, je ne sortais jamais dans de telles circonstances et c'est ce qui me plaisait grandement.

Je savourai chaque sensation que les murs que je frôlais me procuraient. Je pense bien ne pas retourner roder dans ces ruelles avant un bon bout de temps. Si je me faisais prendre à mon retour au palais, je risquerais de ne plus profiter d'une aussi belle nuit étoilée jusqu'à nouvel ordre ...

Quelques marches loupées, des poubelles délaissées, mais rien de tout ça ne me repoussait de Rabat. J'aime Rabat, j'aime le Maroc. Et quand j'aime, j'aime jusqu'à la fin.

— Eh !

Difficile de ne pas deviner qui est-ce. Sans tarder, j'ai avancé d'un pas plus rapide. J'ai manqué de peu de m'écrouler face à cet homme qui m'a dévoré du regard peu avant son interpellation. Une main imposante sur ma bouche et mon cou dans un coude, la peur m'envahit rapidement. Peur ? Franchement Romaïssa, tu ...

— OH ! TU FAIS QUOI LÀ ? se fit entendre une forte voix.
— C'est ma femme, elle s'est enfuit. Je la cherchais, mais-
— Kedeb (menteur), j'ai tout vu. Allez casse-toi.

D'un coup, la pression relâcha et je tentai de reprendre ma respiration. Délicatement, il me tendit sa main imposante et tremblotante que j'étais j'ai accepté son aide. Je suis peut-être dure, cependant la reconnaissance est bel et bien une valeur me tenant beaucoup à coeur.

— Merci, chuchotai-je.

Il hocha la tête et son calme m'a laissé sans voix.

— Combien je vous dois? demandai-je

Un léger sourire s'afficha sur son visage. Ce n'était pas un sourire forcé. Je m'y connais assez pour pouvoir en repérer un.

— Tu me dois de me laisser te raccompagner chez toi. À moins que ...

Il jeta un coup d'oeil vers le chemin qu'avait emprunté pour fuir le clochard m'ayant agressé. L'idée ne me déplaisait pas, mais ... Chez moi ?

— Tu en es sur ? J'habite euh ... très loin, tu sais.
— Si t'as été capable de te rendre jusqu'ici, je serais capable de me rendre jusqu'à la-bas, tu penses pas ?

Je souris timidement. Pourquoi fallait-il qu'il me regarde tout droit dans les yeux ? J'ai baissé les yeux et il ajouta ;

 « Étouffée, il la fit respirer »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant