Chapitre douze

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Il était là, devant moi, à quelques mètres, une coupe de champagne à la main. Quand nous regards s'étaient croisés, il avait suspendu son geste, laissant sa coupe frustrée de ne pas être bue. C'était moi qu'il buvait goulument du regard, les yeux pétillants comme son alcool de bourgeois. Je détournai la tête, sentant mes joues prendre une teinte rosée. Je n'avais pas envie de le voir, bon sang, et il fallait qu'il y soit à cette foutue soirée !

-Bonsoir, mademoiselle. Emy, je me trompe ?

Je me retournai et fis face à un styliste que je ne connaissais que trop bien.

-JinHwan, arrête de jouer. T'es jamais sérieux.

-Il faut que tu t'entraînes, on va rencontrer du monde ce soir. Viens, je vais te présenter quelqu'un avec qui j'ai fait mes années lycée en Corée.

Je tournai la tête vers MinSeok mais il n'était plus là. Je me surpris à ressentir une once de tristesse, mon cœur se resserrant douloureusement dans ma poitrine. Je baissai la tête avant d'entendre JinHwan m'appeler de l'autre bout de la salle. Super, j'allais me faire remarquer à cause de lui.

-Je vous présente ma collègue Emy.

-Enchantée de vous connaître, messieurs.

Je m'inclinai tandis qu'ils firent de même. Ils discutaient entre eux, me laissant un peu de côté. J'étais concernée par la discussion, mais mon esprit était ailleurs. J'étais constamment entrain de chercher après MinSeok. Dans mon cœur, j'étais partagée entre vouloir le revoir et surveiller qu'il ne m'approche pas. J'étais comme un funambule suspendue au-dessus du vide puisque l'une ou l'autre solution me mènerait à un cul de sac sentimental. Je soupirai, attirant l'attention des hommes.

-Excusez-moi, je vais sortir un instant.

JinHwan afficha une mine inquiète avant d'expliquer que j'avais le mal du pays. Excuse bidon mais apparemment ça marchait bien. J'attrapai un verre de jus d'orange et sortis sur la terrasse que j'avais aperçu derrière d'autres invités alors que je balayais la salle du regard il y a quelques minutes. Je poussai la porte et respirai l'air frais une fois dehors. Je bus une gorgée de mon verre et admirai les étoiles dans le ciel. C'est amusant comme quelque chose qui est mort brille autant dans le ciel. Comme s'il n'y avait pas de fin. Comme si quelque chose qui avait vécu perdurait quand même dans le temps.

-Emy...

-Mademoiselle, on dit.

Je l'entendis soupirer tristement avant de venir à mes côtés, respectant une distance d'un mètre. Il jouait avec son verre, faisant tourner le liquide en rond dedans. Quant à moi, je fixai l'étendue verte qui se trouvait au bas du balcon. Je respirai difficilement, ne voulant pas laisser couler mes larmes sur mes joues.

-Est-ce que je peux t'expliquer au m...

-Y'a rien à expliquer ! Tu t'es barré et puis c'est tout.

-Je t'aime, Emy !

-Arrête avec tes mensonges ! Tu mens comme tu respires ! Pourquoi t'as choisi moi et pas une autre, hein ? Dans cette salle remplie de gens de la haute, t'as des pimbêches qui n'attendent qu'une chose c'est que tu ailles les b...

Une claque retentit dans les airs, ainsi que le bruit d'un verre cassé sur le sol de la terrasse. Le temps s'arrêta autour de nous, alors que la soirée battait toujours son plein à l'intérieur.

-Tu n'es qu'une idiote.

-Parce que je t'ai aimé ?! criai-je en me tenant la joue.

-PARCE QUE TU NE SAIS PAS CE QUE TU VAUX !

J'écarquillai les yeux. Il pleurait ?

-Mon départ a été brusque, je le reconnais, dit-il la voix cassée. Il fallait que tu m'oublies... parce que la distance aurait été trop difficile pour toi autant que pour moi. Mais voilà... il a suffit que je sois dingue de toi et que je n'arrive pas à te sortir de ma tête ! Ca m'étonne que je pleure encore alors que je n'ai fait que ça jusqu'à présent...

Il se retint à la balustrade avant de s'accroupir, tenant fermement les barreaux entre ses mains.

-Ce que tu ne sais pas, Emy... c'est que tu es bien plus que tu ne le crois. Depuis le début qu'on se connaît, j'ai reconnu en toi une femme douée et débordante de qualités. Mais tu ne les vois pas, c'est ça le problème. J'ai voulu te les montrer, parce que les mots ne valent rien. Mais si je devais mourir un jour...

Il releva son visage vers moi, baigné par les larmes.

-Ce serait dans tes bras.

Je portai une main tremblotante à ma bouche, ne sachant quoi dire. MinSeok remit sa tête dans ses bras, à présent assis sur le sol, les jambes repliés contre son torse. Je me précipitai sur lui et dégageai ses bras pour le prendre tout contre moi. Je pleurais aussi, mais de joie. Il était sincère, il était honnête. Et c'est un des aspects qui me plaisait chez lui.

-Pardon de t'avoir fait souffrir, Emy. Et pour la claque aussi, j'aurais pas dû.

-Au moins ça m'a cloué le bec pour t'écouter.

On se mit à rire, notre bonheur entrecoupé par quelques derniers sanglots. Il releva la tête vers moi et caressa doucement la joue qu'il avait meurtri. Mais la douleur n'était rien comparé à celle que nous avions connu tous les deux avant ce moment présent. Il sourit, les lèvres encore tremblantes de tristesse, avant de glisser sa main dans ma nuque et approcher mon visage du sien. Un baiser chaste et doux fut accompli alors que derrière nous, une musique de jazz commençait à se faire entendre.

Quelques minutes plus tard, une fois que nous fûmes remis de nos émotions, nous rejoignîmes les autres invités. JinHwan me fit signe avec un grand sourire, heureux pour moi d'avoir retrouvé MinSeok. Quant à lui, il ne lâchait plus ma main et comptait bien m'inviter à danser. C'est alors que nous entrâmes sur la piste de danse au milieu de la salle, commençant à danser au rythme de la musique. Puis ce fut une musique douce et calme qui retentit, au même rythme que les lumières qui s'amenuisèrent petit à petit. MinSeok m'offrit un sourire qui remplaça toutes les lumières qui avaient diminué de leur intensité.

Ses mains glissèrent sur mes hanches, tandis que les miennes vinrent se poser sur ses épaules. Il me berçait doucement au son des violons. Je posai alors ma tête sur son torse, écoutant son cœur battre dans sa poitrine. Sa tête vint tendrement se poser sur la mienne, finissant de lier nos corps ensembles. Nous étions béats dans ce chaleureux moment de retrouvailles, finissant d'accomplir le mythe d'Aristophane.

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