Chapitre 4 : Florentine

60 2 0
                                    


Florentine se réveilla brusquement et fut immédiatement assaillie par l'odeur nauséabonde, mélange d'ammoniaque et de transpiration qui remontait du rez de chaussée malgré la fermeture des grandes fenêtres qui donnaient sur le jardin et de sa lourde porte en chêne.

Elle s'étira longuement, et jeta un coup d'œil circulaire dans la pièce qui lui servait de chambre. C'était pour le moins austère mais aussi propre que possible.

Il y avait son lit. C'était un lit clos, chaque chambre en était dotée. Sa literie se composait de draps de flanelle offerts par sa mère et d'une grosse couverture en laine. Le sol était  recouvert de tomettes d'un rouge sombre, une chaise en bois  lui servait de table de chevet, et  une lampe à pétrole y était disposée. A côté se trouvait un petit bureau qui lui  servait de cabinet de toilette, elle y avait installé une  bassine et un pichet,  un miroir et une  brosse pour s'apprêter ainsi qu' une bible et un missel qu'elle tenait de sa mère. Les sanitaires étaient dans le couloir, ils étaient communs à tout le personnel.

Dans un coin étaient regroupés tous ses effets personnels, trois jupons qu'elle portait désormais sans crinoline, cinq blouses à manches longues qu'elle retroussait en été, trois tabliers dont elle prenait le plus grand soin, quatre paires de bas noirs qui lui tenaient bien chaud l'hiver, deux paires de sabots, dont une qu'elle réservait à ses rares sorties, une cape noire en feutrine doublée, qu'elle avait achetée en ville et qui était son plus bel habit. Elle portait aussi des fichus qui avaient l'avantage de recouvrir sa lourde chevelure brune invariablement coiffée en chignon bas, et ses seuls bijoux était une chaine en argent au bout de laquelle pendait une toute petite croix et une montre à gousset qui avait appartenu à son père disparu beaucoup trop tôt.

Pour apporter un peu de chaleur à sa chambre, elle changeait régulièrement les fleurs qu'elle cueillait dans le domaine au gré des saisons. Ce jour là il y avait des hellébores aux tons subtils mêlant le blanc et le rose, ainsi que de la bruyère hivernale couleur lilas qu'elle avait ramassé le soir avant de monter se coucher. Elle n'avait pas le droit de prélever ainsi la flore de l'asile, mais c'était le seul moyen pour elle d'apporter un peu de gaité et de douceur dans cet univers particulièrement dur et pesant.

Sa vie n'était pas triste, mais elle était assez rude et laborieuse. Elle travaillait ici depuis deux ans et s'était habituée à ce nouvel environnement et à ce nouveau travail.

Auparavant, elle avait travaillé dans une famille de la petite bourgeoisie installée à Aix en Provence, elle y avait été placée par sa mère au moment du décès du père de famille qui avait succombé à la tuberculose quelques années avant.

Elle y avait servit pendant quatre ans, et avait du quitter son poste car Monsieur LEBRUN avait subi un revers de fortune et avait du revoir son niveau de vie à la baisse, et se séparer de certains membres du personnel.

Sa mère, une femme d'une grande douceur avait du elle même s'éloigner de la ville et accepter un poste permanent d'ouvrière agricole dans une grande propriété située sur les contreforts de la Sainte Victoire. Elle avait des journées très longues et alternait les travaux des champs au fil des saisons, vendange, récolte, soins aux animaux.

C'était une quinquagénaire solide qui avait essayé de donner à sa fille le sens des valeurs et la meilleure éducation morale et religieuse.

Chaque journée se terminait toujours de la même façon, elle rédigeait un billet à sa Florentine et une fois par semaine, regroupait les missives et  demandait au garçon de ferme qui allait régulièrement en ville de les déposer dans la boite aux lettres de l'asile. Ainsi Florentine et sa mère entretenait une relation épistolaire qui leur permettait à toutes deux de ne jamais  se sentir seules.

Rencontre Au Cœur De La NuitWhere stories live. Discover now