Partie 2 : le rêve

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La créature se retourna vers celui qui l'avait arraché aux Abysses. Une fureur immense semblait émaner de ses 4 yeux. Le jeune elfe sombre agita les bras, criant un mot de pouvoir pour lancer un sortilège rapide. Sans effet.
La créature commença à s'approcher de lui, et brandit ses mains griffues vers le magicien. Celui-ci ne comprenait pas pourquoi le démon refusait d'obéir. Hésitant entre lancer un sortilège pour tenter de contrôler le monstre ou un autre pour se protéger, il mélangea les paroles de ses incantations. La panique le saisit tandis que la créature s'approchait de lui et commençait à l'attaquer.
Il sentit un liquide chaud sur son torse. Baissant la tête, il se rendit compte que c'était du sang. Son propre sang, qui coulait d'une large blessure infligée par le monstre. L'elfe se mit à crier...


Il était assis dans son lit, trempé de sueur. Sa chemise de nuit collait à sa poitrine. Son cœur battait à tout rompre. Ce rêve semblait si réel qu'il lui fallut plusieurs secondes pour accepter le fait qu'il était réellement dans sa chambre.

Il n'eut pas le temps de s'interroger sur le sens de ce cauchemar. Des cris montaient du rez-de-chaussée. Il enfila rapidement des pantoufles et se précipita hors de sa chambre, dévalant l'escalier.
Il traversa le salon, grande salle richement décorée d'armes et de trophées de chasse. Les bruits venaient de la petite pièce attenante, la chapelle de Phyreni, où la famille se réunissait pour les cérémonies et les sacrifices en l'honneur de la déesse des elfes noirs. En passant le seuil, une vision d'horreur le saisit : son père gisait au sol, son poignet droit enroulé dans sa robe ensanglantée. Sa sœur, debout, avec son épée dégoulinante, intimait à une jeune elfe claire de cacher sa nudité.
Son père se tourna vers lui et cria :
— Deltharr ! Tue ta sœur! Tue cette traîtresse à notre race !
Le jeune sombre, prit au dépourvu, bafouilla.
— Mais, père... que dis-tu ? Que se passe-t-il ici ?
— Tue-la, te dis-je ! Ne discute pas ! Obéis !
Mécaniquement, Deltharr commença à lancer un sort. Mais ses mots furent interrompus par sa sœur qui le repoussa sans ménagement vers un mur. Il en eut le souffle coupé et perdit sa concentration.
— J'ai assez versé de sang familial pour aujourd'hui. Ne me force pas à te faire du mal, petit frère.
— Mais qu'as-tu fait ? Pourquoi cette folie ?
— Je ne supporte plus de servir à cette chose abjecte, dit-elle d'une voix ferme en montrant du regard la statue qui trônait à l'autre bout de la pièce. Combien de vies innocentes cette monstruosité a-t-elle prises ? Quand s'arrêteront ces sacrifices sanglants ?
— Tu blasphèmes, Dheely ! dit son père. Tu dois adorer notre déesse et m'obéir. Quelles sont ces idées idiotes ? Je parie que c'est cette peau blanche ou un de ses congénères qui te les a mises en tête.

— Non, père, c'est l'écœurement de voir notre race se fourvoyer sur les chemins du mal. Mon frère invoque des démons, toi-même, tu as tué des centaines d'êtres vivants pour t'attirer les bonnes grâces de nos dieux. Et tu voudrais que je devienne comme toi ? Un être froid et dur, comme cette lame ?
Elle brandit son épée, sur laquelle le sang paternel gouttait encore.
— Vois ce sang. Il symbolise mon refus de continuer à vivre dans cette civilisation décadente. Je ne peux en supporter plus.
— Dheely... commença son père.
— Non, ne tente pas de me raisonner. Je ne veux plus demeurer ici. Je pars ce soir, et dans votre intérêt, ne cherchez pas à me retrouver.
Sur ces mots, elle fit un signe de tête à la jeune elfe blonde, et les deux femmes se dirigèrent vers la sortie de la chapelle.
— Deltharr ! À toi !
Luttant contre la nausée, éprouvé par son cauchemar, Deltharr réagit instinctivement à l'injonction de son père et lança un sort de feu en direction de sa sœur. Une explosion secoua la pièce et la baigna de flammes. Deltharr et son père avaient échappé à la puissance du sortilège, mais la fumée les fit tousser. Ils tentèrent de sortir à quatre pattes. Un mouvement brusque balaya le rideau de fumée. Au milieu des flammèches qui avaient commencé à enflammer le mobilier, surgit la jeune elfe sombre. Avant que les deux mâles ne puissent réagir, elle les avait repoussés aux pieds de la statue de Phyreni. Le père heurta le socle et perdit connaissance, desserrant sa prise sur son moignon, qui se remit à saigner de plus belle. Deltharr leva la tête vers sa sœur. Celle-ci pointa sa lame vers lui.
- C'était très stupide, petit frère. Je pourrais te crever les yeux, et peut-être aussi te couper la langue, pour la peine. Attaquer de dos une guerrière expérimentée ne l'incite guère à la clémence. Mes réflexes m'ont sauvé, ainsi que la relative faiblesse de ton sort de débutant.
- Mais tu as blessé père, et craché sur l'honneur de notre race et de notre déesse !
- Je ne reconnais pas cette...créature, dit-elle en désignant l'idole. Représente-t-elle vraiment tes idéaux ? Veux-tu vraiment devenir comme notre père ? Un être mauvais !

- Je... je n'ai jamais vraiment réfléchi à ça.
- Tu devrais, petit frère. Car il existe une autre façon de voir les choses. Je te laisse la vie sauve... cette fois. Mais je n'aurais pas de pitié si tu retentes de me faire du mal. Après tout, les sombres sont-ils censés être miséricordieux ? ricana-t-elle.
Elle fit demi-tour, et rejoignit l'elfe blonde qui l'attendait dans le salon. Elles raflèrent armes et victuailles avant de quitter rapidement la maison.
Deltharr se traîna vers son père pour lui porter secours. Arrachant ses vêtements, il en fit un garrot, avec lequel il stoppa l'hémorragie. Puis il entreprit de le sortir de la pièce enfumée, afin de l'emmener chez un guérisseur.

La fuite de l'elfe sombreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant