Ava

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On ne lui avait même pas laissé le droit de faire un commentaire quand Cléo avait pris la place d'Erza. Certes Jack et elle n'auraient pas réellement d'accident mais Ava trouvait ça risqué pour sa petite sœur. De toute façon, Cléo ne l'aurait pas écouté, pas après la révélation sur son père. La blonde avait l'impression d'être devenue invisible pour sa cadette, simple décoration dans une pièce et malgré son air renfrogné, elle le vivait mal. 

Elle devait être la seule à tirer une tronche jusque par terre, si on mettait à part la pauvre Erza largué comme un vulgaire sac de patate. Pourtant elle aurait dû être aux anges, comme les autres. Le soir même ils rencontreraient enfin l'Oeil, ce pour quoi ils avaient œuvré pendant un an. Mais avec tout ces événements négatifs, pas l'ombre d'un sourire ne planait sur son visage. 

Comme prévu quand ils entrèrent dans l'entrepôt il n'y avait personne. Il leur restait une bonne heure avant que le FBI comprennent qu'ils cherchaient le coffre et qu'il n'arrive jusqu'au bon endroit. D'ici là tout serait en place et eux déjà sur le lieux de leur spectacle.  

Il y a quelques jours ils avaient contacté une société pour poser le miroir et l'automatiser dans la petite pièce. Ils avaient ensuite demandé à faire construire une réplique exacte dans les moindres détails de l'énorme coffre gris. A croire que détourner des fonds pendant cinq ans était une activité vraiment rentable, vu la taille de l'engin. Ava se demanda pour combien il y en avait exactement à l'intérieur, Daniel avait dit cinq cent millions de dollars, mais qui disait que la société Helcorn n'en avait pas pris encore plus ? 

Le truc le plus amusant fut sans doute de remplir la réplique de ballons. Après trois heures de pliage ils avaient enfin réussi et en étaient arrivé à un total d'environ huit cent ballons de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel. Aucun doute que l'agent Rhodes apprécierait. 

Daniel, Alycia, Erza et Henley quittèrent ensemble l'entrepôt pour aller préparer les lieux du prochains spectacles. Merritt et Ava avaient pour rôle d'attendre la venue du FBI, d'hypnotiser le commandant puis de fuir rejoindre les autres. La blonde appréhendait un peu de rester seule avec lui, alors que ça n'était pas du tout son genre. Stresser juste parce qu'elle se retrouvait avec Merritt n'était pas du tout dans son caractère, et pourtant elle le faisait. A croire que la culpabilité change les gens comme une fille change de culotte. 

Elle s'adossa au mur blanc et tritura un bout de papier trouvé dans les poches de sa combinaison. Une suite de chiffre était marquée dessus, sans queue ni tête. Ava aimait bien écrire des nombres les uns après les autres, c'était sa méthode pour ne pas angoisser. Mais faute de stylo, elle ne pouvait écrire, à la place elle émiettait lentement la petite feuille. 

- Je me demande qui tu imagines dans ton esprit pour déchiqueter ce pauvre papier, lança Merritt, installé en face d'elle. 

Elle leva la tête et le regarda puis regarda à nouveau ses mains. Elle laissa tomber les morceaux de feuilles au sol et se décolla du mur. C'était apparemment le moment de parler, pour elle en tout cas. 

- Tu serais surpris de la réponse, répondit-elle en parcourant la pièce d'un pas lent. 

- Hum laisse-moi deviner... Toi ? 

Ava émit un rire ironique sans joie et observa la grille. Pourquoi avaient-ils mis une grille ? Les huit cavaliers l'avaient aisément passé sans même avoir à la casser. Totalement inutile comme mesure de sécurité. 

- Tes dons de médium m'impressionnent, répliqua-t-elle avec une voix lourde de sarcasme. 

- Ils sont extraordinaire, n'est-ce pas ? Dommage qu'ils ne m'aient pas prédit que je tomberai sur une...je ne veux pas être vulgaire, tu as compris je pense. 

Elle encaissa le coup en silence. Qu'y avait-il à répondre de toute manière, il avait complètement raison. Elle lui devait des excuses, des vraies, des sincères. Le problème, c'est qu'elle en était complètement incapable. De toute sa vie la seule personne qui avait mérité un réel "Désolé" de sa part était Cléo. Personne d'autre. 

Elle fit un pas vers son coéquipier, puis un autre jusqu'à être juste en face de lui. Approximativement il ne devait pas y avoir plus de cinq centimètres qui séparait leur nez. Grâce à ses talons elle faisait exactement la même taille que lui, pas d'infériorité, pas de supériorité.

- Merritt...Je suis...

Elle se mordit la lèvre, comment trois petits mots pouvaient-ils être aussi difficile à dire ? C'est comme s'ils lui brûlaient la bouche toute entière. Merritt, face à elle, ne bougeait pas d'un centimètre et attendait la suite, patiemment. Depuis un an il connaissait le caractère fier et chieur d'Ava, il devait se douter que c'était dur pour elle de s'excuser. 

- Je suis désolée...murmura-t-elle en baissant les yeux. 

Enfin ! Elle avait réussi ! 

Des pas se firent entendre derrière eux et elle s'écarta brusquement de son partenaire. Elle était la première à agir, la seule en vérité. Merritt n'était là que pour assurer son rôle en cas d'urgence. 

Un agent noir de peau entra dans le hangar et s'avança rapidement. Son équipe n'était pas là, tant mieux. Ava s'avança d'un pas décidé vers lui. Une fois qu'elle fut assez proche, elle fixa son regard dans le sien et claqua des doigts. 

- Le coffre qui se trouve derrière moi est celui d'Helcorn. Vous ordonnerez à votre équipe de le charger dans un camion et de le transférer au Five Points, au bout de cette rue. Et dès que vous entendrez le mot foutaise, vous deviendrez un violoniste de génie interprétant le concerto en Ré majeur de Beethoven. 

Ava claqua de nouveau des doigts et s'éloigna aussi vite qu'une ombre. Merritt et elle sortirent de l'entrepôt et se placèrent un peu en retrait pour observer la scène. Tout se déroula exactement comme prévu, l'équipe chargea le coffre dans un énorme camion, Rhodes et l'autre agent à moitié chauve lui coururent après puis au final ordonnèrent la suite du transport. 

C'est en ricanant que les deux hypnotiseurs s'enfuirent au bout de la rue pour rejoindre leur amis et s'habiller. Dans une demi-heure, la fin de leur aventure jouerait son acte. 


The Dream Sellers » InsaisissablesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant