Chapitre 11

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                              Thana

Un loup-garou. J'ai rencontré un loup-garou. Comme moi. Pour la première fois de ma vie, j'ai rencontré quelqu'un comme moi. Et ça me fout une de ces claques... Je me lève du canapé sur lequel je me remue les méninges depuis le déjeuner, décidant de me bouger. Il faut que je retourne le voir. Même si ça ne s'est pas particulièrement bien passé hier, ce serait une bonne chose. J'en ai même envie !

- Je sors, Lach, dis-je depuis le salon.

Elle hoche la tête, son visage tout enfumé par la chaleur qui se dégage du four.

- Tu penses revenir quand ? Et tu aimes les carottes ?

- Je sais pas du tout, je serai là pour le dîner, je te le promets. Et oui, surtout dans les gâteaux, dis-je avec un clin d'œil.

En trois grandes enjambées, je traverse la cuisine, plaque un furtif baiser sur ses lèvres, et quitte la maison en trottinant. Mélio est de nouveau parti. Je crois que, depuis mon séjour en prison, il s'est mis en tête qu'il fallait qu'il s'améliore en vitesse et en endurance et qu'il se muscle pour me protéger. Stupide idée. Je quitte rapidement les trottoirs en bitume pour les chemins de terre, étrangement excitée. L'adrénaline propulse mon sang dans mes veines comme si je me préparais pour un effort intense, et peut-être que le voir en est un. Mes vêtements retirés et cachés dans un coin, je me transforme, le frisson glacé faisant trembler mes mains, la douce fourrure brune recouvrant mon corps marqué. À part Lachlyn, personne encore ne l'a vu, ce corps balafré que je traîne, et c'est loin de me déplaire. Je bloque à Mélio et Rego cette partie de mon esprit qui contient tout ce qu'il s'est passé et les conséquences néfastes engrangées. Lorsque mes pattes retrouvent la terre durcie par l'hiver, je pousse un soupir de bien-être. Me voilà à ma place. Il faut encore que j'apprenne mes limites, mais j'aurai le temps pour ça plus tard.

"Mélio... Est-ce que ce sera jamais pareil ?"

"Non, Thana, ça ne le sera pas. Et tu sais pourquoi ? Parce que je suis tellement rongé par le remords que, si tu n'avais pas déjà vécu l'Enfer et si nous n'étions pas liés, je partirais très loin pour ne plus jamais te faire de mal. Rien ne pourra me persuader que j'ai bien fait, ou que je mérite ton pardon. Je te fais la promesse que je serai toujours là, que je te sauverai désormais."

Sa voix inhabituelle ment grave laisse voir toute l'amertume et la tristesse qui a remplacé le bonheur et la bonne humeur naturelle de mon compagnon.

"Mélio, ne dis pas ça. Tu sais très bien qu'il n'y a rien à pardonner, je suis celle qui t'a littéralement jeté dehors, et rien ne me fera penser que c'était une mauvaise chose. Si c'était à refaire, je n'hésiterais pas une seule seconde, sache-le."

"Je sais bien, sauf que je t'ai laissé faire ! Pourquoi crois-tu que ça a été si facile ?! Je suis lâche et indigne d'être ton lié !" crache-t-il.

Mes griffes se plantent inconsciemment dans la terre.

"J'espère qu'un jour tu comprendras que c'était nécessaire. C'est parce que tu n'étais pas avec moi que j'ai pu tenir. Parce que je voulais te voir une dernière fois, entendre ta voix une dernière fois, et la solitude m'enlevait au moins la culpabilité. Je savais que tu nana vais pas mal, que j'endurais également pour toi."

"Et tu n'aurais pas dû, ce n'était pas normal !"

Je pousse un soupir. J'aimerais vraiment que ce genre de situation n'existe pas : cette situation où la discussion ne mène à rien, où les deux sont convaincus d'avoir raison et où aucun ne lâchera le morceau, et où l'oubli pur et simple de cette confrontation n'est pas possible. Parce qu'elle fait partie de notre quotidien, pas par fierté. Ici, je ne vois aucune solution. Si j'étais morte, il n'aurait pas vu ma peine, n'aurait pas vécu avec ma douleur, serait heureux. Et si je mourais maintenant, peut-être bien qu'il arriverait à oublier... Mais l'arrivée chez Axel me coupe dans mes pensées.

Des ailes dans le dos 2 - ReconstructionTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon