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C'est dans une ville du bout du monde.

Quelques maisons, une route bordée de grands arbres sombres.

Et une gare, tout au bout.

Une petite gare, un seul bâtiment avec un hall donnant sur les rails, de l'autre côté. 

Dans ce hall là, âbimé par les années, il n'y a qu'un chef de gare qui s'occupe aussi des billets. Bien à l'abri dans sa petite loge, séparé du reste par une vitre épaisse, il passe ses journées et ses nuits à surveiller le hall vide, attendant des passagers. On ne lui donne aucun âge.

Face à lui, un banc en bois. La porte des toilettes. Et un distributeur de Coca-Cola. Installé il y a dix ans par le maire, qui était même venu l'inaugurer. C'était un grand jour pour la gare. Depuis, le distributeur n'a pas beaucoup servi.

Parfois le chef de gare sort de sa loge et va en chercher un, de Coca. Mais il ne paye pas.

Le chef de gare s'occupe aussi des toilettes. C'est lui qui nettoie, tous les matins. Le seul moment où il ne surveille pas le reste du hall. 

Il a son appartement au dessus de la gare. Il va s'y reposer quelques fois. Mais pas souvent.

L'endroit qu'il aime le plus, c'est la loge.

De là, il surveille tout.

Le hall. Le tout petit quai. Les toilettes. Le distributeur de Coca-Cola. 

Tout.

&

La voiture s'arrête juste devant la gare. 

Louis remercie la jeune femme qui l'a conduit jusque ici et descend de la voiture. Dehors il s'est mis à pleuvoir depuis quelques minutes, une pluie fine et froide qui glisse immédiatement entre ses cheveux.

Il referme la portière après avoir resseré les bretelles de son sac à dos. Il y a toute sa vie là dedans. Un sac de couchage sur le dessus, une gamelle qui pend à droite, et dans le sac des tas de trucs, comme des bouquins, des cartes du pays, un appareil photo, un peu de nourriture. 

Louis ne jette pas un regard en arrière lorsque la voiture s'en va. 

Il avance vers la gare avec une détermination qui lui est familière. Il a appris ça, à force de voyager. Ne jamais se retourner ou tes pas retourneront d'eux mêmes en arrière. Ce qu'il ne faut pas. Jamais.

Il entre dans la gare.

Elle est tout petite. 

Face à lui, il y a le quai, sombre. A gauche, la loge du chef de gare, qui le fixe par dessus son journal. La vitre qui le protège est tellement sale que Louis se demande si il y voit réellement quelque chose. A droite, il y a un imposant distributeur de Coca-Cola, on ne peut pas rater la marque étalée en grosses lettres sur tout le contour de la machine. Il y a aussi des toilettes, une petite porte blanche dont la peinture s'écaille. Et puis un banc.

Et sur le banc, un voyageur. 

Un garçon de son âge, peut-être un peu plus jeune, qui lit un livre. Pas d'autres bagages.

Louis rentre totalement dans le hall et va s'appuyer contre la machine à Coca-Cola. Il pose son sac qui lui fait mal au dos et sort de sa poche une cigarette qu'il allume.

Tout est très calme.

Il s'autorise à fermer un instant les yeux.

La tension dans ses veines retombe lentement.

5h19 - Larry Stylinson Donde viven las historias. Descúbrelo ahora