11 - Bats-toi

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A peine Pauline a-t-elle posé le pied sur le sol français qu'une petite boule d'énergie lui saute dans les bras. Sa valise tombe lourdement sur le sol carrelé de l'aéroport tandis qu'elle soulève son neveu pour l'amener au creux de ses bras. Son rire d'enfant vole à travers la salle bondée par les voyageurs. Hugo attrape la valise de Pauline, l'embrasse sur le front, et la dirige jusqu'au parking. Dans la voiture, le petit insiste pour qu'elle monte à l'arrière, à côté de lui, et ne lui lâche pas la main. Il s'agrippe à elle, lui montre le ciel par la fenêtre, puis les bâtiments, comme s'il lui faisait redécouvrir la ville. Elle sourit et ce geste vient du cœur : le petit garçon efface toute trace de ses soucis, elle est comme lavée et immunisée contre l'inquiétude. Alors que la voiture s'arrête devant son immeuble, et se mord la lèvre en se rappelant Salomé l'attendant sur le banc de pierre. Elle se force à ne rien laisser paraître, puis elle détache Adrien et l'aide à sortir de la voiture. Il a cinq ans, mais elle a toujours besoin de le materner ; elle ne le voit pas grandir.

Ils entrent dans l'appartement, et Pauline se dirige immédiatement vers la baie vitrée pour apprécier la vue vertigineuse qu'elle lui offre. Elle en est sûre : jamais elle ne déménagera. Elle apprécie bien trop ce paysage idyllique, cette sensation de vertige et de liberté, cette impression de dominer le monde. Elle aime la beauté qui ressort de ce décor ; elle pourrait se perdre à trop l'admirer.

Mais voilà, quelque chose lui glace le sang. En bas, sur la plage, elle revoit le corps ensanglanté de Serge Prost. Elle ressent encore la pointe de sa lame contre sa gorge et y porte instinctivement une main pour la masser. Un peu tremblante, elle va se servir un soda dans le frigo, tandis qu'Hugo installe Adrien sur une chaise pour lui donner un jus de fruit.

— Tout va bien ? s'enquiert Hugo.

— Bien sûr, j'ai juste un coup de mou.

— Tatie, t'avais promis que tu jouerais avec moi...

— Mais oui petit bonhomme, va dans le salon et je te rejoins.

Adrien lui lance un immense sourire et saute de la chaise pour s'installer sur le tapis qui entoure le canapé. Il sort de son petit sac à dos des figurines de plastique qu'il pose sur la table basse, et il commence à jouer en attendant que Pauline la rejoigne. Mais dans la cuisine, Hugo la retient.

— Alors, du nouveau avec ta belle ?

Pauline lève les yeux au plafond. Ce genre d'expressions, ça fait vieux-jeu, et ça lui rappelle qu'elle commence à prendre de l'âge. Mais l'idée de parler de Salomé lui plait, et elle se mord la lèvre.

— Je l'ai vue il y a deux semaines.

— Alors on me cache des trucs, sœurette ? J'apprécie pas beaucoup. Maintenant je veux tout savoir ! Enfin, garde certaines choses pour toi...

Avec un sourire en coin, l'actrice secoue sa tête en coulant un regard à son frère.

— De ce côté-ci, il n'y a rien à raconter.

— Quoi ? Mais elle mord cette femme ou quoi pour que tu t'en tiennes à distance comme ça ?

Pauline lâche un petit rire devant l'étonnement palpable du jeune homme, puis elle prend une gorgée de soda en regardant par la fenêtre. Elle se passe la langue sur les lèvres, ferme les yeux.

— Non, c'est différent Hugo. Tu as vu ce qu'elle a traversé ? Elle a besoin de temps, et je vais le lui accorder.

— Et ensuite ? T'attends qu'elle s'offre à toi pour la jeter comme les autres ?

In our bloodWhere stories live. Discover now