Trois.

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J'ai froid. Mon corps est paralysé et mes mains ne peuvent plus frictionner mes bras. Je réfléchis. Je pense à ma fille laissée au pays avec ma sœur. J'avais promis de leur envoyer de quoi vivre comme des rois mais voilà deux mois que je arpente les rues de la capitale sans savoir où aller. Les gens parlent une langue que je peine à comprendre et me regarde comme un fou. Je suis allongé à même le sol dans un recoin de la ville où le vent ne frappe pas trop. Certaines personnes s'arrêtent pour me donner des pièces que je refusais au début mais la plupart du temps, ils m'ignorent ou me dévisagent. Je ne suis qu'un étranger parmi tant d'autres pour eux. Je serai peut-être même celui qui volera leur travail pensent-ils. Mais j'en suis incapable. Nous ne nous entendons pas. À chaque fois que je suis sur le point de m'endormir, le visage de ma fille m'apparaît et je pleure mon départ. Ils doivent croire que je suis mort, ou pire, que je les ai abandonnés. Que je suis parti pour vivre seul, que je les laisse sans argent ni nourriture. Et comme chaque fois, je pleure de cette injustice. Je suis enchaîné ici. Je ne peux pas trouver de travail ici. Je ne peux pas correspondre avec ma famille et je ne peux même pas bouger. Combien d'années nous faudra-t-il souffrir avant de pouvoir manger ne serait-ce qu'une fois à notre faim ? Combien de nuit faudra-t-il passer dehors avant de pouvoir dormir sur un matelas rien qu'une fois ? Et combien de temps faudra-t-il avant que je ne puisse serrer ma fille dans mes bras une nouvelle fois ? J'ai froid et je suis fatigué. Je suis épuisé de vivre une vie faite d'injustices alors que tout ce que je souhaitais, c'était pouvoir être avec ma fille. Mais rester avec elle, c'est la tuer avec plaisir.

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