Prologue

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            Ça doit faire au moins trois jours que je croupis là. Je viens de me réveiller et je ne sais même pas où je suis. A peine ai-je le temps de reprendre mes esprits qu'un violent gargouillis retentit. J'ai faim. Horriblement faim. Et plus j'y pense, plus j'imagine un poulet bien juteux devant mes yeux. Décidément je ne comprendrais jamais comment marche l'esprit humain.

            Ah, au fait, je m'appellerais Kazuo Matsumoto. J'emploi le conditionnel parce que ma seule source est ce passeport trouvé dans ma poche. C'est un bel indice mais étant donné que je ne sais pas ce que je fais là, ni même où se trouve cet endroit sur la planète, je suis en droit de me poser ce genre de question.

            Concrètement, autour de moi, je peux admirer des murs gris, des débris de verre et une chouette table venue compléter l'ensemble. Une belle armoire en bois s'appuie sur le mur du fond. Elle a l'air sacrément fatiguée, un peu comme ce tabouret posté devant moi qui n'est autre qu'une chaise dont le dossier est étendu à coté. C'est finalement le bruit d'une mouche qui me décide à bouger. Je me lève et remarque ce petit détail amusant qu'est le cadavre de rat accroché à ma chaussure. Il m'a fait sursauter le bougre. Mais tant pis. Je le laisse dans un coin, espérant qu'il fera le régal de fourmis voire même de cafards qui passeront plus tard.

            Le parquet grince, c'est affolant. Mon premier réflex sera de regarder par la fenêtre. Je ne vois rien. Ou plutôt beaucoup trop de choses pour pouvoir trouver ça normal. Pour être plus claire, la rue est ravagée. J'y vois des décombres des immeubles environnant, deux ou trois véhicules accidentés, une route déconstruite, et enfin une sorte d'inquiétant halo blanchâtre venant ajouter à l'ensemble une gaieté sinistre. Le silence ambiant me conforte dans l'idée que personne ne s'offusquerait de me voir me trimballer à moitié nu dans la ville à une heure de pointe. Mais mon saignement de nez soudain me dissuade d'une telle sortie. Je ne sais pas à quoi c'est dû mais ça fait sacrément mal. Et c'est malheureusement ma chemise qui servira de mouchoir. Je n'ai rien sous la main. La pièce est vide. A peine un paquet de cigarettes s'était égaré sur la table. Il ne va pas me servir à grand-chose.

            Alors que ma belle chemise bleue vire au rouge sanguin, je décide d'aller voir le contenu de la grosse armoire. Le meuble est grand vu de près. Je fais moins le fier mais je l'ouvre quand même. A l'intérieur, quelques vêtements s'entassent salement tandis que d'autres s'accrochent tant bien que mal à des vieux cintres tout tordus. Je remarque finalement une boite à chaussure sous un pantalon. Je la prends, ce n'est pas très lourd. J'ouvre et je découvre un petit camion bleu auquel il manque visiblement un crochet. Il est un peu défraichi mais c'est un beau jouet. Une question s'empare alors de mon esprit : une enfant vivait-il dans cette pièce ? Je ne vois pas de lit, moi. Je me retourne et... Ah oui, j'avais oublié de parler de l'oreiller poser par terre. C'est probablement un matelas confortable dans le pays où je me trouve. Je plains cet enfant. J'espère pour lui que ce camion lui remplissait bien ses journées. A moins que ce ne soit moi qui vivait ici... Mais avant d'attraper un mal de crâne, je vais reposer ce jouet dans sa boite que je vais reposer dans l'armoire que je vais refermer.

            Finalement, je me rabats sur la porte de la pièce qui reste la seule solution pour moi d'en savoir plus. C'est fermé. Quelle blague ! J'ai beau forcer, enfoncer la porte... Rien n'y fait. Je suis bloqué à l'intérieur. Mais si c'est fermé, c'est qu'il y a forcément une clé. Ni une ni deux, je me lance à la recherche. Je fouille tous les vêtements de l'armoire : rien. Je regarde dans le camion, sait-on jamais : rien. Dans les débris de verre : rien. Peut-être dans l'oreiller... mais non. J'ai même essayé dans le paquet de cigarettes, et à part du tabac, j'y ai rien trouvé. Je m'approche de la fenêtre. Je me penche suffisamment pour évaluer la hauteur et je tombe sur un résultat assez satisfaisant. Un esprit de sécurité me fait me dire que si je balançais la table, ça réduirait le danger. Je prends donc le meuble, et je remarque grâce à une tache rouge qui vient apparaître que je saigne encore du nez. Avant de finir la peinture de ma chemise, je place la table à peu près comme il faut. Elle tombe un peu plus loin que ce que je pensais mais ça devrait le faire. Elle est sur ses quatre pieds au moins.

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