Bonus 2 : La rencontre.

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Trois ans avant l'arrivée d'Évalina à Réturis...

L'alarme stridente retentit dans le village tout entier. Je saisis le sac à mes pieds et y fourre les quelques fruits que j'ai pu voler, puis je m'empresse de quitter ce village avant qu'il ne soit trop tard. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je me retrouve à la limite du village, prêt à fuir. Cela fait deux ans que j'y suis habitué. Voler, entendre l'alarme, fuir. Chaque jour, j'explore un nouveau village. Et chaque jour, des attaques de trénones éclatent un peu partout. Elles n'ont jamais été aussi fréquentes qu'en ce moment.

Je me demande encore pourquoi je persiste à vouloir continuer ainsi. Pourquoi je me bats. Peut-être qu'au fond, j'espère me réveiller le matin par les cris de ma sœur faisant un cauchemar. Comme avant. Mais chaque matin, je me réveille seul. Ma sœur n'est plus là. Je n'ai plus personne. Je ne sais pas où je vais. Je ne sais pas pourquoi je n'abandonne pas.

Je me retourne une dernière fois afin d'observer le désordre que les trénones ont réussi à instaurer, alors même qu'ils ne sont toujours pas là. Ils sont dans le village, c'est certain. Dans le cas contraire, l'alarme ne se serait pas déclenchée. Mais ils restent tapis dans l'ombre, attendant le moment propice pour surgir et tuer tout ce qui se présentera à eux.

Les gens abandonnent leurs achats pour courir plus vite. Les enfants pleurent et hurlent le nom de leurs parents qu'ils ont égarés dans la pagaille. Et je me demande combien de temps encore. Combien de temps cela va-t-il durer. Combien d'attaques Harmonie lancera-t-elle avant d'avoir retrouvé sa force d'antan. Peut-être ne s'en contentera-t-elle même pas ? Peut-être voudra-t-elle toujours plus ? Ces tueries ne cesseront jamais.

-À l'aide ! S'il vous plaît, à l'...

La voix se perd dans une explosion de roches. Je suis à deux doigts de sortir de ce village en proie à une attaque qui pourrait me coûter la vie si je prends le risque de rester. Mais je crois que je n'en ai plus rien à faire. La mort peut bien venir me chercher aujourd'hui, je n'en ai plus rien à faire. Je n'ai rien à perdre.

Je laisse tomber mon sac et m'empare du seul couteau que j'ai en ma possession, avant de partir déterminé vers l'origine de cette voix. Je ne me suis jamais séparé de ce couteau. Et pourtant, ce n'est pas l'envie qui me manque. J'ai essayé, plus d'une fois, de m'en débarrasser. Mais à la dernière seconde, je me ravisais toujours. Je ne peux pas me débarrasser de la seule chose capable de me rappeler, autre que ma mémoire, ce que j'ai fait à ma sœur. Ce couteau est celui avec lequel je l'ai tué. Celui-là même que j'ai enfoncé dans son cœur, sans une seule once d'hésitation. Je n'ai pas le droit de m'en débarrasser. Il est ici pour me rappeler ce que je suis. Un meurtrier.

Et que font les meurtriers ? Ils tuent. C'est exactement ce que je m'apprête à faire. Je tourne à l'angle de la ruelle dans laquelle je me suis engagé, cherchant du regard une personne en mauvaise posture. Je ne suis pas fou, j'ai bien entendu quelqu'un crier à l'aide.

Une deuxième explosion retentit, et cette fois-ci, je suis vraiment persuadé de ne pas avoir imaginé le cri de détresse de la personne en danger. Le bruit de l'explosion me guide droit vers un cul-de-sac où s'amassent poubelles et encombrants. Un léldrique a l'air de prendre son pied à balancer des boules de feu sur un pauvre gars sans défense. Je n'ai peut-être pas la technique des Surnaturels, mais j'ai appris deux ou trois choses grâce à mon père.

Les léldriques sont les seuls trénones à savoir voler, mais ce sont aussi les plus bêtes. Je ramasse une poignée de cailloux que je balance contre le mur sur ma droite, avant d'aller me planquer derrière les poubelles à ma gauche. Le léldrique qui s'apprêtait à en finir avec sa victime se retourne brusquement. Ses quatre pattes, pareilles à des pattes d'araignées, se déplacent méticuleusement jusqu'au point de chute des cailloux. Ses deux pinces de scorpion juchées au-dessus de sa tête claquent bruyamment tandis qu'il examine les alentours, sans penser à regarder derrière lui. Le plus bête des trénones, c'est bien ce que j'ai dit.

Surnaturels Tome 1 : Mystères. [Publié chez INCEPTIO EDITIONS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant