La maison

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Je suis pauvre, j'habite dans un appartement 2 pièces en bordure de ville et c'est assez difficile les "30 derniers jours du mois" comme dirait le chanteur. Je suis étudiant en Lettres Modernse dans une grande ville, j'ai donc des amis avec une grande mixité culturelle : des noirs, des riches, des pauvres, des russes etc... Je suis assez sociable et c'est souvent qu'on m'invite pour une fête, une soirée ou même juste un cinéma. Ce qui est plutôt pratique car, comme ça, j'esquive de me retrouver seul sans avoir à manger dans le frigo.

Ce que je veux vous raconter a commencé quand je suis parti en vacances dans la famille d'un pote il y a même pas un an, un mec sympa, famille riche, papa maman était dans une banque tout ça, des gens cool et une grosse baraque pour nous pendant les vacances d'été. Du moment qu'on rangeait et qu'on était polis avec la vieille voisine.

Tout s'est très bien passé, il n'y a pas eu de meurtre ou de malédiction indienne pendant les vacances, la maison était immense. On a commencé à faire des conneries dans les chambres genre château fort avec les cousins et tout ça, des jeunes qui s'amusent comme des gamins c'est vrai.

Malgré plusieurs jours dans la maison, j'avais encore du mal à m'orienter, faut dire que j'ai toujours eu un mauvais sens de l'orientation, je me suis déjà retrouvé dans le village d'à côté en me baladant à vélo, parce que j'avais pris un chemin à la place d'un autre.

Quand je commençais à me faire un plan dans la tête, la maison semblait changer. La première fois que je me suis retrouvé à l'autre bout de la demeure au lieu du salon où on avait fait nos quartiers, j'ai mis ça sur le compte de l'état avancé du taux d'alcool dans mon sang. Mais ça a continué, même durant la journée. J'ai jamais été un gros buveur, je bois en soirée et quand faut s'amuser, mais en journée ou comme ça j'ai du mal.

J'étais donc assez rapidement perdu dans cette maison, et il semblait que j'étais le seul.
On était 5, mon pote, un couple d'amis, une amie et moi, et j'étais rapidement devenu celui qui allait chercher les bières dans la cave, à l'autre bout de la maison, tout simplement parce que j'étais celui qui buvait le moins.

Quand j'étais accompagné je ne me perdais pas, et il me semble que personne ne se soit perdu à part moi.

La dernière semaine a été vraiment le centre de tous les hasards. Parfois j'arrivais au milieu du salon alors que je voulais aller aux toilettes, je sortais d'une pièce pour finir par y revenir. J'ai fini par rester soit dans le salon, soit dans ma chambre, par peur de me perdre.
Et puis est arrivé le dernier jour. On avait empaqueté les affaires dans le couloir d'entrée "principal" et on était partis boire une dernière bière pour fêter les belles vacances qu'on avait passées. Après une ou deux bières, j'ai eu une envie pressante, je me suis donc décidé à aller pisser dans les toilettes les plus proches pour pas me perdre.

Et c'est là que je me suis perdu.

Le couloir décrépissait à vue d'œil, le papier peint tombait et y'avait des morceaux de plâtres sur le sol. J'ai fini par trouver les toilettes, ayant à peine remarqué tout ça. Assis sur le trône, j'ai commencer à voir des insectes passer en dessous de la porte, un ou deux. Étant à la campagne, j'avais pris l'habitude, mais on était vachement dans l'intérieur de la maison quand même. Je me suis relevé, j'ai reboutonné mon pantalon et je suis sorti. Répondant à des sms sur le chemin du retour, je ne remarquais qu'à peine les insectes assez nombreux. Finalement, en butant sur une porte, j'ai relevé la tête.

J'étais au milieu d'une maison dévastée, il y avait des planches devant les vitres, des meubles défoncés. J'étais estomaqué, abasourdi. J'ai tourné la poignée de la porte (qui tenait à peine sur ses gonds), et je me suis retrouvé dans le salon que j'avais quitté quelque temps avant mais recouvert d'insectes.

Je suis resté à contempler la pièce pendant de longues secondes. Puis j'ai hurlé. Des insectes commençaient à grimper sur moi, une masse informe de pattes, de poils et de je ne sais quoi encore. J'ai frappé avec mon portable et j'ai couru le plus vite possible, je voulais pas me faire attraper par ce flot infâme. J'ai fini par me taper la tête contre un plafond trop bas.

Je suis tombé dans les pommes pendant quelques instants, quand j'ai repris connaissance, je me suis douloureusement relevé et je l'ai vu. Un tapis d'insectes, qui se déplaçait rapidement vers moi. J'étais coincé dans un couloir sans porte, face à une mer d'insectes grouillants, j'étais angoissé, terrifié, j'ai toujours eu peur des insectes et là c'était trop, trop pour moi. Je pensais ma dernière heure arrivée. Mais ils se sont arrêtés à une bonne dizaine de centimètres de moi, formant un cercle autour de moi. J'étais tétanisé. A bout de nerfs, les heures sont passées lentement. Trop lentement. Je commençais à perdre le combat mental, je savais qu'ils attendaient que je m'endorme pour grimper sur moi et rentrer dans ma bouche, mon nez ou mes oreilles.

Je me suis imaginé des dizaines de fois après ça pourquoi ils ne s'étaient pas rapprochés. J'ai fini par m'endormir. Quand je me suis réveillé, j'étais dans les toilettes, dans la maison "normale". J'aurais pu croire que ce n'était qu'un rêve mais j'avais mon pantalon reboutonné, une bosse sur le front et une fissure sur le portable. Je suis vite allé retrouver mes amis, il semble que je n'ai pas pris plus que le temps habituel, nous sommes partis. J'ai jamais plus remis les pieds là-bas, malgré des bonnes vacances globalement.

J'ai cru que la maison était le centre de ce phénomène, j'ai commencé à me perdre même a la fac. Je me perdais évidemment jamais chez moi mais parfois dans mon immeuble je finissais au 3eme alors que j'habite au 1er. Chez des amis à moi je restais dans le salon ou avec des gens pas loin. J'ai même commencé à avoir des problèmes car je n'allais presque plus aux toilettes, en dehors de chez moi.

Et ça a recommencé. Mais cette fois-ci c'était bien pire.

Je rentrais de soirée, seul, mon appart était pas loin et il y avait un fond d'air assez agréable. J'écoutais un morceau en marchant tranquillement quand je me suis retrouvé devant le petit commerce du coin. Ce qui était totalement pas du tout la direction que j'ai pris. Tout était éteint et je me suis dit que j'avais encore dû prendre le mauvais chemin, j'ai donc fait demi-tour. Sur le chemin j'ai commencé à avoir peur de me retrouver dans la même situation que dans la maison. Et j'avais raison, je me suis retrouvé quasiment à l'autre bout de la ville. Je n'avais pas pu marcher autant, et surtout pas sans croiser l'immeuble de mon pote que j'aurais reconnu. J'ai utilisé le GPS de mon portable et j'ai suivi la route précise qu'il m'indiquait, regardant partout pour être sûr de rien perdre qui pourrait m'aider à sortir d'ici. Mais je me suis retrouvé dans un coin que je connaissais pas du tout, et le portable indiquait que j'étais arrivé chez moi.

On était en week-end et il y aurait dû avoir du monde, il n'était pas si tard que ça. J'ai cherché un point de repère pour le suivre des yeux mais je n'ai pas vu l'église assez grande qu'on voit dans beaucoup d'endroits de ma ville. En regardant sur le plan du bus, je me suis rendu compte de deux choses :

Je n'étais plus dans ma ville.
Je ne connaissais pas du tout l'alphabet utilisé.

J'ai pris mon courage à deux mains et j'ai cherché une place ou un centre-ville. Mon portable m'indiquait l'océan pacifique. L'air a commencé à puer, salement même, j'avais un début de rhume et malgré ça je sentais bien l'odeur de pourriture. Les maisons étaient toutes abandonnées, fermées par des planches. En tournant plusieurs fois et en cherchant plusieurs endroits, je me suis retrouvé dans une ruelle, alors que j'étais rentré dans une grande rue. Elle était mal éclairée, et mon esprit qui connaissait assez bien les clichés de films avec des ruelles obscures et des monstres dans les égouts me criait de faire demi tour, ce que j'ai bien évidemment fait. Et je me suis retrouvé dans la même ruelle, j'ai eu tellement peur que mon portable a sauté de mes mains, je me suis baissé pour le ramasser tout en gardant un œil sur la ruelle. J'ai pris mon courage à deux mains, et aidé de la lumière de mon portable, j'ai commencé à marcher dans cette ruelle. J'ai entendu les bruits d'écrasement avant de sentir que mon pied avait marché sur quelque chose de gros et de gluant, en regardant ce que c'était, j'ai vu un énorme insecte à carapace, écrasé, remplie de liquide vert poisseux, ceux que j'avais vu dans la maison étaient plus petits, mais du même modèle, je pense que c'est les formes "adultes", sinon ça voudrait dire que ça grandit de plus en plus.

Le fait que je ne l'ai pas vu était tellement étonnant que j'ai commencé à éclairer chacun de mes pas, pour être sûr de pas en écraser d'autres, j'étais horrifié. Et j'en ai écrasé d'autres. Mais pas que. J'ai aussi eu la sensation que quelque chose grimpait sur moi, plusieurs fois, j'ai tapé et j'ai couru mais ça semblait toujours revenir à chaque fois que je ralentissais un peu, j'avais la peur au ventre, la sueur ruisselait. La ruelle était trop longue, c'était pas naturel du tout. Les maisons étaient toutes condamnées, sur l'une d'entre elles il y avait une feuille de papier avec des indications et des dessins préventifs, mais c'était dans l'alphabet que je ne comprenais pas. Je l'ai prise en photo pour montrer à un ami qui fait des études de langue. Mon adrénaline commençait à tomber et mes coups perdaient de la force. Mon portable n'avait plus de batterie et je me suis vite retrouvé sans lumière à marcher dans la ruelle obscure, les mains serrées à frapper mes jambes et les chaussures recouvertes de la matière visqueuse. Un insecte a presque atteint mon visage, ses pattes couvertes de poils et de petites pinces étaient trop proches de mon cou. J'ai crié et j'ai fermé les yeux en courant le plus vite possible.

Je me suis retrouvé au milieu d'une autoroute, vide heureusement. J'ai marché en essayant d'alpaguer des conducteurs mais personne ne s'est arrêté. J'ai fini par trouver une aire de repos où j'ai inventé un mensonge au mec de la caisse pour appeler de l'aide.

A bout de force, j'ai attendu mon pote chez qui j'avais passé la soirée. Je lui avais juste demandé de venir me chercher sans m'expliquer. J'étais à plus de 25km de la ville et il a prit un certain temps et quand il a fini par arriver, j'étais à deux doigts de m'endormir sur le parking. Je lui ai expliqué toute la vérité, il m'a difficilement cru mais il fallait bien une explication pour la matière visqueuse sur ma chaussure.

Une fois rentré chez moi et le portable chargé, j'ai envoyé l'image à mon ami, j'ai jeté mes chaussures dont la matière semblait ne jamais vouloir partir, j'ai pris une douche et je me suis endormi.

Le lendemain, hier, mon ami en langues m'a expliqué que l'alphabet était l'alphabet glagolitique, un alphabet slave qui a disparu après "l'invention" de l'alphabet cyrillique. Il essayait de traduire ce que la feuille disait et le peu qu'il avait compris parlait d'"Insecte" et de "Saint". Il m'a dit qu'il me tiendrait au courant.

J'ai eu du mal à sortir de chez moi, j'ai passé quelque coups de fils pour rassurer des amis et j'ai regardé sur Internet pour voir si quelqu'un d'autre avait fait la même expérience, mais rien, tout du moins en ce qui était question des insectes et de l'alphabet.

Si j'écris tout ceci, en plus de faire témoignage, c'est pour tenter de comprendre, si quelqu'un sait quelque chose en rapport à tout ça j'aimerais vraiment votre aide. Car juste avant d'écrire tout ça, j'ai regarder le GPS de mon portable et il m'indiquait encore dans l'Océan Pacifique, même mon ordinateur semble me dire ça. Je suis pourtant chez moi. Mais l'odeur est présente depuis quelque heures. J'ai peur de sortir de mon salon. J'ai dormi sur le canapé cette nuit. Je commence à avoir envie d'aller aux toilettes mais j'ai vraiment peur que mon couloir soit remplacé par un couloir plus long. Rempli d'insectes. J'aurais pas la motivation pour une troisième fois, si ça devait m'arriver je finirais par perdre, ou alors les insectes seront trop gros, et je ne pourrai pas les écraser.
Aidez-moi je vous en prie.

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