Chapitre 2

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Évidemment, les urgences sont bondées. Entre les fêtards amochés, les enfants qui hurlent et les mamies tombées du lit, je me retrouve un peu bébête devant la fille blasée de l'accueil. Sans relever les yeux de son écran, elle me lance avec une voix suraiguë,

« Nom, prénom, date de naissance.

- AMY Lucie, 1er avril 1989,

– Carte vitale ! »

Je la sors sans un mot et la lui tends. Son haussement de sourcils surpris à la vue de ladite carte, ne cache pas sa curiosité. Je rougis de honte, comme à chaque fois que je dois montrer ce maudit papier vert...

«  Heu... oui... c'était ma période essais capillaires... »

L'an dernier, j'ai voulu tester la théorie « les-blondes-attirent-plus-le-regard ». Mais moi qui m'imaginais faisant fureur avec de magnifiques cheveux de licorne, je me suis retrouvée avec une crinière de sorcière.  La couleur obtenue était indéfinie, entre le vert et l'orange...  j'ai passé deux mois avec un bonnet... En plein été... J'ai fait une croix sur les colorations maison et sur mes longueurs. Aujourd'hui, j'ai enfin récupéré ma véritable couleur brune et une coupe au carré...

«  Mouaih... »

Son air mi-amusé, mi-désabusé me rappelle ce pourquoi je suis venue... Dans les moments les plus gênants de ma vie, je place celui-ci en number-one, juste avant celui où j'ai pété pendant mon exposé d'histoire au Lycée... (Mais ça, c'est une autre histoire !)

La fille de l'accueil me fixe toujours derrière ses lunettes tombant sur son nez,

«  ... Et sinon, je suppose que vous ne venez pas pour une coupe de cheveux ? »

Quelle connasse ! Si j'étais plus courageuse, je lui cracherais dessus... Mais j'ai un truc dans le vagin qui m'en empêche... Je tente de rester digne dans cet instant d'immense solitude.

«  Non... Je viens parce que j'ai un petit souci de... santé. »

Elle suspend ses mouvements et son froncement de sourcils m'intime silencieusement à poursuivre.

«  ... J'ai... heu... un TRucnczofne....

- Vous avez quoi ? »

La couleur de mes joues est assortie aux sièges écarlates de la salle d'attente. Les personnes qui attendent leur tour s'accumulent derrière moi et la Limite de confidentialité, je précise que c'est un marquage au sol pour délimiter des espaces confidentiels, est LARGEMENT dépassée... J'entends l'ado pré pubère bien coiffé à lunettes derrière moi qui grogne de douleur en se tenant le bras et, de ce fait, ses parents, impeccablement peignés aussi, qui s'impatientent en soufflant délibérément fort.

Le stress commence à me gagner et je n'arrive pas à contrôler le tremblement de mes genoux... Je m'imagine le latex de la capote en moi se désagréger et contaminer tout mon appareil génital... Mes mains moites se frottent machinalement sur mes collants et mon cœur s'emballe dans ma poitrine.

« VOUS AVEZ QUOI ?! »

La voix de crécelle de la secrétaire me fait sursauter. On se croirait au poste de police face à un interrogatoire musclé.

Non, je ne lâcherai rien. Vous pouvez me torturer, me couper les doigts, me faire le supplice de la chèvre (1), je ne vous dirai pas où se trouve le magot...

«  Bon Mademoiselle, vous êtes aux urgences ici, pas au salon de thé, alors soit vous me dites ce que vous faites là, soit vous laissez la place à Clark Kent... »

Le ton virulent de la femme devant moi ne me laisse plus le choix... Alors je puise dans le tout petit bout de courage qui se cache en moi et comme un sparadrap qu'on enlève d'un coup,

«  J'ai-une-capote-qui-a-élue-domicile-dans-mon-vagin-et-je-n'arrive-pas-à-la-retirer... »

Comme par hasard, la salle qui était dans le brouhaha le plus total il y a quelques secondes est plongée dans un silence religieux. Je jurerai avoir entendu l'ado derrière avaler son chewing-gum.

Flash-back, 10 ans en arrière, moi debout et fière devant ma classe de terminale à la fin de mon expo sur la Puissance et les tensions dans le monde de la fin de la Première Guerre mondiale à nos jours... Je me rappelle avoir été génialissime ce jour-là...  et puis, j'ai relâché mon attention et tout ce qui allait avec...

Aujourd'hui, je récidive. On ne se change pas.

Après avoir tapé je ne sais quoi sur son ordi, la secrétaire m'enjoint, en se retenant de rire, à patienter en salle d'attente.

Je me lève dignement et repère un siège vide, là-bas, tout au fond de la salle, derrière le pot de fleurs...

(1) supplice de la chèvre : consiste à verser du lait sur la plante des pieds de la victime. La chèvre étant gourmande (la coquine) vient lécher de sa langue râpeuse ledit nectar. Si au départ les sensations peuvent s'apparenter à de petites chatouilles, je vous laisse imaginer la tronche de votre plante de pied après être passée sous la râpe a gruyère...  

Revenons à nos moutons...

Lucky-Luce (Sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant