NORAH

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Sign Of The Times – Harry Styles



La fosse n'a pas menti. Je le savais, et pourtant j'ai ignoré la preuve qu'elle m'a balancée en pleine face. Pourquoi tu as arrêté ? Pourrait-elle maintenant répondre à une question plus pertinente : Pourquoi j'ai continué ?


Je dis à Harry : « oui ». Il pense que je veux dire : « Oui, j'ai vu Tal. » Je n'ai pas vu Tal. J'ai vu Tris. Ce sera plus simple pour Harry, plus tard, s'il croit qu'il s'agissait de Tal. Il pourra tout nous mettre sur le dos, à moi et à mes névroses. Si les femmes deviennent frigides, c'est pour une raison, et Harry n'a qu'à se regarder dans un miroir s'il veut la connaître.


POURQUOI JE SUIS AUSSI NAZE, PUTAIN ?


Je me précipite à l'extérieur des loges ne claquant d'un pied la porte derrière moi, et j'ai la satisfaction d'entendre un grognement de douleur de l'autre côté du battant : « AÏE, ÇA FAIT MAL, MERDE ! » Je sais que Harry a besoin de quelques minutes pour se réajuster. J'ai un peu de temps pour faire ce que j'ai à faire.


En revanche, je n'avais pas à faire ce que je viens de faire. Je n'ai obtenu aucun oi oi oi. Rien que des aïe aïe aïe. J'ai cru au pouvoir de la fosse, cru à un signe, quand Harry a testé le micro « pute-merde-bite » en me fixant dans les yeux. Je savais qu'il n'y avait aucune chance que Tris ne se pointe pas, je savais qu'il fallait que je tente le coup avant que ça parte en vrille comme un concert de Fluffy. Je n'ai jamais été le genre de fille à prendre les devants. Contrairement à Caroline. Nuit après nuit, je l'accompagne, et les mecs s'intéressent à elle. Jamais à moi. Je n'ai pas réalisé que Fluffy était passé à Take Me Back, Bitch, quand j'ai tenté ma chance. Je pensais à la deuxième piste sur une des compils de Harry, Take a Chance on Me, d'Abba. Soit Dev avait glissé un truc dans mon cocktail, soit cette chanson des Suédois a réveillé ma sensualité, en tout cas, j'ai atterri dans la fosse avec Dev et Hunter, et je me suis mise à croire aux Va Te Faire Foutre et au temps et à nos bonds endiablés, peut-être même à Dieu et à Harry. Ce paradis/enfer brulait, et je l'ai pris pour le signe qu'il fallait se lancer.


Première mi-temps ? Chou blanc. Pas un seul but. J'ai ouvert les yeux au cours de ce baiser atrocement délicieux, pile au bon moment pour apercevoir Toni en train de fouiller Tris à la porte, et j'ai su que mon ouverture était sur le point de se foirer. Je veux dire de se fermer. Si je n'étais pas têtue et conne, ça se saurait. Ce ne sont donc pas mes hormones qui m'ont poussée à trainer Harry aux loges pour une seconde mi-temps ; la vérité est bien pire : j'étais guidée par la bêtise à l'état pute, je veux dire pure, la Bêtise de Norah, celle qui lui fait écrire des lettres régressives à Maléfix, celle que mon cerveau méprise davantage que son ignorance, parce que c'est la seule marque déposée de Norah qui l'entraine sur la voie qu'elle déteste le plus, celle du regret.


Je ne me suis même pas encombrée des préliminaires. Je me suis jetée sur lui façon Tal après un verre de vin kasher de trop. Je savais que c'était précipité, que Harry n'était pas encore prêt, mais j'étais déterminée à fondre et à démontrer que je ne le laisserais pas de glace. Et j'ai cru avoir réussi, je veux dire, je le tenais, enfin c'est ce que j'ai pensé, parce qu'il a répondu, en quelque sorte, du moins c'est ce que j'ai cru, ou peut-être que ce que j'ai pris pour une réaction et une attraction mutuelle se résume purement au fait que c'est un mec, et qu'il suffirait qu'une peluche l'effleure pour qu'il réagisse. L'excitation est retombée vite et, pour être parfaitement honnête, il n'a répondu qu'à demi, et encore. Julio a probablement compris tout de suite qu'il avait affaire à Miss Banquiz.


Je ne me repasserai plus cette scène en boucle. Non.


J'ai tellement honte.


Une nuit à New York | hsWhere stories live. Discover now