Chapitre 5: Quelques minutes de bonheur et trente secondes d'horreur

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Dimanche est enfin arrivé. Je ne sais pas si je suis content ou pas. À vrai dire, après cette affreuse semaine, je redoute ce qui va se passer dans le film. Mais en même temps, ça m'enthousiasme. Je vais posséder des pouvoirs, je vais vivre des choses fantastiques. Il y'a de quoi être excité.
-Tu es déjà là, s'étonne Léon en arrivant dans la salle bleue.
Oui, je suis déjà là. Et depuis une bonne vingtaine de minutes.
-On y va?, je demande.
Léon acquiesce et sort le casque qu'il branche à la télé.
-Tu ne vas pas commencer le film au début, me précise-t-il., Cela n'en vaut pas la peine.
Il me pose le casque sur la tête. Je sens mon cœur battre beaucoup plus fort. Je prie de toutes mes forces pour que ça se passe bien.
-Allez, bonne chance, lâche Léon.
Et je perds connaissance.

-Eliot, tu te réveilles?
J'ouvre les yeux, un peu surpris. L'espace d'un instant, je ne sais plus qui je suis. Mais ça me revient: je m'appelle Eliot, j'ai douze ans, des pouvoirs surnaturels, et dois sauver le monde...
C'est John qui m'a réveillé. Je me demande juste comment j'ai pu m'endormir à un moment pareil! On doit partir vers la capitale dans quelques minutes!
Mon ami et moi avions prévu d'y aller par bateau, afin de passer inaperçus. Hélas, on en a plus le temps.
Mais d'un côté, je suis plutôt content. Parce que cela veut dire que je vais devoir utiliser mes pouvoirs, et franchement, j'adore ça!
Très rapidement, je pose une main sur mon dos, et une sur celui de John.
Au bout de quelques secondes, une lueur bleue se forme autour de mes doigts. Je sens comme une vague de chaleur m'entourer. Et, au bout de quelques secondes, des ailes d'aigles nous poussent sur le dos.
-C'est vraiment classe, murmure John.
-Oui, c'est vrai... Allez, on y va? On est déjà en retard! 
On se met donc à battre des ailes. Je le fais habilement, John a plus de mal. Mais il parvient tout de même à s'envoler.
Très vite, on se retrouve à vingt mètres du sol. La terre est minuscule en dessous. Au loin, on voit la mer... C'est vraiment beau.
John est à côté de moi. On échange un regard entendu et on accélère. C'est notre jeu: accélérer le plus vite possible jusqu'à ce que l'un de nous deux meure... Heureusement, ce n'est pas encore arrivé.
Le vent nous souffle dans le visage, agitant nos cheveux dans tous les sens. Je commence à avoir froid. Mais c'est supportable.

Le ciel devient d'un bleu différent. On dirait qu'il est peint. À vrai dire, il ressemble à un mur... Et petit à petit, je me rend compte que je ne suis plus dans les airs, mais dans une pièce.
Que s'est il passé? J'étais en route vers la capitale et voilà que... 
-Tu t'appelles Alex, tu as dix sept ans.
C'est la voix de Léon.
Je me rappelle. Oui, la 5D, tout ça...
J'enlève le casque et regarde l'homme.
-Pourquoi est ce que je me suis réveillé?, je demande. Je n'ai pas eu de sensations vraiment extrêmes, non?
-Non, pas du tout, répond Léon. En fait, c'est moi qui ai arrêté le film.
-Mais... Pourquoi? C'était sympa, je volais!
-J'ai peur que si tu restes trop longtemps dans un film, cela ait des répercussions sur ton mental. Comme cela l'a fait avec le Temple perdu.
Je lui jette un regard étonné. Comment peut il être au courant de la semaine que j'ai passé?
-Ta mère, il me dit, comme s'il lisait dans mes pensées. Elle est au courant de tout et nous fait part de ta santé mentale. D'ailleurs, il serait préférable que tu ailles voir un psychologue. Je dis ça pour ton bien.
-Ma mère a déjà pris rendez vous, je lâche.
-C'est parfait... Juste, Alex, j'ai une question.
-Allez-y.
-Pourquoi après tous les ennuis que t'as causé la 5D tu as accepté de revenir aujourd'hui?
-Ma curiosité l'a toujours emporté sur la peur. Et puis, les ennuis, je n'ai pas attendu la 5D pour en avoir.
-Je vois...
Léon reprend le casque et me le met sur la tête.
-Tu vas pénétrer dans un autre film. Il parle des sans-abris. Tu vas donc devenir l'un d'eux.
Cette idée ne me plait pas trop, mais je laisse Léon faire. Il appuie sur un bouton, me souhaite bonne chance, et quelques secondes après, je perd connaissance.

J'ouvre les yeux. Ça faisait longtemps que je n'avais pas dormi. L'espace d'un instant je ne sais plus qui je suis. Mais je me rappelle. Je suis Thomas, cinquante ans, veuf, sans-abris.
Je me demande si finalement je n'aurais pas préféré oublier.
Il fait froid. Ça pu. Je pu.
Je regarde les passants. Aucun ne s'arrête pour me donner ne serait ce qu'une seule pièce.

Je rouvre les yeux. Je me sens mal. Je porte un casque sur la tête. Que s'est il passé? J'ai mal au crâne.
-Tu t'appelles Alex, tu as dix sept ans, me dit une voix familière.
Je relève ma tête douloureuse.
C'est Léon.
-Tu n'es resté que trente secondes dans le film.
Ah ouais, la 5D, c'est vrai.
J'ai envie de vomir. Je ne suis peut être resté que trente secondes, mais j'ai quand même ressenti des choses indescriptibles: la mort de ma femme, la faillite, la honte, et...
Je ferme les yeux.
Un spectateur qui se serait contenté de visionner la scène n'aurait pas compris tout cela. Il aurait juste vu un vagabond se réveiller. Mais moi, j'ai vu toute sa vie, j'ai ressenti toute sa douleur... Et au bout de trente secondes, j'ai cédé. Je me suis réveillé.
Un frissons me parcoure lorsque je me demande comment j'aurais fait si tout cela était réel. Si je ne pouvais pas sortir de ce cauchemar juste en ouvrant les yeux.
-Ça va aller?, me demande Léon.
Je suis incapable de répondre. Je suis encore sous le choc.
Je remarque que je suis couvert de sueur. De grosses goutes coulent sur mon visage, et dans mon dos.
-Tu vois, me dit Léon. Si nous faisions visionner ce genre de film en 5D, alors les gens se mettraient à la place des autres. Ils auraient plus de compassion.
Je lui jette un regard noir.
-Vous êtes un sadique.
-Non, pas du tout, je me dis juste qu'une telle invention pourrait rendre les gens meilleurs.
-Et vous pensez pas à moi?!, je m'exclame avec colère. Aux gens comme moi! Ceux qui ne font ni de bonnes actions, ni de mauvaises. Ceux qui se contentent de vivre leur vie tranquillement, sans problèmes! 
-Et bien ça les secourait justement. Ils...
-Ça les traumatiserait! Je ne crois pas qu'on mérite de vivre tout ça! Avoir de la compassion, je veux bien, mais se retrouver à leurs places, même pour une seconde, je suis pas d'accord! C'est... C'est traumatisant!
Léon me dévisage longuement.
-J'ai d'autres films de ce genre, sur toutes les personnes qui ont besoin d'aide et que le monde ignore, jour après jour...
-C'est faux, pas tout le monde ne les ignore. Je vous assure qu'il existe des gens biens!
-Tu en fais partie?
Je baisse les yeux.
-Je ne suis pas quelqu'un de mauvais... En tous cas, je ne veux pas tester vos autres films. J'ai eu ma dose...
-Non, ne t'inquiètes pas. Si tu souhaites revenir, c'est dimanche prochain, à la même heure.
Je ne réponds rien, et quitte la pièce.
À vrai dire, je ne sais pas quoi penser de ce qui s'est passé. J'ai ressenti énormément de choses, mais je ne suis pas sûr de toutes les comprendre.
J'ai juste envie de dormir, et d'oublier tout ça. J'y réfléchirais demain.

Des avis? J'espère que ça vous a plu! Et merci d'avoir lu !

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