Chapitre 1

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KIM

Je cours à en perdre haleine. Il est tout autour de moi, parmi les arbres sombres. La forêt m'étouffe, elle qui d'habitude m'apaise grâce aux bruissements de la nature, des feuilles, aux craquements des branches sous le vent de montagne. Mais j'ai d'autres préoccupations pour le moment. J'entends sa voix qui résonne à l'infini : "Danse, danse pour moi ma belle. Danse pour ta vie.". Alors je danse, je me faufile entre les troncs et les ronces. La forêt ne m'est jamais apparue aussi hostile.

Je vois la lumière du soir qui perce à travers les arbres. La luminosité augmente au fur et à mesure que les arbres se font plus rares et mon cœur s'élance sous la force de l'espoir et augmente son rythme effréné. Je dois sûrement être proche de la falaise. Le gouffre est infranchissable. Même pour Lui. Je garde cependant un mince espoir, terni par l'idée du saut que je m'apprête à réaliser. J'ai de grandes chances de ne pas réussir, de tomber sur des centaines de mètres, dans une des crevasses qui parsèment la montagne. J'accélère donc la cadence, courant plus vite que je ne l'ai jamais fait malgré mon souffle manquant. Sa voix hante tout ce qui m'entoure et son rire cascade tel un crissement d'ongles sur un tableau noir. Je grince des dents et poursuis sur ma lancée.

Tout d'un coup, je sors de la forêt. Je vois le vide à une vingtaine de foulées mais je ne ralentis pas. Je puise dans mes dernières forces pour sauver ma vie et j'entends son cri de frustration lorsqu'il se rend compte de mon projet : sauter par dessus le gouffre qui me sépare d'un territoire qui ne lui appartient pas. Derrière ce gouffre, je serai libre. Son souffle est tout près, et je l'entends hurler "ATTENDS !" juste avant que je prenne appui sur le dernier bout de terre qu'il possède.

Le vent gonfle autour de moi, je sens la gravité qui s'acharne à me faire tomber et à me tuer. Puis vient le choc, mon corps fragile et abîmé entre en collision avec une surface dure. J'entends un craquement sordide dans mon bras et une douleur fulgurante me vrille le crâne. Le grondement de fureur du Maître m'atteint de plein fouet alors que j'essaye de me relever laborieusement. J'ai réussi ! Je suis sauvée. Je n'ose pas lui lancer un dernier regard. Sa rage me terrifie. Je préfère m'évanouir dans les ombres de la forêt qui reprend après le gouffre. Elle me parait bien moins dangereuse maintenant que je ne suis plus la proie de mon Maître.

La fatigue et la faim forment une boule dans mon ventre tandis que je m'avance vers les bruits de la ville que j'entends au loin. Je pourrais peut-être y trouver de la nourriture et voler de quoi me soigner. Mais c'est à des heures d'ici et le sang qui coule le long de mon échine n'est pas bon signe, sans parler de la pulsation de douleur qui irradie mon bras. Par chance, la nuit est en train de tomber et je pourrai passer inaperçue.

DANN

Une étrange sensation me perturbe. Comme si je ratais quelque chose d'important. Pourtant tout le monde est là et il n'y a pas eu d'incident. Personne n'est venu importuner les filles (ce qui pouvait s'avérer dangereux vu leurs caractères) et les garçons n'ont même pas fait une démonstration de force, au contraire de leur habitude. Chacun d'eux - soit une bonne vingtaine de personnes - me jette des coups d'œil de temps en temps, ce qui me laisse penser qu'ils ressentent aussi ce pressentiment inquiétant.

Avec un haussement d'épaules, je m'éloignai du bar auquel j'étais accoudé et je traversai la piste de danse du "Lutin ardent", le bar où nous nous trouvions ce soir. Cela donna discrètement le signal du départ. Lorsque je fus dehors, la sensation s'accentua. Les autres se rapprochèrent de moi mais je leur fis signe d'un léger mouvement de la tête . J'avais repéré la silhouette qui se découpait au bout de la rue et je voulais qu'ils l'encerclent. D'un pas fluide et que je voulais décontracté, je m'approchai de la figure chétive qui se dessinait à contre-jour des lampadaires de la rue. L'odeur du sang me parvint et ma posture se modifia sensiblement. Que faisait donc une personne recouverte de sang dans cette ville après minuit ? Avait-elle eu un accident de voiture ? Et comment était-elle arrivée jusqu'ici ? Plus méfiant maintenant que j'avais senti cette odeur, je m'approchai doucement. L'inconnu produisit alors un grognement sourd. Je m'arrêtai, indécis face à cette réaction. Improvisant un air inoffensif, je lui adressai la parole :

La Meute sombre [terminée]Where stories live. Discover now