Le crieur annonça la septième heure de la matinée.
Désormais seul sur le parvis du Palais du grand roi Eurysthée, Patos entreprit de rassembler la nuée de pièces qui scintillaient sous ses sandales. A genoux sur le pavé, il brassait face contre terre et étirait ses bras aussi loin que la Création le lui permettait. C'est-à-dire pas très loin.
Puis il s'assit sur son séant, aplatit sa toge devant lui et, une à une, il fit glisser les pièces de cuivre sur le tissu. Une fois l'opération réalisée, il roula le tout, fit deux noeuds solides au paquet improvisé, et se hissa lourdement sur ses deux pattes.
━ Là, me voilà paré, se dit-il à lui-même, allons maintenant rejoindre Hercule à la taverne de la Vigne Tordue et lui donner sa stupide peau de lion, et lui annoncer par la même occasion que c'en est fini de nos aventures. J'ai sur moi assez de pécune pour vivre une année entière de débauche.
Il tenta de faire quelques pas en direction du coeur de la ville, mais se rendit bientôt compte que le clinquement des pièces qui s'entrechoquaient sur son ventre risquait d'attirer l'attention sur lui. Mais si Patos se préoccupait du son, c'est de toute évidence parce qu' il n'avait pas l'image, car en plus de tinter comme une tirelire, son accoutrement ferait de toute évidence tourner les yeux à la populace qu'il ne manquerait pas de croiser. En effet, sur son épaule trônait la peau du lion, posée là en sac à patates, et le devant de sa toge, remontée et roulée comme un tapis sur sa bedaine, était à quelques pouces de révéler, sous le trésor qu'elle cachait, les précieux bijoux du brigand.
Aussi adopta-t-il cette marche si singulière de l'individu pressé de trouver les latrines, mais pas trop pressé quand même, car un pas trop précipité dans ce moment d'extrême tension ne manquerait pas de déclencher une véritable catastrophe sur le blanc de sa toge.
C'est donc à petits pas qu'il arriva à la taverne de la Vigne Tordue.
Il trouva Hercule attablé à l'extérieur de l'établissement, dormant la tête dans ses bras sur le bois de la table. Autour de lui reposaient les restes d'une demi-douzaine de gobelets, tous vides.
Patos s'assit délicatement, en évitant de faire clinquer les pièces de son trésor. Une fois installé, il s'enquit de son futur ex-maître.
━ Psst, M. Hercule ! C'est moi, Patos.
━ Hein, qui va là ? marmonna Hercule sans lever la tête, plongé dans ses rêves.
━ Eh bien, moi. Patos.
━ Pat... Pythie ! Par pitié, Pythie, je suis dépité ! s'écria Hercule en se redressant brusquement, si brusquement que son tabouret vacilla en arrière et que le demi-Dieu s'étala de tout son long sur la poussière.
Hercule était réveillé et fixait désormais droit devant lui. Par malheur, son regard donna sous la table et croisa ce que jadis recouvrait la toge retroussée de Patos.
━ Ah ! Vision des Enfers, s'écria-t-il en se passant plusieurs fois les paumes sur les yeux. Mon Père, faites que j'efface de ma mémoire ce qu'il vient de m'être révélé !
Patos, il va sans dire, ne comprenait pas du tout où son maître voulait en venir.
Quelques secondes passèrent dans le silence le plus total, puis Hercule redressa son tabouret et y reposa son séant divin.
━ M. Hercule, je vous rapporte votre peau.
━ Manque de pot, c'est beaucoup trop de peaux pour un réveil, Patos.
━ Ah ? Vous auriez préféré une découpe différente ?
Hercule soupira tout en se tapant la main sur front. Il allongea finalement le bras, se saisit de la peau du lion, et apposa la tête de l'animal sur la sienne.
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Hercule
HumorSi le divin Hercule a marqué l'Histoire de son empreinte, le détail de ses péripéties reste un mystère sur lequel nous nous promettons de lever le voile. Traînant à sa suite un mulet et brigand balourd, nous suivrons le demi-Dieu au cours d'aventure...
