Leçon n°63

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" Je regardais les séries turques avec Khalti quand je reçois un appel.

Je décroche, mes larmes se mettent à couler toutes seules... "

Mes mains tiennent le volant, crispées. Djibou est assis à côté de moi, tranquille, il sait que c'est pas le moment d'être agité, il sait que je suis pas bien.

Je jette un rapide coup d'oeil dans le rétro, mes yeux sont rouges. J'suis à sec là, j'ai plus aucune larme à donner, j'ai trop pleuré.

Je vois les kilomètres défiler, les aires de repos aussi mais je marque aucun arrêt. J'ai pas la tête à me reposer, vraiment pas la tête à ça.

J'aurai préféré que cet appel téléphonique soit une blague mais j'pense vraiment pas que la mère d'Adah va rigoler sur le fait que sa fille a des fortes chances de mourir.

Elle est partie au Congo et elle est revenue avec la fièvre jaune. C'est pas la petite fièvre qu'on a en France, nan nan, c'est le type de fièvre qui peut te tuer au bout de 10 jours à un certain stade.

J'pourrais vous faire un exposé sur comment j'me sens que vous comprendriez toujours pas à quel point j'me sens... dégoûtée. Ouais, dégoûtée de moi. Putain j'me suis embrouillée avec ma soeur tout ça pour de la merde, je lui ai pas parlé pendant des mois et maintenant si ça se trouve j'aurai même pas le temps de m'excuser et de lui dire au revoir.

Putain je réalise même pas là wAllah mes yeux vont pleurer du sang, la dernière fois que je l'ai vu elle allait bien, tout rouler pour elle dans sa vie, ses études, Abib, tout.

Je roule je vois même pas la route, y a que des images d'elle et moi depuis qu'on est tipeu qui défile dans ma tête. Quand on jouais au basket ensemble, quand on s'perdait toujours chez pas où on était paniqué alors qu'on savait qu'au final on allait retrouver notre chemin, quand j'étais en retard à chaque fois que j'devais sortir avec elle et j'faisais semblant que je la voyais après elle m'demandait toujours comment elle était habillé et à chaque fois j'me trompais.

Y aura pu avoir encore pleins d'autres images ces derniers-moi si j'avais pas fais la conne et que j'aurais pas fais la forte tête. Quand on se frite avec une personne qui se dit que la personne on va peut-être plus jamais la revoir ? Personne.

On prend tout pour acquis et on oublie qu'on est rien dans cette dûnya qu'un jour ou l'autre on retournera forcément à Allah.

Cette fille c'était mon sang toujours là pour moi, dans les bons comme dans les mauvais moments. Mais moi comme j'pense qu'à ma gueule j'me suis jamais demandé comment allait, j'savais même pas qu'elle devait aller au Congo.

J'ai envie de rejetter la faute sur autre chose, sur tout le monde, sur le Congo, me dire que ce pays pourquoi il a des maladies de merde aussi mais la seule fautif dans l'histoire c'est moi.

Pour la première fois de ma vie j'ai honte de ma fierté de merde. Les algériens on abuse avec notre fierté, ouais c'est vrai faut avoir de la fierté, ça endurcie et ça m'a évité de pas me faire carotte pleins de fois dans ma vie, mais regardez ça mène ou aussi.

Si ça se trouve Adah va mourir et j'aurais pas pu lui dire au revoir comme il le faut, je vais m'en mordre les doigts toute ma vie.

Je vous dis pas que faut se rabaisser et mettre sa fierté de côté pour tout le monde et encore moins pour des garçons qui en ont rien à foutre de vous et qui se fout peut-être de votre gueule mais regardez bien les gens qui sont autour de vous et évaluez bien leur importance, ceux qui sont réellement là pour vous et qui veulent seulement votre bien sans jalousie ni envie, y en a que très peu.

Code de la rue : Survivre à MarseilleWhere stories live. Discover now