Épilogue

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Vincent, assis sur son fauteuil, passait ses doigts vieillis sur le papier. Il venait de retrouver un dessin au fond d'un carton, c'est lui qui l'avait fait il y a très longtemps. Ses souvenirs ne l'avaient pas trompé, sa Muse était véritablement aussi belle à l'époque. De son index, il redessina le contour de ces yeux qu'il avait tant aimé regarder pendant sa jeunesse.

"-Papy ?"

Cette petite voix le tira de ses pensées. Vincent regarda le petit garçon aux bouclettes blondes assis en tailleur par terre. Il avait cessé d'écraser de vieux tubes de peinture au dessus d'une feuille blanche et fixait désormais son grand-père.

"-Oui ? S'enquérait le peintre.

-C'est quoi ça ?"

L'enfant désigna du doigt le dessin que tenait Vincent entre ses doigts flétris par le temps.

"-Rien d'important. Et toi, qu'est-ce que tu peins, mon grand ?

-Un bateau de pirate, s'exclama l'enfant en levant sa feuille comme un trophée.

-C'est très beau, répondit Vincent après avoir mis ses lunettes."

Son petit-fils sourit grandement, dévoilant un sourire troué par la perte de ses dents de lait, puis continua son ouvrage assis sur le bois de la terrasse. Le vieil homme l'observa quelques secondes avant de fermer les yeux, laissant le soleil réchauffer son visage en cette après-midi d'été. Il se remémora tous les moments passés avec sa Muse, du moins les meilleurs. Malheureusement, une voix féminine le sortit rapidement de ses pensées.

"-Hermès ?"

Vincent ouvrit les yeux et tourna la tête à l'entente de son prénom. Sa belle-fille, la femme de son fils aîné, se trouvait à quelques mètres de lui. Elle s'approcha d'un pas rapide tandis qu'il se levait. Peu de personnes l'appelaient par son véritable nom, peu le connaissait en réalité. Hermès, le messager des dieux. À chaque fois qu'il l'entendait, il se confortait dans l'idée que Vincent sonnait mieux.

"-Oui, Natalia ?

-Votre fils pense qu'on devrait partir maintenant. On a beaucoup de route à faire et il voudrait éviter les embouteillages.

-Natalia, je t'ai déjà dit que tu pouvais me tutoyer voyons, lui rappela Vincent en souriant. Bon, je comprends, ce n'est rien, c'est très gentil d'être passé me voir ce week-end.

-Mais c'est gentil à vous, pardon, à toi de nous avoir accueilli. Et ça a fait du bien au petit d'être un peu à la campagne plutôt qu'en ville.

-Maman ! Maman ! Cria le concerné. Regarde mon dessin, c'est un bateau de pirate.

-C'est joli chéri. Tu vas chercher ton manteau, on va y aller, lui dit sa mère.

-On peut pas rester encore un peu avec papy ? Demande l'enfant en faisant la moue.

-Non, désolé mon cœur. Maman travaille demain.

Le petit garçon partit en boudant vers la voiture. Natalia dit au revoir à Vincent puis son fils vint faire de même. Une dizaine de minutes plus tard, ils avaient tous les trois repris la route. Le vieil homme poussa un soupir en voyant leur voiture disparaître au bout de la rue. Il rentra dans sa maison et poussa la porte vitrée derrière lui. Ce week-end en famille lui avait changé les idées, mais maintenant, il retrouvait le vide de cette grande bâtisse. Sa femme était décédée il y a quelques années et depuis un sentiment de solitude le tenailler. Son fils et sa famille ne venaient pas souvent le voir, ça ne devait être que la cinquième fois qu'il voyait son petit-fils depuis sa naissance et Vincent était en mauvais terme avec son second fils.

Il baissa les yeux vers le dessin qu'il tenait toujours dans sa main. Il s'était passé près de cinquante ans depuis la dernière fois qu'il avait vu Atellane et pourtant son visage était resté gravé dans sa mémoire. Il n'avait pas pensé à elle depuis tellement d'années

Vincent avait véritablement aimé sa Muse, du moins, il avait cru l'aimer. Mais les sentiments sont trompeurs, surtout quand on les ressent pour la première fois. Il avait cru que c'était ce qu'il éprouvait pour cette jeune femme aux yeux marron. Leur relation n'avait mené nul part. Ce fut quand même l'une des plus belles années de sa vie. Il était heureux en croyant à un amour irréel et en se berçant d'illusions.

Il s'était juste trompé, mais au moins ce fut une magnifique erreur.

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