Chapitre 3 : Qui se repent

292 20 1
                                    

     L'obscurité. Une pensée... Cullen. Le revoir. Toujours. Il disparaît. L'image farouche d'un frère empreint de rouge. Du feu. Des cris. Non ! Pardon ! Un regard doux, celui du commandant. Apaisement. Des pensées ? Non. La mort. Il le faut ! Punition. Colère. Du feu. Des cris. Qu'ils se taisent. Pardon.
Je suis tellement désolée.
De la chaleur dans une main. Dans l'autre, les nerfs à vifs. L'Ancre. Encore là, même dans la mort? Non... Ce n'est pas de la chaleur, mais de la douceur... Et de la fermeté. Une main qui serre. La lumière filtre au travers des paupières. Vivante ? Une douleur. Aiguë. Incapacitante. Ça fait mal. Que ça s'arrête... Pitié, que ça s'arrête ! Pardon pour le feu ! Faites taire ces cris !
« Non, pardon pitié, je suis désolée... Désolée ! Pardonnez-moi... » Sanglotait Aelia.
« Ma dame ?! » Appela une voix qui semblait lointaine. Familière... Celle de Cullen !
L'inquisitrice ouvrit les yeux. Et les referma aussitôt : la lumière du soleil lui brûlait les pupilles.
« Enfin ! » S'exclama l'ancien templier avec soulagement.
Aelia entrouvrit les paupières doucement, pour s'habituer peu à peu à la luminosité de la pièce. Elle reconnut les murs de sa chambre. Elle était donc de retour au siège de l'Inquisition. Elle tourna légèrement la tête vers l'homme assis à son chevet. Celui-ci essuya avec son index les larmes qui perlaient sur les joues de l'inquisitrice. Elle était confuse. Depuis quand était-elle à Fort Céleste ? Elle essaya de se rappeler ce qu'elle faisait. Le souvenir d'un paysage enneigé lui revint. L'Emprise du Lion. Et la Tour d'Os. Elle se remémora les paroles cinglantes de son frère, devenu templier rouge. Julian !
« Mon frère... ! » S'alarma la mage aux cheveux de feu.
Elle se redressa, mais retomba sur ses oreillers dans un gémissement plaintif. Ne comprenant pas, elle souleva les draps pour examiner ce qui la faisait souffrir. Son ventre était dénudé. Dessus était appliqué un cataplasme curatif à base d'elfidée. Cullen posa la main sur son bras, en exerçant une légère pression.
« Vous ne devez pas bouger, inquisitrice. Votre blessure n'est pas encore tout-à-fait cicatrisée. » Informa-t-il.
« Quoi ? Mais qu'est-ce que je fais là ? Je dois m'occuper de mon frère. C'est ma faute. » Dit-elle, le regard dans le vague.
Cullen secoua la tête. Elle étudia plus attentivement son visage. Ses yeux étaient cerclés de noir, signe qu'il n'avait pas beaucoup dormi, et il était plus pâle que d'habitude.
« Vous avez été gravement blessée. C'est un miracle que vous soyez encore en vie. Enfin, c'était de l'inconscience ! S'emporta le commandant. Vous êtes partie sans prévenir qui que ce soit ! Et vos compagnons reviennent avec vous dans un sale état, couverte de sang. Que se serait-il passé si vous étiez morte ?! »
Il se leva et se mit à faire les cent pas, se frottant la nuque, furieux. Aelia comprit qu'il parlait des failles : ils avaient besoin d'elle, enfin, de l'Ancre, pour les refermer. Et Corypheus courait toujours. Cela décevait la jeune femme : l'inquiétude du commandant n'était donc dû qu'à un intérêt purement professionnel ? Pourtant, il se prit la tête dans les mains, et lui tourna le dos.
« Je n'ose imaginer... Je ne peux pas imaginer un monde sans vous. C'est impossible. » Murmura-t-il à voix basse.
Aelia garda le silence, prenant conscience de ce que ces mots pouvaient impliquer. Son cœur se réchauffa, et elle parvint à se détendre. Cullen baissa les bras, et redressa la tête, mais il ne se retourna pas.
« Excusez-moi, inquisitrice, je n'aurais pas dû vous parler ainsi. Je vous laisse vous reposer. » Prit-il congé.
« Non attendez ! Interrompit Aelia. Depuis combien de temps suis-je ici ? Je ne me rappelle pas... »
Cullen s'avança vers l'escalier d'un pas lent.
« Cela fait quatre jours que vous êtes rentrée. Dorian m'a raconté ce qu'il s'est passé... Inquisitrice, sans lui, vous ne seriez plus de ce monde. Que le Créateur vous garde. Vous avez d'excellents compagnons. » Répondit le commandant alors qu'il descendait les marches.
La jeune femme entendit la porte s'ouvrir et se refermer, puis les pas de celui qui faisait battre son cœur s'éloigner. Elle voulait réfléchir, mais elle sombra dans le sommeil, éreintée.

     Le lendemain, Aelia se sentait beaucoup mieux. Elle avait pu avaler un petit déjeuner, et avait même réussi à se redresser. Les soins des guérisseurs se révélaient efficaces. Mais elle devait souvent boire des infusions d'elfidée pour calmer la douleur que lui causait sa blessure. Dorian vint lui rendre visite au milieu de l'après-midi. Le Tévintide paraissait toujours aussi vaniteux qu'à l'ordinaire, mais l'inquisitrice avait bien remarqué son regard angoissé sous le masque qu'il s'efforçait de porter. Dorian s'assit sur la chaise de bois inconfortable à côté du lit.
« Eh bien, vous nous avez fait peur ! Mais pas autant que Cullen. Je suis sûr qu'il voulait me tuer dès qu'il nous a vu revenir avec vous, dans l'état où vous étiez. Je vous assure, il était prêt à sortir son épée de son fourreau pour trancher ma belle tête. » Raconta Dorian, en prenant une voix dramatique.
La miraculée éclata de rire, ce qui lui déclencha une vive douleur ventrale. Quand elle se fut calmée, elle lui demanda en détails ce qu'elle avait manqué. Le mage caressa sa fine moustache, tandis que son regard se perdait dans le vide.
« Quand votre frère vous a blessé, j'ai bien crû que tout était terminé. Bull et Sera se sont interposé pour vous protéger. De mon côté, je me suis précipité vers vous. Vous perdiez tellement de sang... J'ai usé de toutes mes connaissances magiques pour vous maintenir en vie. Et pendant ce temps, votre salaud de frère a préféré s'enfuir ! Grogna-t-il. Bull voulait se lancer à sa poursuite, mais je lui ai dis qu'on devait vous ramener immédiatement à Fort Céleste. Il vous a porté dans ses bras tout le long du voyage. Les chevaux étaient presque morts de fatigue quand on est rentrés, Dennet a failli faire une syncope. Solas a pris le relais ; ça me fait mal de l'admettre, mais il est plus doué que moi en magie de guérison. Je ne comprends pas, vous auriez dû mourir... Même avec les soins. Comment se fait-elle appeler déjà ? Ah oui, la chirurgienne. Elle est restée de longues heures pour vous soigner. Finalement, vous étiez sortie d'affaire, après quelques jours d'angoisse. Vous vous êtes mise à délirer pendant votre inconscience. Vous parliez d'un incendie, et vous demandiez sans cesse pardon... Cullen venait le soir pour vous tenir compagnie. Il restait toute la nuit, et le lendemain matin, il retournait dans son bureau. Quant à Sera, Bull et moi-même, vos conseillers nous ont passé un sacré savon. Cassandra m'a donné un bon coup de poing, mais les deux autres ne se sont pas laissés faire, les traîtres. Autant vous prévenir tout de suite, nous ne savons pas ce qu'il est advenu de votre frère. »
Quand Dorian eut terminé son récit, il se leva pour délasser ses jambes. Aelia n'arrivait pas à croire tout ce qu'il avait dit. Comment son frère en était-il arrivé là ? Et le comportement de Cullen... Elle ne savait plus où elle en était.
« Aelia ? Vous pourrez toujours compter sur moi. Vous le savez, n'est-ce pas ? » Lança Dorian, en regardant son amie droit dans les yeux.
Celle-ci lui adressa un sourire réconfortant. Dorian le lui rendit, puis lui annonça qu'il la laissait se reposer. Il quitta la chambre, laissant l'inquisitrice seule avec elle-même. Le balcon était ouvert, laissant l'air frais de la montagne aérer la pièce. Le soleil brillait de mille feux dans le ciel azur. Aelia entendait de l'agitation au-dehors : des épées et des boucliers qui s'entrechoquent, le bruit des sabots martelant les dalles de pierre, et elle pouvait même distinguer le chant de la barde Maryden au milieu des éclats de voix. La vie animée du fort la rassurait. Savoir que tous comptaient sur elle, que leurs vies étaient entre ses mains lui pesait lourd sur ses épaules. Mais c'était un gage de confiance qui lui donnait de la force. Et le Créateur savait qu'elle en aurait besoin pour régler le problème de son frère.

Dragon Age Inquisition : Le Chant de la HaineWhere stories live. Discover now