Chapitre 8

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Durant plusieurs jours, je ne cesse de songer à Noah et à sa blessure qu'il a tenté de camoufler. Je l'observe davantage pendant les cours, guettant ses réactions, essayant de deviner ce qu'il peut cacher. Mais fidèle à lui même, il ne montre rien, ne change pas d'attitude. Il continue de prétendre que rien ne s'est passé, de faire comme si nous n'avions jamais eu cette conversation. Comme si je n'avais rien découvert.

J'ai hésité à aller en parler à la direction, avant de me rétracter. Ce n'est peut-être pas grand-chose, je me fais sûrement des idées. Peut-être une soirée qui a dérapé pour se finir en rixe. C'est un mec, ça nous arrive à tous de vivre ça.

Malgré tout, je ne relâche pas ma vigilance, au contraire.

Mais il est difficile d'essayer de sonder quelqu'un, d'essayer de déchiffrer ses expressions, quand son visage n'est qu'un masque d'impassibilité.

Décidément, il ne compte pas me faciliter la tâche.

Une part de moi aimerait laisser tomber. On ne peut pas aider quelqu'un qui ne veut pas l'être. D'ailleurs, j'ignore même s'il en a réellement besoin. Mais l'autre part me dit que c'est le cas, et que je ne dois pas abandonner. Peut-être qu'il ne s'en rend pas compte encore, qu'il se méfie de moi ou de mes motivations, mais chaque chose en son temps. Prendra le temps que ça prendra, mais il finira par me faire confiance. Du moins, je l'espère.

***

Je viens de terminer mon dernier cours et attends que tous les élèves aient quitté ma classe pour me diriger vers la salle d'étude et récupérer quelques bouquins dont j'ai besoin pour préparer certaines de mes interventions.

Il est dix-huit heures, fin de la journée pour tous les étudiants qui se ruent à travers les portes d'entrée, pressés de rentrer chez eux ou d'aller boire un verre ensemble pour se relaxer.

En passant devant la salle des profs, j'avise Noémie, en train d'enfiler sa veste. Elle m'offre un petit signe et je lui souhaite une bonne soirée avant de continuer mon chemin.

Les rires, les voix se tarissent au fur et à mesure, et je me retrouve bientôt envahi par un silence serein tandis que tout le monde ou presque a quitté l'établissement.

Je pousse la porte entrouverte et pénètre dans la salle brillamment éclairée. Qui semble par ailleurs déserte. Des tables sont disposées çà et là, les murs d'un blanc cassé sont dissimulés derrière des étagères pleines à craquer de livres et manuels scolaires.

C'est alors que j'entends un son feutré, un peu plus loin sur ma gauche. Je m'avance et découvre avec surprise Noah, avachi sur sa chaise, la tête posée sur un bouquin, ses lunettes de travers, qui ronfle doucement. Je m'approche et réalise que le bruit provient de ses écouteurs qui sont tombés de ses oreilles et pendent dans le vide.

Que fait-il encore ici ? Ses cours sont terminés depuis au moins trois heures.

Malgré moi, je ne peux m'empêcher de l'observer. Il semble paisible, serein. Ses traits sont détendus, un léger sourire ourle ses lèvres pleines. Je dois réprimer mon envie subite de tendre le bras pour caresser son visage. Bordel, mais je déraille ou quoi ? C'est un putain d'élève, il serait bon que je ne l'oublie pas.

Je pousse un petit soupir frustré et contrit, m'approche pour poser délicatement ma main sur son bras et le secouer légèrement.

— Noah ?

Pas de réponse. Je le secoue un peu plus fort.

— Noah ?

Il grommelle un son inarticulé. Et ouvre les yeux d'un coup.

Désirs Défendus (Sortie le 16 mai 2018)Where stories live. Discover now