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-Je vous ai reconduit à l'intérieur de l'immeuble duquel je vous ai vu sortir à l'instant. Mais si vous souhaitez je peux vous conduire ailleurs, je suis de repos aujourd'hui et je n'ai pas grand-chose à faire !

-Je ... non, ça ira ... merci ... je ... non laissez, merci beaucoup.

Je l'ai laissé là. Je n'ai pas trouvé le courage de retourner dans la rue chercher ma canne. J'ai monté les escaliers le plus vite que j'ai pu, sans me retourner. Je ne veux pas qu'elle tente un rapprochement. Je ne la connais pas. Et cet enfer, juste là, au dehors ... plus jamais je ne veux y retourner.

Les gens sont violents. Bruyant. Sans gêne. Avec aucun sens de ce que représente l'Autre. A part cette jeune fille. Quel âge elle peut avoir ? Putain la question conne que je me pose à moi-même sérieux ! Je m'auto-fait-pitié ! Je pousse la porte de l'appartement, et la referme soigneusement derrière moi.

Fred n'est toujours pas rentré. Il est grand. Il veut prendre l'air, c'est son problème ! Moi je ne sors pas. Je ne retournerai pas dehors ! Pas seul. J'avance tout droit. Contre un nouveau mur. Décidément je pense que les murs de cet appartement bougent ! Je ne vois pas comment c'est possible que je me les prenne aussi souvent ! Enfin bon, je retrouve quand même une chaise qui est autour de la table. Je m'y assoie.

Et j'attends. Un certain temps. J'ai même dormi à un moment. Mais je me suis réveillé en sursaut quand j'ai entendu la porte s'ouvrir. Rien qu'au son de ses pas sur le sol je savais que c'était lui. Qu'il est enfin rentré. Je ne sais pas qu'elle heure et quel jour on est. Mais il est finalement revenu. Je me mets debout pour l'accueillir. J'avance vers l'entrée. Il passe à côté de moi, sans rien dire. Sans me saluer. Rien.

Le silence. Ce silence est lourd. Pesant. La colère monte en moi. Je tente de la repousser car je sais que ce qu'il vit, c'est tout sauf facile. C'est tout sauf plaisant. C'est tout ce qu'il y a de plus horrible.

-C'était l'enterrement aujourd'hui. J'y suis pas allé. Je vais me coucher.

Il jette violemment son blouson sur le sol, plus loin. Il part déjà dans la chambre alors que je commence à ouvrir la bouche pour lui demander de m'attendre. Je me baisse au niveau du sol pour récupérer sa veste. Je la range correctement sur une chaise. Je me dirige vers la chambre, mais la porte est fermée. Je ne l'ai même pas entendu la fermer ... Je fais demi-tour, préférant le laisser faire son deuil. S'il a besoin de moi, je ne suis pas loin. Et je ne risque pas de bouger de toute façon ! Sauf s'il m'aide.

Je me suis assis devant la télévision. J'ai écouté une émission. Une téléréalité je crois. Très drôle. Je m'en suis fait mal au ventre. C'est de l'ironie. Le seul mal de ventre auquel j'ai eu droit, c'est celui causé par cette boule de chagrin que je porte depuis que Fred m'a rejeté. Parce que c'est exactement ce qu'il a fait quand il est revenu. Il me déteste parce qu'il pense que je n'ai pas vécu ce qu'il vit. En quelque sorte, c'est à moitié vrai. Je n'ai pas perdu quelqu'un de ma famille de sang. Mais j'ai perdu la personne qui était la plus proche de moi, alors j'estime que c'est comparable.

Oh et puis merde ! Pierrick tu n'as jamais attendu que les gens décident à t'approcher ! Putain Pierrick lance toi ! Rejoins-le ! Bouge-moi ton gros cul musclé qui commence à retomber parce que tu fais plus de sport et va le voir ! Soutiens-le ! Aide-le ! Aime-le !

Aller je vous laisse deviner ce que j'ai fait ! Des propositions ? Oui, non ? Haha, non je rigole. Je ne peux pas vous faire intervenir comme ça à ma place pour raconter ma vie, parce que vous ne l'avez pas vécu. Mais je veux vous la faire vivre à travers mes mots. Mes paroles. Mes gestes, que je suis sûr vous voyez parfaitement. Alors continuez à regarder. A écouter. A lire.

BlindOù les histoires vivent. Découvrez maintenant