Partie 4

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Allongé sur le dos, les bras croisés derrière la tête, Elio regardait la poussière danser dans les rayons du soleil qui traversaient la petite fenêtre.
Deux semaines étaient passées depuis la dernière visite d'Ana, et il désespérait de ne jamais la revoir. Elle seule le comprenait, et elle seule le distrayait de sa morne existence. Elle était devenue en si peu de temps le point d'attache qui l'amarrait au quai de la vie, l'ancre qui maintenait son espoir vivace.

Pour passer le temps, il avait demandé à un médecin de lui apporter des livres. Celui-ci l'avait pris en pitié, et le lendemain, était revenu avec une pile d'une dizaine de bouquins flambants neufs.

D'abord, Elio les avait touchés, pour se convaincre qu'ils étaient bien réels, bien à lui. Il possédait quelque chose désormais, autre que son corps abîmé. Il avait passé ses petites mains sur les couvertures éclatantes de couleurs vives. Il avait adoré l'odeur de papier qui s'en dégageait. Et puis, il les avait ouverts. La plupart était des livres parlant d'aventures dans d'autres mondes, de vaillants combattants et vilains méchants, de nobles guerriers d'honneur et de mystérieuses créatures aux pouvoirs magiques incroyables.

Il en fut transporté. En quelques pages, ses yeux ne lisaient plus, ils voyaient des images. Un autre monde s'offrait à lui, ses rêves se réalisaient. Il pouvait courir, rire, chanter, combattre, pleurer au même rythme que les héros dont il découvrait les aventures au fil des pages. Et ça lui faisait un bien fou ! Enfin, il avait l'impression de vivre. À travers des récits imaginaires, certes, mais il vivait.
Un seul point noir au tableau: l'absence d'Ana. Comme il aurait aimé partagé ces aventures avec son amie !

Il se redressa dans son lit, ébloui par le soleil qui avait changé de position dans le ciel pour venir éclairer son visage amaigri. Retour à la triste réalité. Son esprit avait beau être stimulé par les livres, son corps, lui, n'était pas au meilleur de sa forme. Loin de là même.

Une énième fois, il posa ses plantes de pied au sol, et poussa aussi fort que possible sur ses petits bras, mais le résultat fut le même que lors de toutes ses tentatives précédentes. Il s'écrasa lourdement au sol, ses jambes ne répondant plus à ses ordres. Son visage se tordit quand il frappa du poing sur le sol et se mit à pleurer de rage. Comme il était frustrant de sentir son corps se dégrader sans pouvoir rien y faire. Il parvint à se tourner sur le dos, et s'étala sur le sol, un bras sur les yeux.
La porte s'ouvrit brutalement, et deux médecins entrèrent en courant.

- Elio ! Est-ce que tout va bien ? demanda celui qui lui avait apporté les livres. Tu ne devais plus essayer de te lever, tu nous avais promis !

Les deux hommes le saisirent sous les bras et le réinstallèrent dans son lit tant bien que mal.

- Tu as mal quelque part ?

Elio ne pleurait plus, le regard désespérément fixé sur le mur d'en face.
" J'ai mal là, aurait-il aimé pouvoir dire en pointant son coeur. Parce que je ne sortirai jamais. Parce que je ne peux plus marcher. Parce qu'Ana n'est pas là. Parce que je ne vivrai plus longtemps, je le sens dans mon corps. Parce qu'à part à travers des livres, je ne vis plus. "

Ses mains s'ouvraient et se fermaient convulsivement, et une douleur effroyable lui raidit la nuque, puis tout le corps. Un feu liquide se répandait dans ses veines, et sa vision s'obscurcit. Il sentit à peine les deux médecins s'agiter autour de lui, comme il sentit à peine un bataillon d'infirmiers et infirmières entrer dans sa chambre pour leur prêter main forte.
La douleur reflua longtemps après le début de sa crise, lentement, le laissant à bout de souffle, le teint pâle et le souffle erratique.

Mais quand est-ce que tout cela allait-il enfin cesser ? Combien de temps devrait-il supporter cet enfer ?

"Ana, reviens vite, pensa t-il avant de sombrer dans le noir."

Que seras-tu demain ?Where stories live. Discover now