XX: 14

8.1K 924 20
                                    

Mon corps ne répondait plus, mes mains étaient moites, mon cou raide, mon souffle court, ma gorge sèche. J'écoutais le moindre bruit , le moindre pas, l'ouverture de la porte, les pas lents sur le sol. Je n'arrivais pas à inspirer suffisamment pour regonfler mes poumons. C'est comme si chaque nouveau pas qui amenait l'intrus jusqu'à moi, emprisonnait l'air de la pièce. 

Cachée derrière les fauteuils, j'espérais que l'individu ne me repère pas et disparaisse le plus rapidement possible. J'essayais, comme un enfant qui aurait peur la nuit d'un monstre ténébreux, de ne pas faire de bruit pour ne pas être repérée. 

" Mademoiselle Danae ? "

Je me paralysais de peur. Je ne sentais ni mes bras, ni mes jambes , seulement mon cœur qui frappait contre ma cage thoracique , me rappelant que je n'étais pas encore une statue de pierre.

C'était finis pour moi. J'étais découverte. Si ça se trouve , il le savait depuis le début. Il m'avait vu avec ces maudites caméras, il avait scruté le moindre de mes mouvements pour me prendre ensuite au piège dans cette affreuse pièce.

"Je sais que c'est vous , Danae. Sortez calmement de votre cachette."

Cette voix , je la connaissais.

C'était Jacob. 

" Rien n'est perdu , Génitrice. Personne à part moi n'est au courant de votre sortie nocturne. Et il n'y a aucune raison que cela se sache. "

Cette réponse à mon silence était inattendue. Je ne savais comment réagir.

 Étais-ce un piège pour me faire sortir ou était-il sincère ? J'étais à la fois confuse et rempli de colère de mettre fait prendre aussi facilement. Avais-je réellement le choix ? Je restais un instant accroupie à comparer le pour et le contre. Jacob, je ne pouvais avoir confiance en lui, je le connais à peine. Il était un homme parmi les autres, parmi les murs de cet institue. 

Je me levais doucement. Il était temps de faire face quoi qu'il advienne. Jacob me regardait sans émotion. Enfin pas tout à fait, il y avait quelque chose qui était apparu dans son regard. De la peine peut-être ?

 Il me fit signe d'avancer. J'étais passablement énervée. La lumière du couloir était encore éteinte, ne permettant pas de voir ma présence dans l'allée. Jacob était muni d'une petite lumière. Celle-ci n'allait pas un instant dans ma direction, cela permettait aux caméras de ne pas repérer ma présence. Toute cette attention, il avait donc dit la vérité. Mais en quoi cela l'avantageait de me cacher ? Cela était vraiment étrange. 

À cet instant, je ne pouvais me permettre d'émettre du bruit pour une interrogation. Je l'observais donc en silence. Il ne m'était jamais venu à l'idée de voir Jacob autrement que dans son rôle de guide. Il ne dégageait aucune émotion derrière ses yeux foncés . Sa personnalité était effacée sous cet uniforme impeccable et cette coiffure stricte.

Silencieusement,  il m'emmenait à la bouche d'aération. Sans broncher, je grimpais dedans pour me faufiler jusqu'à ma chambre. Dans cet environnement exigu , je laissais éclater mes larmes de colère. La découverte de cette pièce m'avait complètement chamboulée. Cela avait justifié mes craintes les plus profondes. Nous n'étions que des animaux.  

Je ne pouvais pas l'accepter, c'était plus fort que moi. Je ne  pouvais rester impassible et les laisser nous espionner de la sorte. Arrivée dans ma chambre , je fermais l'issue. Un léger tapotement sur ma porte m'intrigua, je m'approchais de celle-ci. 

" Je viendrais vous chercher demain matin pour le petit déjeuné. Tâchez de ne plus enfreindre les règles jusqu'à demain matin."

Je ne pouvais pas l'accepter, c'était plus fort que moi. Je ne pouvais rester impassible et les laisser nous espionner de la sorte. À ce moment, une fureur s'emparait de moi, je retenais mon bras pour ne pas frapper le mur avec mon poing. Il était maintenant clair que je serais surveillée 24 heures sur 24. Ma liberté et mes chances de fuir diminuaient à petit feu.

Quand j'entendais les bruits de pas s'éloigner de ma porte, je me précipitais vers mon armoire. J'attrapais le premier vêtement venue. D'une main ferme, j'arrachais le tissu. D'une volonté de fer , j'inspectais toutes les pièces de ma chambre pour trouver des caméras ou autres objet qui leur permettaient de m'épier.

Chaque élément soupçonneux était recouvert de tissu, chaque trou , chaque imperfection des murs était masquée par mes soins. Si je ne pouvais être libre à l'extérieur , il était hors de question que je fasse une croix sur mon intimité.

Je m'allongeais sur mon lit attendant en vain le sommeil. Mes yeux se fermaient doucement, j'écoutais ma respiration s'apaiser. J'essayais de me rappeler le ciel de mon enfance, cette lumière chaude qui caressait mon visage. Je visualisais une fois de plus ce souvenir enfantin. Cette statue de femme au corps voluptueux, au ventre rond et au voile fin qui l'entourait. Je revoyais son visage pétrifié, ne dégageant ni de la joie , ni de la crainte, mais plutôt de la satisfaction. C'était un souvenir graver dans ma mémoire sans temps ni espace. Je ne me rappelais ni du lieu , ni de la personne qui m'accompagnait ce jour-là. Je me remémorais seulement ces mots lâchés dans le vent : "Il est plus facile de créer des enfants fort que de réparer des hommes brisés."

GenitriXWhere stories live. Discover now