III

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        Son ventre était agité de soubresauts nerveux et répétitifs. Sa vue lui jouait des tours, elle se brouillait parfois avant de redevenir nette, puis de chavirer de nouveau dans la brume. Sa démarche était plus lente et hésitante, ses membres étaient lourds.

L'enfant n'aimait pas cette impression qui lui rendait visite trop souvent. Cette impression égoïste qui lui murmurait de prendre un met de son choix sur un stand et de partir sans demander son reste. Pourtant, il avait l'impression d'entendre la voix de son père, qui lui chuchotait de continuer sa route sans que le vice ne le frôle. Elliott pensait à sa famille, et ses pas devinrent plus rapides, cette impression mise sous silence. Son corps était parcouru d'un élan de force, qui lui fit relever la tête.

C'est à ce moment-là qu'il croisa le regard d'une jeune fille. Elle était aussi haute que lui, mais pourtant une lueur de ses yeux montrait une certaine connaissance de la vie. Ses épaules étaient fragiles sous les bretelles de sa robe trop longue pour elle. Ses bras nus étaient marqués de légères rayures argentées qui faisait ressortir sa peau incroyablement sombre. Ses cheveux bruns constituaient une masse de frisotis dans sa nuque, et l'une de ces mèches étaient tombée malencontreusement devant son œil droit.

Elliott ne pouvait éloigner son regard de celui de la jeune fille ; il était d'un vert émeraude comme celui des euphorbes qui poussaient dans le champ à côté de la maison du jeune garçon. Une certaine tristesse habitait ces yeux divins, et pourtant la jeune fille brandit timidement un sourire à Elliott. L'enfant sentit ses lèvres se retrousser doucement elles aussi, comme victime d'un enchantement.

Sans qu'il ne s'en rende compte, ses jambes frémissantes se frayèrent un chemin à travers les passants pour rejoindre la jeune fille. A quelques mètres d'elle, il se stoppa. Le sourire de la petite s'était élargi, et Elliott pouvait maintenant voir des petites fossettes au coin de ses lèvres rosées.

Une idée vint traverser l'esprit du jeune garçon. Il fouilla dans son tiroir, pour en sortir deux fleurs. Leurs pétales étaient larges et doux, doucement parsemés de la rosée de la veille. C'était des violettes, les fleurs préférées de la mère d'Elliott. Il adressa un regard timide à la jeune fille, lui posant une question silencieuse. Alors celle-ci s'approcha, comme pour motiver le jeune homme.

Ainsi Elliott leva la main pour glisser les fleurs derrière l'oreille de la jeune fille. Leurs âmes se mêlèrent un instant, pendant un instant qui sembla durer une éternité pour les deux enfants.

A ce moment-là, il semblait qu'ils se connaissaient depuis toujours, que leur regard c'était posé l'un sur l'autre avant ce jour. Il restait tous deux immobiles pour laisser cette douce idée les submerger le plus longtemps possible.

Pourtant, quelque chose vint séparer leur complicité ; un choc violent vint faire trembler la jeune fille sur le côté. Elle lâcha un gémissement de douleur quand son corps heurta un stand de fruits. De nombreuses pommes et poires roulaient sur le sol autour de la jeune fille étalée à terre.

Son sourire avait disparu, ses yeux étaient maintenant remplis d'eau. Elliott s'apprêtai à lui venir en aide quand un homme grand muni d'un chapeau se planta devant lui avec des yeux menaçants. Elliott était obligé de lever la tête pour admirer la figure sévère de l'homme blanc.

Celui-ci était élégamment vêtu, lui donnant un côté ténébreux et dangereux. Le jeune garçon esquissa un pas en arrière devant cette stature imposante et terrifiante.

'' – Va-t'en sale petit nègre ! Elle n'est pas là pour se faire des amis mais pour exécuter mes ordres ! '' s'exclama l'homme d'une voix rauque.

Il prit le poignet de la jeune fille violemment. Celle-ci ne protesta pas mais des larmes coulaient le long de ses joues. L'homme la frappa quand il s'en aperçu. Elle ferma alors les yeux après avoirlancé un dernier regard à Elliott. Ils se retournèrent et partirent.

Le garçon contemplait doucement les violettes restées au sol. Les pétales étaient maintenant maculés de boue. Il s'accroupit pour les ramasser et les remettre dans son tiroir. C'est à ce moment qu'il remarque la foule qui s'était regroupée autour de la scène. Des yeux pleins de pitié le dévisageaient, parfois avec haine, d'autres avec tristesse. Il baissa les yeux puis reprit sa route.

Le marchand de violettesWhere stories live. Discover now